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Un bon moraliste ne doit-il pas être un bon psychologue ?

Publié le 22/06/2009

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La question semble assez claire. Cependant, il est préférable de préciser, dans l'introduction, le sens des mots « moraliste « et « psychologue «. La psychologie scientifique, avec ses recherches de laboratoire et ses mesures, n'est pas encore bien utile pour la vie pratique. Il n'en est pas de même de la psychologie vulgaire, qui est un sens délicat des choses de la vie de l'esprit et le résultat de longues observations. Elle a une part très importante dans le succès des hommes dans le monde : c'est grâce à elle que les causeurs captivent leur auditoire; dans les romans, dans les pièces de théâtre, c'est l'analyse de l'âme humaine que l'on cherche; les penseurs qui ont le plus d'influence, ce ne sont pas les philosophes aux systèmes abstraits, mais les écrivains à qui leur connaissance de l'homme permet de révéler leurs lecteurs à eux-mêmes : un Pascal, un Rousseau, un Joubert..., les écrivains qu'on appelle moralistes. Mais les philosophes moralistes ont-ils, eux aussi, besoin de psychologie ? On pourrait en douter : leur rôle est si différent de celui des écrivains moralistes et des psychologues ! En effet, l'écrivain moraliste et le psychologue n'ont qu'à constater et à expliquer ce qui est : ils plongent un regard aigu dans leur cœur et dans celui des autres pour y déceler les intentions secrètes, les motifs profonds; ils réfléchissent pour comprendre et expliquer le jeu de l'activité intérieure; ils cherchent des notations délicates de sentiments nuancés; généralisant leurs observations, ils formulent en quelques maximes concises les grandes lois qui, en fait, régissent l'activité de l'homme. Leur principal but est de montrer comment l'homme se conduit. Le philosophe moraliste, au contraire, prétend déterminer comment il doit se conduire. Ce n'est pas un portrait de l'homme réel qu'il propose à ceux qui l'écoutent, mais un portrait de l'homme idéal. La morale n'est pas une science positive indiquant ce qui est, mais une science normative prescrivant ce qui doit être. Cependant la morale philosophique elle-même ne peut pas se passer de la psychologie, et un bon moraliste doit être en même temps un bon psychologue. Il doit l'être pour établir une bonne morale théorique, mais encore plus pour appliquer cette morale à la vie, pour faire une bonne morale pratique.

« maintenant de préciser les moyens d'atteindre ce but, de juger, d'après ce but, de la valeur des diverses manièresde vivre; ensuite d'amener les individus à reconnaître leur devoir et à se donner de tout leur cœur à sonaccomplissement.

Dans ces diverses taches, un moraliste qui ne serait pas bon psychologue ne pourrait qu échouer.Tout d'abord, l'application à la vie concrète des grands principes de la morale théorique exige beaucoup de finesse,et finesse est synonyme de psychologie.

En effet, la réalité, et encore plus la réalité humaine, est fort complexe;pour déterminer quel est le devoir dans certains cas particuliers, il faut se placer successivement à différents pointsde vue, songer à des exigences fort diverses : ce n'est pas avec l'esprit de géométrie que l'on résout les cas deconscience, mais avec l'esprit de finesse.

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Prenons, par exemple, la question de la propriété.

A un théoricien quispécule dans sa solitude et organise une société avec des êtres venus tout droit du monde des Idées, il peutsembler que la forme idéale de ]a propriété est le communisme.

Mais quand on se connaît soi-même et qu'on a suregarder autour de soi — quand on est psychologue — on voit ou on prévoit les résultats néfastes d'un régimecommuniste : l'indifférence commune pour le travail et pour le bien général.On encore : théoriquement, il n'y a de formation humaine que celle qui est comprise, acceptée et voulue par celuiqui en est l'objet.

Mais avec un peu de psychologie, on sait qu'il ne faut pas attendre la bonne volonté de l'enfantet même de l'adulte pour le former : un certain dressage doit précéder et parfois suppléer la véritable formation; iln'y a pas de société possible sans une certaine discipline coercitive. Si nous passons à la pratique de la morale, c'est-à-dire aux tentatives d'améliorer les autres en leur donnant denobles idées, en fortifiant leur énergie, en les faisant vibrer à un noble idéal, c'est là surtout que toutes les finessesde la psychologie sont indispensables.Il faut d'abord bien connaître l'homme : ses aspirations foncières, les lois générales de son activité intérieure — leslois de la psychologie.

Il ne suffit pas, en effet, de proposer dogmatiquement un idéal ou ce que l'on juge être tel.Les psychologues modernes l'ont bien montré : rien n'est vraiment assimilé par l'homme, à moins qu'un désir plus oumoins inconscient ne rappelle.C'est pourquoi celui qui veut agir sur ses semblables pour les rendre moralement meilleurs ne peut réussir que s'il estbien entraîné à la psychologie individuelle ou concrète : savoir distinguer d'un coup d'œil à quel type d'homme on aaffaire et, par suite, à quel genre de considérations il faut faire appel avec lui; pouvoir deviner à des signesimperceptibles au vulgaire l'accueil intérieur fait aux premières réflexions, et, par là, contrôler sa première intuitionet, au besoin, modifier son plan d'attaque.

Il est des gens qu'un reproche anéantit tandis qu'un encouragementdouble leur puissance : si tous ceux qui ont la charge d'améliorer les autres étaient plus psychologues, combien lesprogrès seraient plus sensibles! Un bon moraliste doit donc être un bon psychologue; sans psychologie ou avec une psychologie médiocre, illégiférerait pour un être irréel, construction de son esprit, et sa morale n'aurait pas de prise sur les âmes.Mais la réciproque est aussi partiellement vraie : un bon psychologue doit être lui aussi un bon moraliste.

Sansdoute, il n'a pas à résoudre les problèmes du fondement de la morale et les mille problèmes que posent au casuisteles conflits des devoirs.

Mais, étudiant la vie intérieure de l'homme et cherchant à l'expliquer, il doit analyser lessentiments moraux, déterminer leur origine; par là, il sera naturellement amené à se poser les questionsessentiellement morales de la valeur de ces sentiments.

D'ailleurs, c'est l'ensemble des études philosophiques quiforment un tout dont les parties se tiennent.

La philosophie est centrée sur l'homme et la solution d'un problème asa répercussion dans tous les autres.

Ce que doit être l'homme dépend de ce qu'il est.

Mais, réciproquement, ce qu'ildoit être éclaire sur ce qu'il est : la psychologie et la morale se complètent mutuellement.. »

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