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Un bonheur sans illusion est-il concevable ?

Publié le 01/01/2006

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illusion
Trouve-toi de ces maximes courtes, fondamentales, qui, au premier abord, suffiront à rendre la sérénité à ton âme et à te renvoyer en état de supporter avec résignation tout ce monde où tu feras retour. Car enfin, qu'est-ce qui te fait peine ? La méchanceté des hommes ? Mais porte ta méditation sur ce principe que les êtres raisonnables sont nés les uns pour les autres ; que se supporter mutuellement est une portion de la justice, et que c'est malgré nous que nous faisons le mal ; enfin, qu'il n'a en rien servi à tant de gens d'avoir vécu dans les inimitiés, les soupçons, les haines, les querelles : ils sont morts, ils ne sont plus que cendre. Cesse donc enfin de te tourmenter. Mais peut-être ce qui cause ta peine, c'est le lot d'événements que t'a départi l'ordre universel du monde ? Remets-toi en mémoire cette alternative : ou il y a une providence, ou il n'y a que des atomes ; ou bien rappelle-toi la démonstration que le monde est comme une cité. Mais les choses corporelles, même après cela, te feront encore sentir leur importunité ? Songe que notre entendement ne prend aucune part aux émotions douces ou rudes qui tourmentent nos esprits animaux, sitôt qu'il s'est recueilli en lui-même et qu'il a bien reconnu son pouvoir propre, et toutes les autres leçons que tu as entendu faire sur la douleur et la volupté, et aux-quelles tu as acquiescé sans résistance. Serait-ce donc la vanité de la gloire qui viendrait t'agiter dans tous les sens ?

On définit le bonheur comme un état de satisfaction durable, et on le pose souvent comme la recherche finale de toute vie humaine. Le contenu du bonheur pose cependant problème : de quoi le bonheur est-il fait ? Quelles sont les conditions de son obtention ? Peut-on travailler à son bonheur, ou le bonheur est-il un état qui nous échoit ou non sans que nous puissions vraiment être sa cause ?

Une illusion est une erreur que l'on tient pour une vérité. Nous entretenons avec elle le même rapport qu'avec une vérité, alors même qu'elle est le contraire d'une vérité.

Concevoir une chose, c'est la construire par l'esprit : le sujet demande donc si l'on peut penser un bonheur qui serait exempt de tout écart par rapport à la réalité, un bonheur basé sur une connaissance exacte de la réalité même dans ses éléments les plus sombres. La perspective présupposée par le sujet est donc assez pessimiste, puisqu'elle met en doute la possibilité de la conception d'un réel bonheur sans l'aide de l'illusion et donc de l'erreur. Il faudra interroger ce présupposé pour proposer une conception du bonheur qui s'y accorde ou bien s'en détache – la philosophie a abondamment travaillé sur la seconde de ces alternatives.

 

illusion

« action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n'y a donc pas à cetégard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheurest un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont onattendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série deconséquences en réalité infinie...

» III.

Le combat contre les illusions comme condition de la conception du bonheur réel Il faut alors chercher une solution à cette indétermination du concept de bonheur, et une des solutions peutconsister en un effort de connaissance adéquate du réel comme servant de base à la recherche de la vie heureuse,même dans ses aspects les plus sombres.

Le bonheur est alors solidement conçu en parfaite adéquation avec lemonde, tout risque de désillusion est supprimé.

Il s'agit de modifier son rapport au monde plutôt que la constructionmentale de celui-ci, de manière à être à la fois dans un rapport de vérité avec lui, et dans un rapport deconstruction pleinement consciente avec le bonheur. Marc Aurèle, Pensées « Ils se cherchent des retraites, chaumières rustiques, rivages des mers, montagnes : toi aussi, tu te livresd'habitude à un vif désir de pareils biens.

Or, c'est là le fait d'un homme ignorant et inhabile, puisqu'il t'est permis, àl'heure que tu veux, de te retirer dans toi-même.

