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Véronèse, Paolo Caliari dit le

Publié le 22/02/2012

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(Vérone, 1528 - Venise, 1588) Né d'une famille d'artistes (son père est tailleur de pierre), Paolo Véronèse figure en 1451 comme apprenti dans l'atelier d'Antonio Badile. Mais dès 1548, il exécute seul le retable Bevilacqua-Lazise pour l'église San Fermo à Vérone (actuellement au musée de Castelvecchio), première oeuvre d'envergure. En 1551, il travaille à la villa Soranzo de Castelfranco Veneto, où pour la première fois entre en jeu la collaboration avec les architectes contemporains (dans ce cas Sanmicheli), qui constituera une constante de son activité. En 1552, Véronèse se rend à Mantoue pour travailler pour le cardinal Hercule Gonzague, mais dès l'année suivante il est à Venise où il peint l'un des chefs-d'oeuvre de sa production de jeunesse, les toiles mythologiques et allégoriques pour la Salle des Dix au Palais des Doges.

« VÉRONÈSE 1528-1588 CETTE inquiétude très justifiée que l'Inquisition manifesta envers certaines œuvres de Paul Véronèse peu conformes aux récits évangéliques, il semble que d'autres tribunaux, profanes ceux­ ci, auraient pu à leur tour la ressentir si le sens de l'éternel -ou seulement de la fidélité à soi­ même -leur avait été aussi imparti.

Le premier de ces tribunaux aurait été la République de Venise elle-même, dont Véronèse célébra cependant la gloire dans le palais ducal, mais dont il trahit l'esprit traditionnel et profond; un autre serait formé par les fondateurs et les gardiens de l'idéal réaliste du classicisme et l'accuserait, au nom de la vérité et du respect dû à la raison et au bon sens, de bouleverser les règles de l'honnêteté visuelle et de l'entendement normal.

Sous la naïveté, sans doute ironique, des réponses de Véronèse au Saint-Office, transparaît une sorte de proclamation révolutionnaire dont nous ne comprenons qu'aujourd'hui la portée et qui parut alors digne seulement de sourires indulgents.

«Nous autres peintres, disait-il, nous prenons de ces licences que prennent les poètes et les fous.

Je fais des peintures avec toutes les considérations qui sont propres à mon esprit et selon qu'il les entend>l.

Ne pourraient-elles, ces paroles, être sorties tout fraîchement de la bouche d'un nos jeunes peintres, figuratifs ou non, de 1947? Et celle-ci encore: «J'ai fait cela [représenté des bouffons, des Allemands ivres, des nains et autres niaiseries, comme dit le Tribunal, dans la Cène du couvent des Saints-Jean-et-Paul] en supposant que ces gens sont en dehors du lieu où se passe la Cène.» Mais Véronèse n'a pas dit là toute sa pensée; le sujet n'est à la vérité pour Véronèse qu'un prétexte, et peu lui importe la scène repré­ sentée, son sens et son drame.

Prétexte de composition colorée, prétexte de jeux de formes, pré­ texte de construction dont il prend les éléments n'importe où, en ne se préoccupant aucunement de leurs rapports normaux, mais qu'il dispose, avant de se conformer à une relative vraisemblance, selon les nécessités du tableau en soi.

Il n'existe pour Véronèse qu'une seule réalité après celle de son esprit, c'est la réalité de l'espace et de sa lumière.

Les peintures de Véronèse ne racontent pas d'histoires, ce sont des décorations dans l'espace, des créations d'espace.

L'art grandiose et monumental de Véronèse, dont la virtuosité donne le vertige, n'est donc, en considération des exigences de l'art venitien, qu'un art amputé.

Ce qui a fait la dignité de l'art de Venise, et ce qui la fera encore jusqu'à Tiepolo, c'est que la source de sa somptuosité, et même de sa volupté, est dans cette âme dont la substance provient directement de celle, mys­ tique et contemplative, de l'Orient byzantin.

Imprégnée dès l'origine de spiritualité et ecroite­ ment fidèle à celle-ci pendant des siècles, la peinture vénitienne, qui connut des heures magni­ fiques dans ses temps primitifs, ne se convertit à l'Europe- mais à l'Europe du Nord, l'Europe gothique- que parce que l'existence même de Venise l'exigeait.

Le banquier du Rialto, le navi­ gateur s'enrichissant au commerce des produits du Levant, le puissant membre de la Seigneurie, au milieu même de leurs tractations et de leurs fêtes, n'oublient pas le sens profond de leur vie.

Nulle part ailleurs, les intérêts et les réjouissances ne se confondent aussi quotidiennement avec le surnaturel; et Venise n'est-elle pas un étonnant paradoxe, capitale du négoce internatio-. »

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