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Travaille-t-on seulement par intérêt ?

Publié le 27/02/2005

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Nous voyons d'emblée que le troisième aspect du travail, sa relativité à des conditions historiques, découle du second : il est nécessaire qu'un travail soit fourni pour chacun, mais non que chacun le fournisse. Nous retrouvons aussi ainsi le premier aspect du travail : peut-on identifier le loisir à l'activité de ceux qui ne fournissent pas pour eux-mêmes le travail nécessaire? Le terme de travail est-il employé proprement lorsqu'on dit, par exemple, qu'un rentier travaille ses gammes? ● Nous pouvons à présent élaborer la problématique. Ce qui, pour penser l'unité du travail, pose problème, n'est pas sans rapport avec l'ambiguïté, exposée plus haut, de la notion d'intérêt. Cette dernière consiste, rappelons-le, dans la tension entre un intérêt objectif, c'est-à-dire lié nécessairement à la nature, le statut, ou les conditions de vie de l'agent, et un intérêt subjectif, un goût issu spontanément de lui. Il faut cependant faire attention à ne pas présupposer des rapports qui pourraient sembler évidents, par exemple « le travail non nécessaire est mené par intérêt subjectif, et inversement », c'est justement tout l'objet de la dissertation de comprendre ces formes de contingence s'exprimant d'une part dans le travail non nécessaire et, d'autre part, dans l'intérêt subjectif, et leurs rapports avec les nécessités de la finitude ou de l'essence. Est-on libre de travailler? Dans l'affirmative, ce qui, du travail, est libre, est-il pourtant exempt d'intérêt? Un travail désintéressé est-il possible?

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La particularité du sujet tient à sa formulation restrictive : ne...que... Celle-ci énonce un partage dans les fins attribuées au travail par les hommes. Un premier ensemble de fins possibles est présupposé, et regroupé sous la notion d'intérêt. Arrêtons-nous sur cette présupposition, et sur l'évidence qui la fonde : si on travaille, c'est surtout, ou le plus souvent, par intérêt. Ainsi, le premier mouvement de la question pose une co-appartenance essentielle entre le travail et l'intérêt. En première approche, nous pouvons la penser comme fin, cause, raison d'être. Le second mouvement de la question interroge les limites de cette co-appartenance : le travail appartiendrait-il aussi, par ailleurs, à une autre sphère, à une région qui exclurait l'idée même d'intérêt?  L'identité de cette région est laissée ouverte, toute hypothèse est envisageable : le plaisir, le devoir, etc...

Mais on voit d'emblée combien ce partage est problématique : si l'on travaille par plaisir, ou par devoir, notre travail est-il si exempt d'intérêt? Ce que la question montre, c'est toute l'ambiguïté de la notion d'intérêt. Notre première tâche consistera donc à la définir, c'est-à-dire aussi bien à en saisir l'unité, qu'à en cerner l'équivoque.

« « le travail non nécessaire est mené par intérêt subjectif, et inversement », c'est justement tout l'objet de ladissertation de comprendre ces formes de contingence s'exprimant d'une part dans le travail non nécessaireet, d'autre part, dans l'intérêt subjectif, et leurs rapports avec les nécessités de la finitude ou de l'essence.Est-on libre de travailler? Dans l'affirmative, ce qui, du travail, est libre, est-il pourtant exempt d'intérêt? Untravail désintéressé est-il possible? Peut-on aller jusqu'à penser un travail qui serait à lui-même sa propre fin? Proposition de plan I La nécessité naturelle comme racine fondamentale du travail Michel FOUCAULT Les mots et les choses « Le travail en effet – c'est-à-dire l'activité économique – n'est apparu dans l'histoire du monde que du jour où leshommes se sont trouvés trop nombreux pour pouvoir se nourrir des fruits spontanés de la terre.

N'ayant pas de quoisubsister, certains mouraient, et beaucoup d'autres seraient morts s'ils n'avaient pas continué à travailler a terre.

Età mesure que la population se multipliait, de nouvelles franges de la forêt devaient être abattues, défrichées, etmises en culture.

A chaque instant de son histoire, l'humanité ne travaille plus que sous la menace de la mort :toute population, si elle ne trouve pas de ressources nouvelles, est vouée à s'éteindre; et inversement, à mesureque les hommes se multiplient, ils entreprennent des travaux plus nombreux, plus lointains, plus difficiles, moinsimmédiatement féconds.

Le surplomb de la mort se faisant plus redoutable dans la proportion où les subsistancesnécessaires deviennent plus difficiles d'accès, le travail, inversement, doit croître en intensité, et utiliser tous lesmoyens de se rendre plus prolifique.

Ainsi ce qui rend l'économie possible, et nécessaire, c'est une perpétuelle etfondamentale situation de rareté : en face d'une nature qui, par elle-même, est inerte et, sauf pour une partminuscule, stérile, l'homme risque sa vie.

» La finitude radicale de l'homme s'exprime fondamentalement dans les raretés des conditions nécessaires à sa survie.C'est dire qu'il vit « sous le surplomb de la mort », mais aussi qu'il possède un moyen de différer dans cessel'échéance : le travail.

Ainsi, le travail est avant tout le moyen d'un sursis.

Dans ces conditions, le terme d'intérêtparaît faible, dans sa généralité, pour désigner la nécessité toujours renouvelée.

Mais c'est aussi sa généralité qui luipermet de s'y accorder : on a bien « intérêt » à travailler si l'on désire survivre. Transition Nous avons, dans cette première approche, mis au jour l'attache fondamentale entre travail et intérêt. Cette attache permet de plus de rendre compte de l'évolution historique du concept de travail : c'est bien parceque le travail avilissant est nécessaire à la survie, qu'il doit bien être fourni par quelqu'un, que la Grèce antique ainstitué l'esclavage [1].

Cependant, cette même évolution historique nous montre que cette nécessité fondatrice du travail a peu à peu été intégrée dans les structures sociale comme norme, jusqu'à considérer des activités nonnécessaires comme du travail. Comment comprendre ce déplacement depuis la nécessité naturelle d'obtenir l'objet du travail, vers celle du travailpour lui-même? En d'autres termes, si l'on travaille d'abord par intérêt, la pratique du travail ne libère-t-elle d'elle-même une fin qu'elle poserait en elle-même, et qui amènerait à travailler en dehors de tout intérêt? II Le travail : la pratique et les fins Karl MARX Le Capital « Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et lanature.

L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle.

Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, têteet mains, il les met en mouvement afin de s'assimiler des matières en leurdonnant une forme utile à sa vie.

En même temps qu'il agit par ce mouvementsur la nature et la modifie, il modifie sa propre nature et développe lesfacultés qui y sommeillent.

Nous ne nous arrêtons pas à cet aspect primordialdu travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif.

Notrepoint de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement àl'homme.

Une araignée fait des opérations qui ressemblent a celles dutisserand, et l'abeille confond par la structure de ces cellules de cire l'habiletéde plus d'un architecte.

Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvaisarchitecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans satête avant de la construire dans la ruche.

Le résultat auquel le travail aboutitpréexiste idéalement dans l'imagination du travailleur.

Ce n'est pas qu'il opèreseulement un changement de formes dans les matières naturelles, il y réalisedu même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loison mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté.

Et cette. »

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