Article de presse: Bloc de mémoire
Publié le 22/02/2012
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solution, l'ethnocentrisme comme projet : il s'agit bien, aujourd'hui que ce siècle de fer tire à sa fin, de se demander si les germesde l'horreur furent bien tous extirpés ou si, au fond, nous ne serions pas dans une période de latence, entre deux apocalypses.
Le caractère mondial de la guerre ne doit pas faire oublier que, comme la première du nom, elle fut d'abord une tentativecontinentale de suicide collectif.
Tout s'est passé comme si l'Europe, insatisfaite de s'être tailladé les veines entre 1914 et 1918pour régler des différends d'impérialismes antagonistes, avait voulu récidiver efficacement, moins d'une génération plus tard, afinde se régler définitivement son compte.
Qu'après tant de sang versé, tant de destructions, humaines, matérielles, culturelles, industrielles, architecturales, tant de hainesrecuites, on ait pu passer du massacre à répétition à la réconciliation sensationnelle, puis à l'unification laborieuse, voilà bien leseul sujet de positivité que cette guerre-cauchemar offre à la méditation.
Cela illustre la formidable capacité qu'a l'humanité,disons la civilisation, de rebondir, de ne pas s'enfermer dans des schémas convenus et de transformer des tragédies en occasionsde rebond, de reconstruction.
D'une certaine manière, il y avait dans cette guerre, en raison de son horreur même, les chances àsaisir d'une unité continentale.
Cela se joue sous nos yeux.
Le débat sur l'Union européenne, qui est la grande affaire depuis plusieurs décennies, ne trouve sa dimension épique ethistorique que dans la confrontation entre ce qu'elle tente d'atteindre et la réminiscence de ce que fut son contraire.
Les gouvernants paraissent impotents, hélas ! dans la pédagogie de ce dessein.
La deuxième guerre mondiale fournit, dans ses épisodes, ses lieux symboles, ses personnages, l'occasion de mille et unefixations, positives ou négatives, pour l'imaginaire de ceux qui l'ont vécue comme pour ceux qui sont nés après .
La profusion despersonnes devenues mythiques atteste que ces années-là, en même temps qu'elles dépassèrent les limites de l'inhumain, furentaussi celles où l'humain eut l'occasion de se transcender.
Les personnages positifs, héroïques, sortes de saints modernes, abondent, des résistants anonymes aux hommes de guerreprestigieux qui firent plier le Reich.
De Gaulle accéda à l'Histoire en refusant l'abaissement auquel Pétain, lui, avait consenti etdont il doit payer, dans nos mémoires, la rançon.
Churchill, Roosevelt, Staline, personnages forts, non dénués d'ambiguïtés,retors, hardis, tour à tour monstrueux et géniaux.
Et puis aussi les personnages dans lesquels s'incarna et restera incarné le malabsolu : Hitler et ses séides dont les figures négatives hantent à la fois ceux à qui ils font horreur et ceux qui, de manière plustrouble, trouvent à ce commerce-limite des plaisirs suspects.
La mémoire est faite de ce mélange profus d'événements héroïques - l'appel de Londres, la Résistance, Stalingrad, ledébarquement de Normandie, la bataille du Pacifique, Leclerc entrant dans Paris - et de lieux de mémoire pour la honte etl'effroi-Hitler au Trocadéro, Pétain à Montoire, Oradour, Auschwitz, Goering au procès de Nuremberg, mais aussi Dresde etpuis Hiroshima, point d'orgue sinistre.
Les figures du bourreau et de la victime ont trouvé dans cette guerre la plus vaste épopéeréelle puis légendaire pour nous horrifier ou pour nous éblouir.
Se souvenir c'est revisiter, comprendre, connaître.
Se souvenir n'est pas un privilège, un ressassement ou une tâche limitée auxtémoins.
C'est l'affaire de toutes les générations.
C'est refuser la lâcheté d'une évocation qui, recrue d'horreurs, serait tentéeparfois de baisser les bras, et de tirer un trait de lassitude.
Se souvenir est un bloc où l'irruption forte, lumineuse et admirable descourages et des sacrifices ne peut se faire que si l'on supporte de regarder le fond de cendre du décor où trônèrent les tueurs.Afin de s'assurer que ce qui armait leur bras - le refus de l'autre - ne rôde pas encore, ou déjà.
BRUNO FRAPPAT Mai 1994.
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