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UNE RUPTURE Étrange, mystérieuse consolation donnée par la littérature, dangereuse peut-être, peut-être libé ratrice : bond hors du rang des meurtriers. Franz Kafka

Publié le 28/03/2015

Extrait du document

kafka

«En écrivant, je ne me suis pas trouvée aux prises avec des théories ou des débats, mais plutôt avec une exi‑

gence, qui fonde pour moi l'acte même d'écrire.

Je pense qu'écrire, c'est chercher à rencontrer le réel, tout le réel, ce qui vient, le "dehors" — comme "cet homme sans paupières" dont parle Hoffmannsthal à propos de Rilke —, et en même temps, c'est toujours aussi mettre à distance un monde meurtrier, "sauter, comme dit Kafka, hors de la rangée des assassins". L'assassin, chacun en fait l'expérience à sa façon et pour chacun il prend un visage particulier. Pour moi, à l'ori­gine, son visage est celui d'un monde — il s'est appelé à un moment "usine" — où la vie et la mort sont mélan­gées, un monde hors temps, un monde de morts-vivants, et la littérature est la recherche des formes qui séparent de ce monde-là, qui le transforment dans et par l'écri­ture. «

 

Ce « dehors « n'est évidemment pas le «monde extérieur« dont les réalistes prétendent rendre compte. Même s'il tire sa substance de ce monde extérieur, il se trouve au coeur du sujet écrivant. Pour Leslie Kaplan comme pour Kafka, l'écrivain ne décrit pas le monde, mais il en exprime la sub­stance. L'écrivain est toujours un homme de l'être.

kafka

« 48 / Fonctions de la littérature .

0 quand il assimile la création littéraire à «un bond hors du rang des meurtriers» ? Écartons tout de suite - le reste de l'œuvre nous y autorise - quelques explications simplistes.

Il ne s'agit en aucune manière d'une allusion à un quelconque «engagement}> de !'écrivain.

L'interprétation consistant à présenter !'écrivain comme le dernier des justes et se distinguant par là de la foule où s'affrontent des ambitions égoïstes et meurtrières ne correspond pas à la réalité.

Kafka n'a jamais prétendu jouer un rôle dans les luttes politiques de son temps et ratta­ cher cette formule aux thèses de Sartre sur l'engagement serait purement et simplement un contresens.

L'explication par la fonction compensatrice de la littérature s'avère, elle aussi, trop réductrice.

On pourrait, en effet, voir dans cette formule une allusion aux thèses de Freud sur la sublimation.

Pour Freud, on le sait, les pulsions - et notamment les pulsions agressives - sont refoulées parce que leur manifestation perturberait l'ordre social.

Mais ce qui est interdit, et donc refoulé, peut se transformer et venir au jour sous une forme culturellement admise et même valorisée.

Cette sublimation emprunte souvent les chemins de l'art.

Dans le cadre de cette interprétation, le texte de Kafka s'expliquerait ainsi: écrire, c'est sublimer ses pul­ sions et s'écarter de ceux qui, ne le faisant pas, perturbent leur entourage par la manifestation non dérivée de pulsions plus ou moins meurtrières.

Comme la précédente, cette explication ne rend pas compte de la complexité de la pen­ sée et de l'œuvre de Kafka.

La tâche étant ardue, nous prendrons appui sur une œuvre fondamentale quant à la réflexion sur la création littéraire : L 'Espace littéraire de Maurice Blanchot (Gallimard).

Mau­ rice Blanchot consacre un chapitre («L'exigence de l' œuvre ») à Kafka.

Auparavant, il écrit quelques belles pages sur le «besoin d'écrire», mettant en évidence com­ bien, chez les grands artistes, ce besoin est aux antipodes de l'évasion.

Après avoir montré comment, chez Kafka, le besoin d'écrire finit par tout envahir et que le sentiment d'un salut. »

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