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Un acte gratuit est-il possible ?

Publié le 29/12/2004

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Et Lafcadio laisse la décision au hasard. « Si je puis compter jusqu'à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque feu «, l'homme est sauvé; « je commence une; deux; trois; quatre; (lentement, lentement) cinq ; six ; sept ; huit ; neuf... Dix, un feu ! « et le crime s'accomplit.* Ce qui frappe le spectateur d'un tel acte, c'est qu'il semble sans cause, sans raison : il se manifeste brusquement et, semble-t-il, indépendamment de toute causalité concevable (c'est pourquoi sa « gratuité « est proche de l'« absurde «).* Aussi les théoriciens de l'acte gratuit le considèrent-ils comme l'expression de la liberté la plus radicale, ou la plus complète de l'homme. Mais ne peut-on le comprendre autrement ? II. Objection classique* Pour Spinoza, le sentiment de liberté n'est qu'une illusion, due à l'ignorance des véritables causes qui nous déterminent. De même, l'acte gratuit est concevable comme secrètement déterminé, indépendamment de la conscience et de la volonté de son auteur. Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre, mais privée de raison, est une volonté perdue.

• Se méfier de l'ambiguïté de l'expression : s'agit-il d'un acte effectué sans intérêt immédiat, ou de ce que l'on tient pour une manifestation de la liberté (acte sans détermination apparente) ? D'un côté, on s'interroge sur une finalité, de l'autre sur le déterminisme.

• On peut donc aboutir à deux traitements différents, également admissibles. Mais il est sans doute plus difficile de prétendre contrôler les deux dans une même copie !

I. Acte gratuit et liberté de choix. 1. L'acte gratuit est dépourvu de fin. 2. L'acte gratuit est dépourvu de cause. 3. La liberté comme puissance positive. II. La liberté n'est pas désintéressée. 1. La fausse analogie de l'équilibre physique. 2. Les causes cachées. 3. Le caprice. III. La gratuité comme affirmation de la liberté. 1. La liberté se règle sur le bien. 2. Les degrés de l'affirmation de la liberté. 3. Liberté humaine et liberté divine.

« • Pour Spinoza, le sentiment de liberté n'est qu'une illusion, due à l'ignorancedes véritables causes qui nous déterminent.

De même, l'acte gratuit estconcevable comme secrètement déterminé, indépendamment de laconscience et de la volonté de son auteur. Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre,mais privée de raison, est une volonté perdue.

Plus nous connaissons, plusnotre liberté est grandie et fortifiée.

Si nous développons notre connaissanceau point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes etdes effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chosearrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que telautre ne viendra jamais à l'existence.

Pour Spinoza, une chose est libre quandelle existe par la seule nécessité de sa propre nature, et une chose estcontrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.

Ausens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissanceabsolue de la réalité, et qu'il la fait être et exister suivant sa proprenécessité.

Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pasdans un libre décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir enfonction de notre propre nature.

L'homme n'est pas un empire de liberté dansun empire de nécessité.

Il fait partie du monde, il dispose d'un corps,d'appétits et de passions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce et s'exprime en nous, tant pour sa propre conservation que pour la nôtre.

Bien souvent nous croyons être libres, alorsque nous ne faisons qu'être mus, par l'existence de causes extérieures :la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de notre éducation, de notre passé, de notreculture.

Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouve plongé, nous sommes nécessairementdéterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature.

"Telle est cette liberté humaine que tousles hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs, etignorants des causes qui les déterminent." Un acte gratuit est-il possible? On peut répondre que l'acte gratuit est déterminé justement par le désir decommettre un acte gratuit, de s'évader des comportements ordinaires.

Mais ce désir lui-même surgit-il dans laconscience comme un premier commencement? Sur ce point l'auteur d'un acte prétendu gratuit est lui-mêmemauvais juge.

Le fait que l'acte lui semble gratuit ne prouve pas qu'il le soit vraiment car il peut être déterminé pardes motifs inconscients.

Spinoza remarquait déjà : « L'illusion du libre-arbitre vient de la conscience de notre actionjointe à l'ignorance des causes qui nous font agir.

» Et Spinoza donne un exemple excellent : « L'homme en étatd'ivresse s'imagine qu'il bavarde par un libre décret alors qu'au contraire il serait bien incapable de résister àl'impulsion et que, quand il aura cuvé son ivresse, il regrettera ses paroles inconsidérées.

» La psychanalyse l'a bienmontré : les actes un peu bizarres dont nous ignorons les motifs sont les moins libres de tous, car ici nous sommesagis par des mobiles inconscients dont nous sommes d'autant plus les esclaves que nous les ignorons.

En particulier,les crimes et délits sont toujours profondément déterminés (souvent par des complexes inconscients, desfrustrations secrètes).

Nous lisons dans un rapport des docteurs S.

Lebovici, P.

Mâle et F.

Pasche : « Un garçonvole une montre en or chez une voisine, la garde sans essayer d'en tirer profit...

C'est très peu de temps aprèsl'abandon du foyer par la mère et cet objet brillant, si symbolique de la valeur de l'amour maternel, il l'a pris, dit-il,sans savoir pourquoi...

Ce caractère gratuit du geste, très fréquent chez l'adolescent, marque un certain nombre dedélits où paraissent s'exprimer angoisses et frustration.

» La gratuité consciente de l'acte dissimule ici ladétermination inconsciente par l'obscur désir de compenser une frustration d'amour.

De même le crime « gratuit »représente la décharge soudaine d'une agressivité inconsciente.

L'apparence de gratuité révèle une « pulsion » malintégrée au moi conscient (parce que précédemment refoulée).

D'une façon générale le « sentiment intérieur », l'«expérience vécue » de la liberté n'ont aucune valeur objective. • Dans une conception affirmant l'existence d'un « destin » pour chaque sujet, l'acte gratuit ne peut de même, maispour des raisons différentes, apparaître que programmé par une volonté supérieure : il est vrai qu'on passe là d'unecroyance à une autre ! Un acte gratuit est-il possible ?. »

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