Toutes les inégalités sont-elles des injustices?
Publié le 06/07/2005
                             
                        
Extrait du document
«
                                                                                                                            Rousseau, qui pourtant  défend l'égalité  parmi les hommes  comme principepolitique absolu, ne nie pas qu'il existe des inégalités naturelles: la différenced'âge, la santé,  la force  du corps,  les capacités  intellectuelles...
                                                            
                                                                                
                                                                     Cesinégalités ne sont injustes que dans la mesure où elles concernent l'homme.L'ordre naturel, quant à lui, n'est ni juste ni injuste.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dire qu'il est injuste quemon voisin soit plus grand que moi est une ineptie.
" [...] il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes,plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitudeet des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société.Ainsi un tempérament  robuste ou délicat,  la force  ou la faiblesse  qui endépend, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont on a étéélevé,  que de la constitution  primitive des corps.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il en  est  de même  desforces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de la différence entre lesesprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elle augmente celle qui setrouve entre les premiers à proportion de la culture ; car qu'un géant et unnain marchent  sur la même  route,  chaque  pas qu'ils  feront  l'un et l'autredonnera  un nouvel  avantage  au géant.
                                                            
                                                                                
                                                                     Or, si l'on  compare  la diversitéprodigieuse d'éducations et de genres de vie qui règnent dans les différentsordres  de l'état  civil avec  la simplicité  et l'uniformité  de la vie  animale  etsauvage,  où tous  se nourrissent  des mêmes  aliments,  vivent de la mêmemanière  et font exactement  les mêmes  choses, on  comprendra  combien la	différence  d'homme à homme  doit être  moindre  dans l'état  de nature  que dans  celui de société,  et combienl'inégalité naturelle doit augmenter dans l'espèce humaine par l'inégalité d'institution.
                                                            
                                                                                
                                                                    "Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes (1754)
 Ce a quoi le texte s'oppose
Rousseau conteste,  dans cet extrait du Discours sur l'origine de l'inégalité, le  préjugé selon lequel la nature estinégalitaire et instaure  des différences  de constitution  entre les hommes,  aussi bien sur le plan  physiquequ'intellectuel.L'opinion commune affirme, en effet, que la nature a fait les uns plus robustes, les autres plus fragiles, les uns moinsintelligents, les autres plus rusés, etc.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les sophistes grecs de l'Antiquité s'appuyaient d'ailleurs sur ces différencesnaturelles pour poser que seuls les plus forts doivent commander aux plus faibles.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi, pour eux, l'inégalité desdroits civils devait trouver sa justification dans l'inégalité que la nature avait instituée entre les hommes.
                                                            
                                                                        
                                                                    Dans ledialogue qu'il a intitulé Gorgias, Platon nous présente même le sophiste Calliclès soutenant, face à Socrate, la thèsesuivante : la véritable justiceest celle  qui respecte les  inégalités naturelles ;  il est donc juste que les plus forts dominent les  plus faibles etdeviennent les chefs dans une cité puisqu'ils sont, par nature, les plus forts.Rousseau s'oppose totalement à cette idée et inverse la perspective précédente : l'inégalité civile ne peut être,selon lui, légitimée par  une prétendue  inégalité naturelle  puisque, dans l'état de  nature, « l'uniformité de  la vieanimale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même façon et font exactement lesmêmes choses », rend minimes les différences d'homme à homme.L'auteur déduit de cette constatation la loi selon laquelle l'inégalité naturelle augmente, dans l'espèce humaine, enproportion  de l'inégalité  d'institution,  c'est-à-dire à  mesure que les différences  culturelles augmentent  entre leshommes.
                                                            
                                                                                
                                                                     
 Ce que défend ce texte:
Ce n'est donc pas la nature qui produit de l'inégalité, mais bien la culture.
                                                            
                                                                                
                                                                    En civilisant les hommes, la société créede l'inégalité et, souvent, des différences qui passent pour naturelles « sont uniquement l'ouvrage de l'habitude etdes divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société ».Par cette  affirmation, Rousseau accorde  à l'éducation toute son importance, en montrant  qu'elle n'influence pasuniquement l'épanouissement des esprits, mais aussi des corps.
                                                            
                                                                                
                                                                    Un corps robuste ou délicat l'est moins en raison desa constitution naturelle, donnée une fois pour toutes, qu'en fonction de la manière, dure ou délicate, selon laquelleil a été élevé.L'argumentation de Rousseau s'appuie ici sur le caractère le plus manifeste de la culture, à savoir l'extrême variétéde ses manifestations, des comportements et  des manières de vivre que les différentes sociétés  humaines nousdonnent à voir.Les inégalités qui en découlent se renforcent toujours davantage, au cours de l'existence, comme l'illustre l'image dugéant qui, à chaque pas, augmente l'écart qui le sépare du nain.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cette image sert à nous faire comprendre quel'inégalité culturelle,  qui prend  sa source  dans les différences  d'éducation,  non seulement  ne peut  jamais  êtrecomblée, mais s'accroît même au fur et à mesure que les existences individuelles se déroulent.En inversant ainsi la perspective traditionnelle, à propos de l'origine de l'inégalité, ce texte engage par là même uneréflexion d'ordre politique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Si les inégalités naturelles, certes inévitables, sont minimes, celles qu'institue une sociétépeuvent être supprimées, et avec elles les injustices qu'elles entraînent.Nul pouvoir et nul privilège social ne peuvent donc s'appuyer sur une soi-disant supériorité naturelle pour justifierleur exercice, et ils peuvent être contestés pour le motif qu'ils reposent en réalité sur l'arbitraire de la culture..
                                                                                                                    »
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Les différences entre les hommes sont-elles toutes des inégalités, voire des injustices ?
- Toutes les inégalités sont-elles des injustices ? (Plan)
- Dans quelle mesure la littérature peut-elle dénoncer les inégalités, les injustices, les scandales ?
- Toutes les inégalités sont-elles des injustices?
- Toutes les inégalités sont-elles des injustices ?
 
    
     
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                             
                