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Y a-t-il une vérité historique ?

Publié le 03/09/2012

Extrait du document

Ainsi donc l'histoire pourrait se baser sur une certaine vérité organisée selon plusieurs conditions : les faits comme s'enchainant chronologiquement, précisemment, depuis l'invention de l'écriture, contés selon un récit historique par des témoins jouant le rôle d'historiens. Cependant, leur objectivité totale n'est pas envisageable. En effet, "de tels historiens ne sont pas aussi répandus qu'on pourrait le croire", remarque Hegel a propos des historiens témoins. Et il note que "l'histoire originale ne peut embrasser qu'un court espace de temps des hommes et des évènements figurés dans leur individualité". On peut donc dire que l'histoire, bien qu'elle se base sur des témoins et des documents qui servent de signes, ne peut pas être totalement objective puisque l'historien, faute d'humanité, ne pourra pas être totalement objectif et fera forcément preuve d'une interprétation, tout comme les sources qui elles doivent être agencées selon des choix. La vérité historique préalablement envisagée serait clairement remis en cause. L'histoire vécue dans une apparence immédiate sans retirer ni préjugés ni illusions ne serait pas liée à une vérité, sauf si l'historien prend un recul nécessaire qui amènerait à la réflexion. D'une part, l'historien témoin, qui est avant tout un humain, racontera intuitivement plutôt ses préjugés, son parti-pris par manque de distance et ne sera donc pas entièrement objectif sur les faits qui constituent l'histoire. En réalité, celui-ci a besoin d'une distance avec les faits sinon la subjectivité du sujet règne. Ainsi Rousseau dans Emile ou l'éducation (1762) assure : "Il s'en faut bien que les faits décrits dans l'histoire soient la peinture exacte des mêmes faits tels qu'ils sont arrivés : ils changent de forme dans la tête de l'historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte de ses préjugés". Ainsi donc la subjectivité inévitable de l'historien fausserait l'objectivité des documents.

« documentation est en fait généralement celle des vainqueurs, ce qui donnerait un regard unilatéral sur l'histoire, en contradiction avec l'existence d'une véritéhistorique.

Ainsi, on a beaucoup plus de récits des Grecs sur les guerres médiques et sur leurs exploits (exemple de Thucydide), ou encore le point de vue desvainqueurs lors de la décolonisation.

On peut donc dire que l'homme qui transmet le récit historique doit être à la fois à proximité et à distance du fait historique.Selon Hegel, "l'historien est comme nous, il appartient à son monde, à ses besoins, à ses intérêts, il respecte ce que sa propre époque tient en haute estime."Nous l'avons vu, le rôle de l'historien est primordial et engage de sa part forcément une intuition subjective comme chez tous les hommes.

Ainsi l'histoire n'est pasune science car elle ne fait pas abstraction totale de ce qui est humain (conscience, volonté) donc les faits bruts, non-utilisables, ne sont pas d'ordre scientifique.

Eneffet, l'historien fait le choix de relater des évènements qu'ils jugent "importants", ainsi l'histoire dépend de la propre rationnalité.

Le choix des faits significatifss'appuie sur des critères, explicites ou non, qu'aucune méthode scientifique ne peut donner.

L'histoire est donc tributaire de celui qui l'écrit car il y a une place pourl'interprétation des traces.

La scientificité de l'histoire est remise en cause car les sciences parlent de ce qui est toujours, tandis que l'histoire rapporte ce qui a été uneseule fois et n'existe plus jamais ensuite.

L'histoire s'occupe exclusivement du particulier et de l'individuel, qui, de sa nature, est inépuisable, elle ne parviendra qu'aune demi connaissance toujours imparfaite.

Ces choix de l'historien remettent également en cause une supposée vérité historique.Enfin, en plus d'être étudiés, les documents doivent parvenir à une certaine rationnalité en étant agencés, agencement qui dépend directement d'un libre choix del'historien.

Les faits ne peuvent pas être justaxposés car l'histoire doit faire sens.C'est ainsi que R.

Aron, dans Dimensions de la conscience historique, explique : "Laconnaissance historique n'a pas pour object une collection, arbitrairement composée des seuls faits réels, mais des ensembles articulés intelligibles".

