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Y a-t-il de justes inégalités?

Publié le 22/01/2005

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Elle fait ressortir avec évidence qu'il en va partout ainsi, chez les autres animaux et, parmi les hommes, dans toutes les cités et toutes les familles, que la marque de ce qui est juste, c'est que le meilleur commande à l'inférieur et qu'il ait plus que lui. De quel droit, en effet, Xerxès a-t-il envoyé son armée en Grèce, et son père contre les Scythes ? Et on pourrait citer mille exemples de ce genre. Mais ces hommes, je pense, agissent selon la nature, selon la nature du droit, et, par Zeus, selon la loi de la nature, bien qu'elle ne soit pas conforme sans doute à celle que nous établissons. En façonnant les meilleurs et les plus forts d'entre nous, en les prenant dès leur jeune âge comme des lionceaux  pour les ensorceler et les embobiner, nous en faisons des esclaves ; nous leur disons qu'il faut être à égalité avec les autres, et que c'est cela qui est beau et juste. Mais, à mon avis, qu'il advienne un homme qui ait une nature assez puissante pour secouer tout ce fatras, le faire voler en éclat, s'en échapper, fouler aux pieds nos écrits, nos sortilèges, nos incantations et nos lois, toutes contraires à la nature, voilà notre esclave rebelle qui se dresserait en maître, et brillerait alors de tous ses feux le droit de la nature.     Alain, Elément d'éthique politique, « Propos sur les pouvoirs »   Qu'est-ce que le droit ? C'est l'égalité. Dès qu'un contrat enferme quelque inégalité, vous soupçonnez aussitôt que ce contrat viole le droit. Vous vendez ; j'achète ; personne ne croira que le prix fixé après débat et d'un commun accord soit juste dans tous les cas ; si le vendeur est ivre, tandis que l'acheteur est maître de son jugement, si l'un des deux est très riche, et l'autre très pauvre, si le vendeur est en concurrence avec d'autres vendeurs tandis que l'acheteur est seul à vouloir acheter, si le vendeur ignore la nature de ce qu'il vend, livre rare ou tableau de maître, tandis que l'acheteur la connaît, dans tous les cas de ce genre je dirai que le prix qui est payé est un prix d'occasion.

« [Toutes les inégalités ne sont pas injustes.

Les hommes ne disposent pas tous des mêmes aptitudes naturelles.

L'injustice naît d'une égalisation des mérites et des talents.

Il est injuste de ne pas reconnaître aux meilleurs leur supériorité.] Il y a des inégalités naturellesRousseau, qui pourtant défend l'égalité parmi les hommes comme principe politique absolu, ne nie pas qu'ilexiste des inégalités naturelles: la différence d'âge, la santé, la force du corps, les capacités intellectuelles...Ces inégalités ne sont injustes que dans la mesure où elles concernent l'homme.

L'ordre naturel, quant à lui,n'est ni juste ni injuste.

Dire qu'il est injuste que mon voisin soit plus grand que moi est une ineptie. " [...] il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent leshommes, plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquementl'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie que les hommesadoptent dans la société.Ainsi un tempérament robuste ou délicat, la force ou la faiblesse qui endépend, viennent souvent plus de la manière dure ou efféminée dont ona été élevé, que de la constitution primitive des corps.

Il en est demême des forces de l'esprit, et non seulement l'éducation met de ladifférence entre les esprits cultivés et ceux qui ne le sont pas, mais elleaugmente celle qui se trouve entre les premiers à proportion de laculture ; car qu'un géant et un nain marchent sur la même route,chaque pas qu'ils feront l'un et l'autre donnera un nouvel avantage augéant.

Or, si l'on compare la diversité prodigieuse d'éducations et degenres de vie qui règnent dans les différents ordres de l'état civil avecla simplicité et l'uniformité de la vie animale et sauvage, où tous senourrissent des mêmes aliments, vivent de la même manière et fontexactement les mêmes choses, on comprendra combien la différenced'homme à homme doit être moindre dans l'état de nature que danscelui de société, et combien l'inégalité naturelle doit augmenter dansl'espèce humaine par l'inégalité d'institution.

"Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi leshommes (1754) Ce a quoi le texte s'oppose Rousseau conteste, dans cet extrait du Discours sur l'origine de l'inégalité, le préjugé selon lequel la natureest inégalitaire et instaure des différences de constitution entre les hommes, aussi bien sur le plan physiquequ'intellectuel.L'opinion commune affirme, en effet, que la nature a fait les uns plus robustes, les autres plus fragiles, les unsmoins intelligents, les autres plus rusés, etc.

Les sophistes grecs de l'Antiquité s'appuyaient d'ailleurs sur cesdifférences naturelles pour poser que seuls les plus forts doivent commander aux plus faibles.

Ainsi, pour eux,l'inégalité des droits civils devait trouver sa justification dans l'inégalité que la nature avait instituée entre leshommes.

Dans le dialogue qu'il a intitulé Gorgias, Platon nous présente même le sophiste Calliclès soutenant,face à Socrate, la thèse suivante : la véritable justiceest celle qui respecte les inégalités naturelles ; il est donc juste que les plus forts dominent les plus faibles etdeviennent les chefs dans une cité puisqu'ils sont, par nature, les plus forts.Rousseau s'oppose totalement à cette idée et inverse la perspective précédente : l'inégalité civile ne peutêtre, selon lui, légitimée par une prétendue inégalité naturelle puisque, dans l'état de nature, « l'uniformité dela vie animale et sauvage, où tous se nourrissent des mêmes aliments, vivent de la même façon et fontexactement les mêmes choses », rend minimes les différences d'homme à homme.L'auteur déduit de cette constatation la loi selon laquelle l'inégalité naturelle augmente, dans l'espècehumaine, en proportion de l'inégalité d'institution, c'est-à-dire à mesure que les différences culturellesaugmentent entre les hommes.

Ce que défend ce texte: Ce n'est donc pas la nature qui produit de l'inégalité, mais bien la culture.

En civilisant les hommes, la sociétécrée de l'inégalité et, souvent, des différences qui passent pour naturelles « sont uniquement l'ouvrage del'habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société ».. »

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