Nulle part l'homme n'a de retraite plus tranquille, moins troubléepar les affaires, que celle qu'il trouve dans son âme, particulièrement si l'on a en soi-même de ces choses dont lacontemplation suffit pour nous faire jouir à l'instant du calme parfait, lequel n'est pas autre, à mon sens, qu'uneparfaite ordonnance de notre âme.

Donne-toi donc sans cesse cette retraite, et, là, redeviens toi-même.

Trouve-toide ces maximes courtes, fondamentales, qui, au premier abord, suffiront à rendre la sérénité à ton âme et à terenvoyer en état de supporter avec résignation tout ce monde où tu feras retour. Car enfin, qu'est-ce qui te fait peine ? La méchanceté des hommes ? Mais porte ta méditation sur ce principe queles êtres raisonnables sont nés les uns pour les autres ; que se supporter mutuellement est une portion de lajustice, et que c'est malgré nous que nous faisons le mal ; enfin, qu'il n'a en rien servi à tant de gens d'avoir vécudans les inimitiés, les soupçons, les haines, les querelles : ils sont morts, ils ne sont plus que cendre.

Cesse doncenfin de te tourmenter.Mais peut-être ce qui cause ta peine, c'est le lot d'événements que t'a départi l'ordre universel du monde ? Remets-toi en mémoire cette alternative : ou il y a une providence, ou il n'y a que des atomes ; ou bien rappelle-toi ladémonstration que le monde est comme une cité.Mais les choses corporelles, même après cela, te feront encore sentir leur importunité ? Songe que notreentendement ne prend aucune part aux émotions douces ou rudes qui tourmentent nos esprits animaux, sitôt qu'ils'est recueilli en lui-même et qu'il a bien reconnu son pouvoir propre, et toutes les autres leçons que tu as entendufaire sur la douleur et la volupté, et aux-quelles tu as acquiescé sans résistance. Serait-ce donc la vanité de la gloire qui viendrait t'agiter dans tous les sens ? Regarde alors avec quelle rapiditél'oubli enveloppe toutes choses, quel abîme infini de durée tu as devant toi comme derrière toi, combien c'est vainechose qu'un bruit qui retentit, combien changeants, dénués de jugement, sont ceux qui semblent t'applaudir, enfinla petitesse du cercle qui circonscrit ta renommée.

Car la terre tout entière n'est qu'un point ; et ce que nous enhabitons, quelle étroite partie n'en est-ce pas encore ? Et, dans ce coin, combien y a-t-il d'hommes, et quelshommes ! Qui célébreront tes louanges ? Il reste donc que tu te souviennes de te retirer dans ce petit domaine qui est toi-même.

Et, avant tout, ne te laissepoint emporter çà et là.

Point d'opiniâtreté ; mais sois libre, et regarde toutes choses d'un oeil intrépide, en homme,en citoyen, en être destiné à la mort.Puis, entre les vérités les plus usuelles, objets de ton attention, place les deux qui suivent : l'une, que les chosesextérieures ne sont point en contact avec notre âme, mais immobiles en dehors d'elle, et que le trouble naît en nousde la seule opinion que nous nous en sommes formés intérieurement ; l'autre, que tout ce que tu vois va changerdans un moment et ne sera plus.

Remets-toi sans cesse en mémoire combien de changements se sont déjàaccomplis sous tes yeux.

Le monde, c'est transformation ; la vie, c'est opinion.

» Aristote, Ethique à Nicomaque « Cette activité (contemplative) est par elle-même la plus élevée de ce qui est en nous ; l'esprit occupe la premièreplace ; et, parmi ce qui relève de la connaissance, les questions qu'embrasse l'esprit sont les plus hautes.

Ajoutonsaussi que son action est la plus continue ; il nous est possible de nous livrer à la contemplation d'une façon plussuivie qu'à une forme de l'action pratique...

Ce qui est propre à l'homme, c'est donc la vie de l'esprit, puisque l'espritconstitue essentiellement l'homme.

Une telle vie est également parfaitement heureuse.

». »

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