Le rôle del'historien serait donc d'agencer les faits de manière objective, nécessaire et universel.

Mais cet agencement est entièrement tributaire d'un choix qui rend auxdocuments toute leur subjectivité et qui dément l'idée d'une vérité historique.Ainsi, selon la Poétique d'Aristote (IX), l'histoire porterait sur un fait particulier.

Or vu qu'il n'existe pas de science du particulier, le rôle de l'historien serait de rendrevraisemblable ou nécessaire des faits qui se présentent dans un document de manière universelle et contingente.

Mais ce rôle étant assuré par un homme, celui ci estforcément empreint de l'intuition de celui qui assure le rôle.Dès lors, l'existence d'une vérité historique est faussée non seulement par le manque de distance de l'historien-témoin avec des faits dans lesquels il fera forcémentjouer son interprétation, ses préjugés de l'époque, et les agencera selon une interprétation, un choix dont il est totalement libre.

Les documents, eux également,présentent dès leur source une forme de subjectivité partielle.On pourrait ainsi dire que la possibilité d'une vérité historique résiderait dans la citation de Fenelon dans sa Lettre à l'Académie (1714) : "Le bon historien n'estd'aucun temps, ni d'aucun pays.

Quoi qu'il aime sa patrie, il ne la flatte jamais en rien.

L'historien français doit se rendre neutre." La vérité historique résiderait donc dans une certaine philosophie de l'histoire qui se baserait sur l'acceptation de l'histoire comme étant la construction d'un lien entrela subjectivité de l'historien et l'objectivité relative du document si l'on décide de s'y référer.

Cependant, certains mettront clairement en doute une vérité historiquecomme étant unique, la considérant alors comme une création.Tout d'abord, cette philosophie considèrerait l'histoire comme discipline selon laquelle la subjectivité de l'historien et l'objectivité du document seraient liées.

Charlesde Gaulle s'est un jour prononcé en expliquant son point de vue sur l'histoire : "L'histoire, c'est la rencontre d'une volonté et d'un évènement", comme si l'histoirealliait non seulement l'evènement, en réalité le fait historique, et la volonté, c'est-à-dire la subjectivité de l'historien qui se fait transmetteur de cet évènement pourl'élever au rang de fait historique, de cultiver parallèlement un certain type de subjectivité correspondant à la nature de l'objectivité historique.

C'est selon la mêmeidée que le philosophe Ricoeur considère dans Histoire et Vérité (1955) ce lien qui doit subsister : "nous attendrons de l'historien une certaine qualité de subjectivité,non pas une subjectivité quelconque, mais une subjectivité qui soit précisément appropriée à l'objectivité qui convient à l'histoire".

Ainsi, cette idée de lier lasubjectivité à l'objectivité n'engendre pas une vérité inexistante, mais celle ci n'est alors pas parfaite, quelque peu faussée.

Il faudrait s'en remettre à cette philosophiepour se référer à l'histoire, alors considérée comme une vérité particulière car qui n'est pas complète.

Ainsi Tolstoï dans son ouvrage La Guerre et la paix (1865-1869) considère que, si les grands hommes conduisent l'humanité vers la réalisation de buts bien connus retranscrits dans les ouvrages historiques, il est "impossibled'expliquer les évènements de l'histoire sans faire appel aux concepts de hasard et de génie".

Ainsi en plus de la subjectivité, Tolstoi parle de hasard et de génie (iciau sens de ne pas comprendre pourquoi cela se produit).

D'une autre manière, le passage à la philosophie de l'histoire pourrait se faire dans une coïncidencesympathique avec l'objet, le fait historique, c'est-à-dire rendre proche ce qui est lointain, faire revivre ce qui est mort, en réalité, la mission de l'historien serait de fairerevivre le passé dans le présent avec la même force et la même vivacité, réactualiser les époques révolues, comme le confime Antoine Prost, un historien,"L'explication du passé se fonde sur les analogies avec le présent, mais elle nourrit à son tour l'explication du présent".Cependant, la subjectivité étant forcément entraînée, certains considèreront qu'aujourd'hui, on ne peut pas considérer de vérité historique.

