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Temps et événement

Publié le 09/01/2020

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temps

L'AVENIR, L'ÉVÉNEMENT ET L'AUTRE

Il reste maintenant à analyser les conséquences d'une telle conception. Que le temps, orienté vers l'avenir, soit pensé à partir de l'anticipation de la fin n'induit aucun pessimisme ni aucun désespoir. Au contraire, le temps apparaît comme ce qui met l'individu en rapport avec la possibilité même de l'inattendu, du nouveau, de la surprise, en un mot de V événement Le temps ainsi conçu est donc créateur, force d'innovation et d'inconnu. Emmanuel Lévinas, philosophe français contemporain, grand lecteur de Heidegger, radicalisera une telle conception du temps en affirmant que l'avenir est synonyme de Vautre, c'est-à-dire de ce qui est fondamentalement différent de moi, de ce qui peut toujours me surprendre et déranger mes certitudes (texte 1 ).

Mais c’est au moment même où Lévinas se tient au plus près de la pensée de Heidegger qu'il s'en éloigne. L'approche de la mort, selon Lévinas, me met en relation avec l'autre, avec ce que je ne peux pas prévoir. Et c'est ce rapport avec l'autre qui, au contraire de ce que dit Heidegger, loin d'esseuler l'existant, le met au contraire en relation avec les autres. L'autre de la mort fait ressortir, en moi, l'altérité et brise ma solitude et mon égoïsme : « La relation avec l'avenir, la présence de l'avenir dans le présent semble encore s'accomplir dans le face-à-face avec autrui. La situation de face-à-face serait l'accomplissement du temps-, l'empiétement du présent sur l'avenir n'est pas le fait d'un sujet seul, mais la relation intersubjective. La condition du temps est dans le rapport entre humains ou dans l'histoire1. » Le temps est ainsi la possibilité même de V éthique, c'est-à-dire non seulement du souci de mon propre être, mais encore souci de l'être de l'autre, assistance à l'autre dans sa marche vers la mort.

Lévinas affirme : « Ce n'est pas du néant de la mort dont précisément nous ne savons rien que l'analyse de la mort

LE RAPPORT À L'AVENIR

Prenons la mesure du cheminement parcouru jusqu'ici. La question fondamentale, à l'origine de tout traité philosophique sur le temps, est « qu'est-ce que le temps ? ». À cette question, la réponse semble sans appel : le temps est à la fois étant et non-étant. Il convient dès lors de trouver le mode selon lequel on peut s'assurer de sa présence. Nous avons vu que c'est l'un des moments du temps, le présent, qui, élaboré conceptuellement, élargi au-delà de son statut de simple instant ponctuel, permet de fonder cette assurance. Mais nous avons examiné également comment la conception kantienne du temps comme forme pure de l'intuition, comme condition d'apparaître de tous les phénomènes qui, en elle-même, n'apparaît pas, permettait déjà d'inquiéter cette recherche de la présence du temps. Le temps, en effet, est peut-être moins un étant, une chose existante, qu'une structure, une condition de possibilité des phénomènes, enracinée dans la subjectivité sans avoir elle-même un statut d'existant concret.

C'est dans cette direction de recherche que s'engage la pensée de Heidegger qui montre que le temps n'est effectivement pas un étant et qu'il est à ce titre vain de vouloir s'assurer de sa présence comme de son présent. Le temps, parce qu'il n'est pas un étant, met le Dasein en rapport avec l'autre même de tous les étants, l’être. Nous avons vu que la temporalité originaire, ou authentique et propre, ne reposait pas sur le privilège du maintenant présent, mais était tout entière orientation vers l'avenir.

L'AUTRE ET L'ÉTERNEL RETOUR DE L'IDENTIQUE

Qu'est-ce que le tout autre ? N'entretient-il aucune relation avec le même ? Si c'est le cas, comment le sujet peut-il se tenir en rapport avec lui ? Faut-il comprendre également que ce rapport à l'avenir comme à l'altérité absolue implique l'effacement de toute mémoire, l'insistance sur la seule nouveauté ? Faut-il penser que, pour des philosophes contemporains comme Heidegger ou Lévinas, le passé disparaît au profit d'un avenir inconnaissable ?

Il n'en est rien. Et c'est au passé même que nous en demanderons la preuve, c’est-à-dire à un philosophe chronologiquement antérieur à ceux que nous venons de citer, Nietzsche, et à sa pensée de Y éternel retour de l'identique. Cette pensée est affirmée avec force dans Ainsi parlait Zarathoustra, où Nietzsche présente le devenir, en un apparent paradoxe, comme une puissance de retour. Est véritablement créateur, c'est-à-dire plein d'avenir, ce qui est susceptible de revenir. Faut-il en conclure à une contradiction, voire à une absurdité ? Une lecture attentive des textes nous l'interdit. En effet, le contresens à ne pas commettre est de croire que, pour Nietzsche, le devenir est un cycle, un retour du Même ou un retour au Même, comme si tout avenir était inexorablement voué à son propre anéantissement par le retour du passé. En réalité, l'éternel retour est au principe d'une répétition libératrice et sélectionnante. Ce qui revient n'est pas le même, mais le passé

temps

« --· L'AVENIR, L'ÉVÉNEMENT ET L'AUTRE Il reste ma intenant à analyser les conséquences d'une telle concept ion.

Que le temps, orienté vers l'aven ir.

soit pensé à partir de l'anticipation de la fin n'induit aucun pes­ simisme ni aucun désespoir.

Au contra ire, le temps appa­ raît comme ce qui met l'individu en rapport avec la poss ibi­ lité même de l'inattendu, du nouveau, de la surprise, en un mot de l'événement.

Le temps ainsi conçu est donc créa­ teur, force d'innovat ion et d'inconnu.

Emmanue l Lévinas, philosophe français contemporain.

grand lecte ur de Hei ­ degger , radicalisera une telle conception du temps en affir­ mant que l'aveni r est synonyme de l'autre, c'est-à-d ire de ce qui es t fon damentalement différent de moi, de ce qu i peu t toujours me surpre ndre et déranger mes certi tudes (texte 1).

Mais c'est au moment même où Lév inas se tien t au plus près de la pensée de Hei degger qu'il s'en élo igne .

L'approche de la mort, selon Lévinas , me met en relation avec l'au tre, avec ce que je ne peux pas prévoir.

Et c'est ce rapport avec l'autre qu i, au contraire de ce que dit He ideg­ ger, loin d'esseuler l'ex istant, le met au contraire en rela­ tion avec les autres.

L'autre de la mort fait ressorti r, en mo i, l'altérité et brise ma solitude et mon égoïsme: « La relation avec l'avenir, la présence de l'ave nir dans le pré­ sent semble encore s'a ccomp lir dans le face-à-face avec autru i.

La situation de face -à-face sera it l'accomplissement du temps; l'empiétement du présent sur l'aven ir n'est pas le fait d'u n sujet seu l, mais la rela tion intersub jective.

La condition du temps est dans le rapp ort entre humains ou dans l'histoire 1• » Le temps est ainsi la poss ibili té même de l'éthique, c'est-à-dire non seulement du souci de mon pro pre être, mais encore souci de l'être de l'autre, assis­ tance à l'autre dans sa ma rche vers la mort.

Lévinas affirme:« Ce n'est pas du néant de la mort dont préc isément nous ne savons rien que l'analys e de la mort 1.

Emmanue l Lévinas , La Mort et le temps, coll." Essais », Le livre de poche, 1992, pp.

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