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Y a-t-il une servitude volontaire ?

Publié le 17/01/2022

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Pour qui entend prononcer aujourd'hui ce terme, utopie, une autre conversion s'impose. Trop d'usages dépréciatifs sont destinés à discréditer les appels à penser et agir en politique. L'utopie, littéralement lieu de nulle part, qui est aussi souvent une uchronie - d'aucun temps - se place sous le signe d'une libération de l'esprit. Ainsi en va-t-il des Solariens qui, vivant sous la dictature de la vertu, couplent leur cité modèle à l'idéal d'une réforme de l'ordre social chrétien existant (Campanella, 1602). CITATIONS: « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d'être plus esclave qu'eux. » Rousseau, Du contrat social, 1762. Antérieurement au contrat social, il n'y a point de liberté concevable pour l'homme. Même le maître est esclave, qui ne tient son pouvoir que de sa force. Qu'il tombe sur un homme plus fort que lui, et le voilà sous le joug d'autrui, d'après le même principe que celui qui l'a fait maître.

Obéir suppose une soumission à une autorité. Plus exactement, on peut dire que l’obéissance consiste en ce qu’on exécute des commandements par soumission à la seule autorité du chef qui commande au sein de l’Etat, ou à sa propre règle dans le cadre de la morale : ce n’est pas le pouvoir de tous. La liberté quant à elle peut se définir comme l’absence d’obstacle d’une volonté. La servitude est aussi une obéissance, mais non volontaire, obtenue par la contrainte. En ce sens, il semble que l’expression « servitude volontaire « n’ait pas de sens, qu’elle soit une contradiction manifeste dans les termes : un oxymoron. Et c’est bien la le cœur du problème. De plus, on remarque que la question « y a-t-il une servitude volontaire ? « nous place dès lors au sein d’une interrogation au carrefour du droit, de la morale et de la politique. Nous envisagerons plus particulièrement la question sous l’angle de la politique et du droit dans la mesure où de par ses implications, nous serons à même de saisir les connexions avec les différents aspects de la question. Ainsi, la tension du sujet réside bien dans le couple servitude – volontaire et engage dès lors une certaine représentation de l’individu et du citoyen à travers ses rapports avec l’autorité, c’est-à-dire plus généralement le pouvoir. Autrement dit, la question est de savoir si l’expression « servitude volontaire « a même un sens. Le problème est donc l’inclusion conceptuelle de ces deux termes, ce qui nous amènera à redéfinir et à retravailler nos définitions avec notamment celle de la liberté et de l’obéissance.             La question de l’existence d’une servitude volontaire et de son rapport à la loi qu’elle soit juridique ou morale, se pose dans la mesure où, de par les définitions que nous venons de produire, lier la liberté ou le volontaire comme absence d’obstacle et l’obéissance comme soumission semble exacerber sinon une contradiction, au moins une incohérence en tant qu’incapacité à appartenir à des champs communs. Et c’est en effet dans le paradigme du politique que se joue la question. En effet, l’obéissance est obéissance au souverain législateur, producteur de la loi. Or dans ce cas, la loi si pour exister doit être respectée et obéie, il n’en reste pas moins que l’accord de ma liberté n’est pas absolument nécessaire. Il y a effectivement des lois auxquelles j’obéis contraint et forcé, donc de manière non libre. En ce sens, il y aurait exclusion conceptuelle entre les deux termes donc une servitude volontaire. Et cela d’autant plus que certaines lois vont à l’encontre de ma liberté. Cependant, il nous faudra voir si notre définition de la liberté est bien adéquate, il n’est pas en effet impossible que la définition de la liberté comme absence d’obstacle ne soit pas adéquate en raison de son incomplétude. De même, quand on parle d’incohérence d’une servitude volontaire, n’est-ce pas ne pas prendre au sérieux le ton ironique en apparence de cette expression rendue célèbre par La Boétie dans son ouvrage De la servitude volontaire ? Mais surtout, établir cette incohérence n’est-ce pas refuser de prendre au sérieux une critique du fondement du politique ?             En ce sens, il nous appartiendra de voir dans quelle mesure on peut ou non parler d’une incohérence d’une servitude volontaire, ses implications et les limites mêmes que cela pose dans le jeu politique de la citoyenneté, posant en creux par là même la question de la désobéissance civile. Et c’est donc suivant ces trois moments que nous entendons développer cette question.

 

« c) Ce principe est effectivement directement issue de la formule du Contrat social qui au chapitre VI s'énonçait de la manière suivante : « Chacun de nous met en commun sa personne et toute da puissance sous la suprêmedirection de la volonté générale (pas somme des volontés particulières) ; et nous recevons en corps chaque membrecomme partie indivisible du tout.

» Autrement dit, par le jeu démocratique, l'obéissance est liberté dans la mesure oùla loi est un effet de la volonté générale à laquelle j'ai adhéré par le contrat.

On obéit volontairement mais il nes'agit pas d'une servitude.

Ne pas obéir à la loi ce serait remettre en cause le fondement de la société civile, doncmettre en péril ma propre liberté.

Et c'est pourquoi Rousseau en vient radicalement à dire au chapitre VII que « quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chosesinon qu'on le forcera d'être libre.

» Dès lors, comme on le retrouvera explicitement au chapitre VIII, il ne peut yavoir incohérence entre la liberté et l'obéissance dans la mesure où « l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite estliberté ».