L'histoire serait alors avanttout une création et non pas une vérité.

Le choix est alors de s'y référer ou non, mais nier l'histoire dont l'on dispose aujourd'hui est risqué et très stérilisant.

C'est ainsique Jaurès a affirmé que : "L'histoire humaine n'est qu'un effort incessant d'invention, et la perpétuelle évolution est une perpétuelle création".

Paul Valéry considèreégalement que : "L'histoire justifie ce qu'elle veut.

Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient et donne des exemples de tout." (Regards sur le monde actuel,1945).

Ainsi certains sont totalement dubitatifs face à une histoire à laquelle ils ne trouvent rien de rationnel, donc rien de rassurant, rien d'objectif donc aucunevérité.

Selon eux, il n'y aurait pas de vérité historique, ou peut-être plusieurs vérités historiques qui résideraient des désaccords entre historiens.

En effet l'histoire neserait alors plus unique dans son agencement, son interprétation, et mènerait ainsi à des vérités historiques multiples.A contrario, Rousseau lui donne une nouvelle vision de la vérité historique : pour lui, pour qu'un historien dise vrai, il faudrait qu'il donne à son texte une certainedimension littéraire qui lui permettrait de ne plus être qu'un récit historique, mais un discours réel qui permettrait en réalité de lier l'événement avec le lecteur pourqu'il n'y ait plus de distance entre les deux : "Thucydide est à mon gré le vrai modèle des historiens.

Il rapporte les faits sans les juger, mais il n'omet aucune descirconstances propres à nous en faire juger nous-mêmes.

Il met tout ce qu'il raconte sous les yeux du lecteur ; loin de s'interposer entre les événements et les lecteurs,il se dérobe ; on ne croit plus lire, on croit voir." (L'Emile, 1762).

L'historien donnerait ainsi une dimension quelque peu merveilleuse à l'histoire avec une disparitionprogressive de l'historien afin que le lecteur acquérisse une certaine sympathie avec les époques passées, une certaine conformité.Ainsi donc il existerait une certaine vérité historique dont l'existence se justifierait par une certaine philosophie de l'histoire, qui ne considérerait alors sous aucunaspect l'histoire comme une "science des traces" mais plus comme "une création basée sur la vérité et sur l'objectivité". Pour conclure, il semblerait qu'assurer l'existence certaine d'une vérité historique comme référence absolue serait une absurdité puisqu'elle présente de nombreuseslimites non-négligeables qui la remettent même en question : l'historien est en position ambigue car entre proximité et distance nécessaires, les documents ne sont pasdes référents forcément vrais, tout dépend de comment ils sont interprétés et selon qui.

Ainsi plusieurs vérités historiques pourraient coexister entre elles.

Une de cesvérités historiques pourraient résider dans une nouvelle philosophie assez contemporaine de l'histoire.La question de l'existence d'une vérité historique tourmente les philosophes, les historiens et les écrivains depuis que celle-ci existe, mais les positions adoptées face àce lien possible entre Histoire et Vérité semblent en réalité se modifier suite aux événements historiques qui ont été relatés.

Ainsi, durant les siècles anciens, l'histoireétait réellement considérée généralement comme une science objective à laquelle il était sûr de se réferer.

Mais au fil des années, le peuple est devenu plus dubitatif,notamment face à une vérité dont il a pris conscience : les vestiges du passé qui constituent la trame de l'histoire ne peuvent eux se réveler entièrement vrais, toutcomme ce qu'en tire les historiens qui, étant des hommes avant tout, font jouer une intuition sujective qu'ils ne peuvent écarter.

On peut notamment penser que laseconde guerre mondiale a été un événement historique dont la vérité n'a jamais réellement été élucidé puisque pour certains pays l'on n'arrive pas à s'assurer d'unecollaboration ou d'une résistance face aux nazis, tant la documentation est faussée car étant celle des vainqueurs.

Ainsi, certes un lien subsiste entre Histoire etVérité, mais il n'est pas certain que l'on puisse aller jusqu'à parler d'une vérité historique.. »

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