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Y a-t-il une intelligence animale ?

Publié le 18/03/2004

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Au sens strict. - Mais dans l'usage ordinaire on entend par « intelligence » une faculté de discernement et de compréhension. Les mots le disent : intelligere, c'est légère inter, choisir parmi le donné et faire un choix judicieux; comprehendere consiste à « saisir » une chose « avec » d'autres, dans leur ensemble, et dans leurs rapports, par exemple dans leur rapport de ressemblance ou de contraste, de causalité ou de finalité. De l'intelligence ainsi comprise, on a donné différentes caractéristiques essentielles que nous rappellerons brièvement. a) TAINE la caractérisait par le pouvoir d'abstraire, c'est-à-dire de ne retenir du donné perçu que des éléments qui, en réalité, en sont inséparables, et par là de s'élever aux notions générales, condition de la science et du langage. A ce pouvoir d'abstraire se ramène celui de percevoir des formes, c'est-à-dire de faire abstraction des qualités matérielles d'un objet concret pour ne considérer que la figure. b) DESCARTES donne deux signes distinctifs de l'intelligence qu'il refuse de reconnaître aux animaux : le pouvoir d'adaptation et le langage. c) Mais on peut, semble-t-il, réduire ces caractéristiques au pouvoir de percevoir des rapports. C'est en effet, après avoir reconnu des rapports de ressemblance et de différence que nous sommes amenés à distinguer dans les choses les éléments constants des éléments variables et à les abstraire. De même, le langage suppose la perception du rapport de signification, et pour s'adapter à une situation nouvelle il faut discerner ce qui rapproche la situation nouvelle de la situation antérieure et ce qui l'en différencie.

« B.

L'adaptation et le langage, a) Pour DESCARTES, tandis que l'intelligence ou la raison est un « instrument universel qui peut servir en toutes sortes de rencontres », parce qu'elle s'adapte,l'animal ne serait qu'une machine, capable d'exécuter mieux que l'hommel'opération pour laquelle elle a été construite, mais incapable de servir à autrechose.Il faut être aveuglé par des idées préconçues pour réduire à un savantmécanisme l'oiseau ou l'écureuil qui sautille de branche en branche, mesurantson élan avec précision.

Cm pourrait dire, il est vrai, qu'il n'a qu'uneadaptation sensori-motrice qui ne suppose pas l'intervention de l'intelligenceproprement dite.

Mais des expériences méthodiques faites sur des animauxsupérieurs, en particulier chez les singes, semblent bien nous montrer parfoisune adaptation vraiment intelligente : ainsi, lorsque l'animal est séparé del'appât qu'il convoite par un grillage, au lieu de se buter à celui-ci commel'oiseau ou la mouche, il semble étudier la situation et, lorsqu'il découvre ledétour qui lui permettra de parvenir au but, il s'engage sans tâtonnementsdans la voie découverte.

Il y a bien là adaptation à des circonstancesimprévues.b) En ce qui concerne le langage, il est indiscutable que les animaux émettentdes signes qui font connaître à leurs congénères et à l'homme instruit de leursmoeurs leurs sentiments et leurs désirs.

Nous savons aussi que les chienscomprennent les signes que nous leur faisons et même un certain nombre demots.

Si les animaux ne parlent pas, au sens ordinaire de ce verbe, nousdécouvrons du moins chez eux les éléments du langage : l'utilisation et l'intelligence de signes. C.

La perception des rapports. — Les opérations mentales que nous venons de passer en revue supposent une certaine perception de rapports.

Mais les rapports les plus importants dans l'activité intellectuelle de l'homme sontceux de causalité et de finalité.

Sont-ils perçus par l'animal ? a) Des animaux enfermés dans une cage parviennent, en tâtonnant ou en se débattant, à faire jouer fortuitement ledispositif qui commande l'ouverture de la porte et conditionne leur libération; après quelques expériences, ils netâtonneront plus et actionnent immédiatement le levier ou la targette dont le déplacement les libérera.

N'y a-t-il paslà une perception du rapport de cause à effet ? b) Plus frappant le recours à des instruments, assez commun chez les singes qui, pour atteindre un fruit hors de leurportée, s'aident d'un bâton ou d'un râteau, d'un escabeau ou d'une caisse,-et même superposent plusieurs caissespour obtenir la hauteur voulue.

Leur comportement ne nous suggère-t-il pas qu'ils ont le sentiment d'un rapport demoyen à fin ?De cette revue rapide et très incomplète, il résulte que l'animal n'est pas un pur automate : son comportementdénote un pouvoir de discrimination et de choix caractéristique de l'intelligence. III.

— L'ANIMAL N'A QU'UNE INTELLIGENCE ANIMALE. Il ne s'ensuit pas pour autant que l'animal puisse être mis sur le même pied que l'homme. A.

Pourquoi l'animal nous paraît intelligent. — Si nous prêtons si facilement aux animaux une intelligence de même nature que l'intelligence humaine, c'est que nous cédons à l'anthropomorphisme, expliquant sescomportements extérieurs par les actes mentaux qui, chez nous, sous-tendent des comportements analogues.

Ainsinous sommes portés à croire que le chien qui reconnaît le box où se trouve l'os convoité au triangle qui le surmontea une certaine notion de triangle.

En réalité, il ne perçoit qu'un triangle-sur-la-porte-du-box-où-il-y-a-un-os.

Letriangle reste essentiellement associé à son contexte; il n'y a pas d'abstraction véritable.Sans doute, nous ne pouvons pas pénétrer dans la conscience du chien pour constater que les choses ne s'ypassent pas comme chez nous; nous en sommes réduits à observer son comportement.

Mais cette observationsuffit à nous révéler des différences essentielles entre son intelligence et celle de l'homme. B.

Les limites de l'intelligence de l'animal. — Les animaux possèdent quelque chose des opérations caractéristiques de l'activité intelligente del'homme, mais quelque chose seulement. a) L'abstraction animale en reste au degré le plus élémentaire qui consiste à considérer séparément une qualitésensible; elle ne s'élève pas jusqu'au concept véritable dégagé de l'impression sensorielle et sans lequel il peut yavoir associations d'images mais point liaison d'idées. b) C'est l'association et le jeu des images qui expliquent les faits d'adaptation et de langage observés chez l'animal.Celui-ci perçoit les situations concrètes dans lesquelles il se trouve et le souvenir de ses expériences passées luipermet de voir d'un seul coup comment obtenir le résultat désiré.

Faute de cette vue intuitive, il ne se livrera pascomme l'enfant à un examen ou à une expérimentation méthodique; il tâtonnera et si ses tâtonnements aboutissentpar hasard au but désiré, il saura, après un certain temps, y parvenir du premier coup; néanmoins, son acte resterainintelligent, car il ne parviendra pas à comprendre le jeu des causes et des effets.. »

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