Et cette liberté peut s'étendre aussi à la morale dans la mesure où celle-ci implique de même l'obéissanceà la loi qu'on s'est prescrite.

Transition : Ainsi, il n'y a incohérence à parler d'une servitude volontaire puisque l'obéissance dans la forme du pacte socialprend la forme de la liberté.

Pourtant, s'il n'y a incohérence, cela n'implique pas pour autant qu'il y n'ait paspossibilité de penser une servitude volontaire voire de la saisir à travers l'histoire.

En effet, même en démocratie,l'obéissance à la loi semble inconditionnelle au risque sinon de subir des sanctions que notre désobéissance soitlégitime ou pas ; on pourrait penser alors que l'obéissance à la loi est une servitude en tant qu'elle estcontraignante et pénible mais volontaire en tant que je l'accepte en vue de la conservation du lien social.

En cesens, va-t-on peut-être trop vite en besogne à refuser d'étudier la fécondité conceptuelle de l'expression ironiqueen apparence de « servitude volontaire ».

II – La libre obéissance est peut-être une servitude volontaire qui s'ignore Le paradoxe de la servitude volontaire chez LA BOETIE Si un tyran peut, à l'origine, asservir les hommes par la force et la terreur, il ne peut se maintenir qu'avec leurconsentement.

Les hommes ne sont pas esclaves par contrainte ou par lâcheté, mais parce qu'ils le veulent bien,car il suffirait de ne plus vouloir servir le tyran pour que son pouvoir s'effondre.

En effet, le tyran est infinimentfaible comparé à la force du nombre : sa seule force, c'est celle que lui offrent ses sujets.

On peut aussi remarquerque ceux- ci ne manquent pas de courage, car ils pourraient combattre jusqu'à la mort pour leur tyran.

Ils font doncle choix incompréhensible de lui sacrifier leur liberté, aliénant par là leur être même. Cette « volonté de servir » peut s'expliquer par le fait que « la nature a en nous moins de pouvoir que la coutume »: les hommes élevés sous la tyrannie prennent le pli de la servitude.

Le tyran abrutit et corrompt ses sujets par leprincipe du pain et des jeux, consistant à« sucrer la servitude d'une venimeuse douceur ».

Il utilise la religion pourleur inculquer la dévotion, à travers des fables.

La Boétie évoque ici la croyance aux rois thaumaturges, c'est-à-dire faiseurs de miracles (on leur prête la faculté de guérir les maladies), mais esquisse aussi une critique de lathéorie du droit divin, ramenée à une histoire qu'on raconte.

Quant aux rares individus éclairés ayant gardé le désirde la liberté, le tyran les élimine ou les isole par la censure. Un seul homme ne pourrait jamais asservir tout un peuple sans une chaîne d'intermédiaires grâce à laquelle « letyran asservit les sujets les uns par le moyen des autres ».

Le secret de la domination réside en effet dans lacomplicité des « tyranneaux », ces « mange-peuples » qui soutiennent le tyran pour satisfaire leur ambition et leurcupidité.

Chaque maillon de la chaîne accepte d'être tyrannisé pour pouvoir tyranniser à son tour, démultipliant ainsila relation de domination jusqu'à enserrer toute la population dans le filet du tyran.

a) En effet, lier liberté et obéissance ne va pas de soi.

L'obéissance suppose un maître, et notre soumission à cedernier ce qui peut entrer en conflit avec la libre volonté d'un individu.

Et tout le problème que pose La Boétie dans De la Servitude volontaire , ou « Contr'Un ».

Le problème que traite La Boétie est effectivement de comprendre comment des millions de personnes peuvent obéir à un seul homme aux dépens de leur liberté : c'est-à-direcomprendre comment une servitude volontaire est possible.

Plus exactement c'est la question de l'autorité fixantl'obéissance qui pose problème et c'est bien ce que l'on peut comprendre avec cette interrogation dès le début del'ouvrage : « Je désirerais seulement qu'on me fît comprendre comment il se peut que tant d'hommes, tant de villes,tant de nations supportent quelquefois tout d'un tyran seul, qui n'a de puissance que celle qu'on lui donne, qui n'ade pouvoir de leur nuire qu'autant qu'ils veulent bien l'endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s'ils aimaientmieux tout souffrir de lui que de le contredire.

»b) Le problème est bel et bien celui de l'obéissance et de la liberté.

En effet, pour La Boétie , nous n'obéissons que par la crainte de la force.

Autrement dit, l'incohérence de la libre obéissance repose sur la mise en exergue du faitque la force fait souvent droit, donc que l'obéissance n'est pas tant un acte volontaire et libre mais bien un acte desoumission, de servitude.

En ce sens, bien souvent l'autorité politique abuse les citoyens et les mystifie.

Ainsi, ils'agit alors de recouvrer une liberté perdue par cette servitude qui prend le masque de l'obéissance.

Cela supposealors un droit naturel, antérieur donc au droit positif établi, se fondant une liberté naturelle de l'homme que cedernier se serait vu confisquer par le tyran ou le despote.

Si donc, sous un monarque qui manque de probité, leurservitude est le signe de leur dénaturation, il leur faut reconquérir leur liberté comme le précise La Boétie , il n'en coûte rien à l'homme de « se remettre dans son droit naturel ».. »

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