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Suffit-il d'etre poli avec autrui pour le respecter ?

Publié le 27/02/2005

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L'insuffisance de la politesse comme attitude extérieure   Cela ouvre sur une interrogation de l'insuffisance intrinsèque de la politesse : quelle est sa valeur en effet, si elle peut exister en étant fausse et imitée ? Peut-on se contenter d'une telle superficialité pour fonder le respect ? Non seulement alors la politesse ne suffit pas à fonder le respect, mais elle peut en plus apparaître comme totalement incompatible avec lui. On pourra comparer notre remise en cause de la politesse comme apparence à ce que dit Rousseau de l'obéissance de façade :   Rousseau   « C'est beaucoup que d'avoir fait régner l'ordre et la paix dans toutes les parties de la république ; c'est beaucoup que l'Etat soit tranquille et la loi respectée : mais si l'on ne fait rien de plus, il y aura dans tout cela plus d'apparence que de réalité, et le gouvernement se fera difficilement obéir s'il se borne à l'obéissance. S'il est bon de savoir employer les hommes tels qu'ils sont, il vaut beaucoup mieux encore les rendre tels qu'on a besoin qu'ils soient ; l'autorité la plus absolue est celle qui pénètre jusqu'à l'intérieur de l'homme, et ne s'exerce pas moins sur la volonté que sur les actions. Il est certain que les peuples sont à la longue ce que le gouvernement les fait être. Guerriers, citoyens, hommes, quand il le veut ; populace et canaille quand il lui plaît : et tout prince qui méprise ses sujets se déshonore lui-même en montrant qu'il n'a pas su les rendre estimables. Formez donc des hommes si vous voulez commander à des hommes : si vous voulez qu'on obéisse aux lois, faites qu'on les aime, et que pour faire ce qu'on doit, il suffise de songer qu'on le doit faire. »     III. Le respect comme valeur morale   On pourra alors tenter de définir le respect comme valeur morale : pour Kant ainsi, le véritable respect consiste à traiter l'autre comme fin, et pas comme un moyen.

Lorsque l'on dit ‘il suffit', on signifie qu'il n'est besoin de rien de plus, que les conditions nécessaires sont remplies. Ce que l'on demande ici, c'est si la politesse est la condition suffisante du respect. On entend par ‘politesse' un comportement poli, policé, établi selon certaines normes qui sont supposées celles par lesquelles la personne à qui l'on s'adresse se sentira correctement traitée. La politesse apparaît ainsi comme largement déterminée par des règles sociales contingentes.

La définition du respect pose davantage de problèmes : si l'on considère que le respect est accompli par la politesse, alors le respect peut apparaître comme une attitude de façade, et cette définition ne semble pas satisfaisante. Ne faut-il pas plutôt considérer qu'il peut exister un respect de façade, donc un respect qui n'est pas un respect dans son essence, et qui s'incarne notamment dans la politesse, et un respect véritable, dont la valeur est morale, et qui ne s'exprime pas tant dans un comportement extérieur que dans une rigueur morale intérieure qui conditionne l'ensemble de nos actes sans les déguiser ? 

 

« La politesse est une composante essentielle de la vie en société, qu'elle contribue à régler.

Elle définit pour chacun une façon de secomporter qui lui permette de vivre en communauté.

Plus qu'une simple option, la politesse est une exigence sociale (on apprend à unenfant la politesse, parce qu'un adulte impoli est socialement mal considéré).

Pourtant, si on la considère dans son contenu, la politessesemble n'être qu'un art de faire illusion, de sauver les apparences, bref une hypocrisie (lorsque nous disons « bonjour » à quelqu'un, luisouhaitons-nous sincèrement de passer une bonne journée ?).

Souvent nous ne pensons pas à ce que nous disons, nous sommes polispar habitude ou par intérêt, indistinctement envers tout le monde.

Peut-on cependant envisager une société où la politesse ferait défaut, autrement dit n'y a-t-il pas une nécessité de la politesseen dépit de l'hypocrisie dont on l'accuse ? Enfin, ne peut-on penser une politesse qui permettrait de vivre en société sans être hypocrite, une politesse sincère etrespectueuse de l'autre ? I – L'hypocrisie de la politesse - La politesse est une convention sociale, c'est-à-dire une norme admise et reconnue par des individus qui souhaitent vivre ensemble de manière pacifique.

Nous ne sommes pas polis dès la naissance, on nous apprend à l'être, par l'éducation, de sorteque la politesse est de l'ordre de l'acquis.

Par là elle s'apparente à un artifice .

De plus, les règles de politesse sont le plus souvent arbitraires en ceci qu'elles ne sont pas les mêmes d'une culture à l'autre, elles sont relatives à un lieu et une époque.

Elles sont donc d'autant plus artificielles qu'elles ne sont pas universelles. - La politesse n'est pas synonyme de respect de l'autre .

En effet, l'homme le plus immoral peut être aussi le plus poli.

La politesse n'est alors qu'une façon de se donner une apparence de moralité .

