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Abdelaziz Bouteflika libère des milliers d'islamistes en Algérie

Publié le 17/01/2022

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5 juillet 1999 Bénéficiant d'une grâce présidentielle, plusieurs milliers d'islamistes - 5 000 , selon des sources judiciaires - non impliqués dans des crimes de sang devaient être libérés, lundi 5 juillet, jour de la fête nationale. Par ce geste de clémence, qui fait suite à l'abandon de la lutte armée annoncé en juin par l'Armée islamique du salut (AIS), le bras armé de l'ex-Front islamique du salut (FIS), le président Bouteflika entend "rétablir les liens entre les citoyens en éliminant les causes [...] de frustration", assure un communiqué de la présidence diffusé dimanche. Il vise aussi à affirmer la "détermination personnelle [du chef de l'Etat] à conduire le processus de rétablissement de la concorde civile à son terme". De son côté, le premier ministre, Ismaïl Hamdani, a présenté dimanche aux députés, comme prévu, un projet de loi d'amnistie. Destiné à rétablir la "concorde civile" le texte, dont l'examen débutera mardi à la Chambre, doit permettre à ses bénéficiaires de "réintégrer leur foyer et de reprendre leur place dans la société". Son adoption ne fait guère de doute à l'Assemblée, dominée par les partis pro-gouvernementaux, mais le chef de l'Etat a indiqué que les Algériens seraient de toute façon amenés à s'exprimer sur le texte par voie de référendum. Le projet de loi sur la "concorde nationale" pourrait bénéficier à quelque 15 000 personnes, mais à des degrés divers, selon leur implication dans les violences qui secouent l'Algérie depuis le début de la décennie. La première catégorie - la plus nombreuse - concerne les "seconds couteaux", c'est-à-dire tous ceux qui n'ont pas commis d'actes ayant entraîné "mort, infirmité permanente, viol", ainsi que ceux qui n'ont pas utilisé des explosifs dans des lieux publics. Ceux-là seront amnistiés et les poursuites judiciaires à leur encontre annulées (d'où le geste d'anticipation du président Bouteflika lundi 5 juillet). Dans la deuxième catégorie figurent les combattants qui ont fait partie d'organisations armées sans les avoir commandées. S'ils n'ont pas commis de massacres collectifs, d'attentats à l'explosif sur des lieux publics, ils seront soumis à une période probatoire de trois à dix ans au cours de laquelle les poursuites judiciaires seront gelées. En contrepartie, ils devront participer à "la lutte antiterroriste" pour le compte de l'Etat. Un article du projet de loi prévoit l'annulation de la mise sous contrôle en cas de déclaration mensongère. Dans le cas contraire, à la fin de la période probatoire, les "terroristes" repentis passeront en justice et leur peine sera allégée. Elle ne devrait pas excéder cinq ans de prison. Les responsables des groupes armés et ceux qui les ont créés forment la dernière catégorie des personnes concernées par le projet de loi. Sous réserve qu'ils n'aient pas commis de massacres collectifs ou d'attentats à l'explosif, le texte prévoit de ramener leur peine à douze ans d'incarcération au maximum. En principe, ils encouraient la peine capitale ou la réclusion à perpétuité. Dans tous les cas, les "repentis" devront demander à bénéficier des mesures de clémence dans un délai de six mois après la promulgation de la loi. Le chef de l'Etat, élu le 15 mai dernier dans des conditions discutables (ses cinq adversaires se sont retirés la veille du scrutin pour protester contre les fraudes), a promis d' "autres mesures" en faveur de la paix. Selon certains journaux, Abdelaziz Bouteflika pourrait annoncer lundi soir, dans un discours à la nation, la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis février 1992, la libération d'Abassi Madani, le chef historique de l'ex-FIS, voire la mise en place d'une commission sur les "disparus" (des milliers de personnes réputées pro- islamistes qui ont été enlevées hors de tout cadre légal par les forces de sécurité). Jusqu'ici les mesures de réconciliation nationale ont été bien accueillies. C'est d'abord vrai de l'armée et des services de sécurité. La politique menée par le nouveau chef de l'Etat ne fait au demeurant qu'officialiser un dialogue que des militaires avaient déjà entamé avec les responsables de l'AIS. C'est vrai également des partis de l'opposition, même si le Front des forces socialistes (FFS), le parti de M. Aït-Ahmed , reproche au projet de loi de ne pas traiter "le volet politique de la crise". En fait, les seules critiques acerbes viennent des partis "éradicateurs" (qui refusent toute concession aux islamistes). Ceux- ci, à l'image du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), voient dans le texte de loi "la réhabilitation des terroristes". "Comment peut-on mettre en liberté des personnes responsables des actes criminels [et] ceux qui les ont commis ?", s'interrogeait, il y a quelques jours, une éditorialiste du quotidien El Watan, réputé proche du RCD . JEAN-PIERRE TUQUOI Le Monde du 6 juillet 1999

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