UNE HERMÉNEUTIQUE DE L’AMOUR

UNE HERMÉNEUTIQUE DE i’AMOUR

On a souvent reproché à Marivaux d’avoir toujours écrit sur le même objet, l’amour, et de n’avoir fait que copier une pièce sur l’autre. Certes, la plupart de ses pièces content la naissance de l’amour et les obstacles qu’il doit franchir pour s’avouer au fond du cœur et aux yeux de tous. Certes, on pourrait souvent déceler une même matrice dramatique : surprise de l’amour, prise de conscience de cet amour et enfin aveu. Ces similitudes ne doivent pas pour autant cacher la diversité de l'œuvre et surtout cette constante à avouer par la répétition d’un thème que ce dernier ne se laisse pas circonscrire si aisément, qu’il y a difficulté à dire ce qu’est l’amour.

L’amour se définit moins par des a priori qu’au fil d’une quête. C’est ainsi que Marivaux abandonne l’allégorie, genre qui fige les idées dans une symbolique étroite, et choisit des êtres de chair pour poursuivre sa recherche. En variant les figures, c’est-à-dire les personnages, leur cadre social, leur psychologie, et l’intrigue, il renouvelle les situations et affine par là même l’analyse des ressorts amoureux. On pourrait sans peine associer cette démarche

à ses positions sur le «je ne sais quoi « : la répétition thématique exprime paradoxalement la variété infinitésimale du sujet; elle rend compte d’un sentiment d’inachevé : tous les chemins de l’amour n’ont pas été empruntés.

On pourrait distinguer dans le théâtre de Marivaux deux types de procédés pour élaborer une définition de l’amour. Selon les pièces, les personnages sont intégrés ou non dans une société policée qui propose une lecture du sentiment amoureux dont dépendent les comportements et les discours. Dans certaines comédies, les personnages vivent un amour «naturel« qu’ils apprendront à nommer; dans d’autres, ils éprouvent un amour qu’ils savent nommer mais n’osent prononcer. Dans ce dernier cas de figure, l’empêchement à l’amour devient, plus qu’une dynamique théâtrale, une façon de connaître l’amour. On verra ainsi comment progresse la conscience amoureuse parallèlement à la montée d’un aveu qui se lit comme l’épanouissement de la personne, et combien l’empêchement au mariage définit une désaliénation de ia personne au système.