La morale, selon Kant, se caractérise par la pureté de l'intention, c'est-à-dire qu'elle n'est pas dictée par l'intérêt (le désir de reconnaissance par exemple).

Or la politesse peut êtreintéressée : outre l'habitude, je peux aussi être poli pour ne pas me faire d'ennemi, mieux, pourm'attirer des faveurs.

Cela ne veut pas dire que je suis bienveillant à l'égard de ceux envers quije suis poli, mais seulement que je joue le jeu de la bienveillance, parce que j'y ai intérêt.

Lapolitesse se distingue donc de la morale, telle que Kant la définit, elle est une ruse au service del'intérêt individuel.

Cette politesse n'est qu'un respect superficiel d'autrui.

Un moyen en vued'une fin intéressée.

II – Nécessité de la politesse - Une société ne saurait se passer de la politesse car, comme on l'a dit, elle rend possible un vivre-ensemble.

Quiconque souhaite vivre en société doit donc satisfaire à l'exigence depolitesse, comme condition d'un rapport non violent à l'autre.

Celui qui rejette la politesse secondamne à vivre comme Diogène le Cynique : en rejetant une règle du corps social, il s'enexclut.

Au vu de l'ordre social auquel elle contribue, on ne peut donc condamner la politesse pourle seul motif qu'elle est hypocrite.

Autrement dit, mieux vaut une règle défectueuse (enl'occurrence hypocrite), que pas de règle du tout.

La vertu régulatrice de la politesse consistepour Alain en ce qu'elle contient les mouvements affectifs.

En public, avec des inconnus – puisque c'est là surtout que la politesse est de mise – la politesse est une retenue qui m'empêche de m'épancher, de me plaindre,d'exagérer mes tracas personnels.

Par là elle m'en détourne et m'oblige (non plus seulement en public mais aussi dans le privé,c'est-à-dire tout le temps) à une attitude raisonnable, modérée, envers ce qui m'affecte.« Une femme […] qui interrompt sa colère pour recevoir une visite imprévue, cela ne me fait point dire : « Quelle hypocrisie ! » mais :« Quel remède parfait contre la colère ! » » (Propos sur le bonheur ) - La politesse est le commencement de la moralité.

Comme on l'a dit, la politesse n'est pas innée, elle s'acquiert par l'éducation. Pour Aristote, apprendre consiste à faire, à imiter, avant même de connaître ce que l'on apprend.

C'est en pratiquant la justice quel'on devient juste, c'est en pratiquant la modération que l'on devient modéré.

De même, c'est en pratiquant la politesse que l'ondevient poli, et il ne s'agit pas cette fois d'une simple conformité à la règle sociale mais d'une véritable disposition qui s'installe ennous, et qui s'appelle la vertu, la moralité : « Par le fait que les hommes jouent ces rôles, les vertus dont, pendant longtemps, ils ne prennent que l'apparence concertée, s'éveillent peu à peu et passent dans leur manière » (Kant).

L'apprentissage de la politesse apparaît ainsi comme une condition nécessaire à l'acquisition de la morale. III – La sincérité de la politesse - La politesse n'est pas seulement coercitive, elle n'est pas qu'une norme, une règle imposée de l'extérieur par la société ou l'éducation.

En effet la politesse peut partir du sujet : elle est alors un choix, un acte de liberté, et non plus seulement une normesubie.

Elle reste contraignante, puisqu'elle est toujours une règle, mais une règle à laquelle je choisis d'adhérer et qui, parconséquent, ne m'ampute pas de ma liberté.

Ce choix se fait sur la base d'une réflexion, c'est-à-dire que la politesse est penséeet non plus seulement reçue, je la fais mienne jusqu'à en oublier qu'elle est un produit de l'éducation.

Dès lors je ne suis plus poliparce que j'ai été éduqué ainsi, mais parce que dans la politesse réside ce que Kant appelle le « sens de l'humanité », comme unebienveillance spontanée à l'égard d'autrui.

Il s'agit ici d'une politesse sincère, mue par la volonté d'accueillir l'autre dans masubjectivité, au-delà de la place artificielle que lui réserve la norme sociale.- On peut donc distinguer deux sortes de politesse : la politesse « étiquette », rigide, mécanique et hypocrite, mondaine dirons- nous, et ce que Bergson appelle politesse « de cœur », qui consiste à ménager la sensibilité d'autrui et suppose « une connaissanceapprofondie du cœur humain ».

Elle s'adresse à l'autre en ayant à cœur de ne pas le blesser, ce qui ne relève pas de lacomplaisance mais d'une « grande bonté naturelle ».

Cette politesse est un élan sincère du cœur vers autrui. Conclusion : la politesse n'est une hypocrisie que si on la considère dans sa dimension sociale uniquement, comme condition d'une sociabilité tranquille.

Mais la prise de conscience de ce qu'elle est, à savoir une norme artificielle, doit nous conduire à rechercher uneautre forme de politesse, qui elle s'enracine dans le sujet.

L'on peut alors parler, par opposition à la politesse hypocrite et sanscontradiction, d'une politesse sincère et respectueuse d'autrui.. »

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