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Article de presse: Consolider les réformes économiques à Cuba

Publié le 17/01/2022

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8 octobre 1997 - Ce 7 octobre 1997, à la veille de l'ouverture du Ve congrès du Parti communiste cubain (PCC), le camarade Esteban Lazo, membre du bureau politique et premier secrétaire du parti dans la capitale, a tenu une conférence de presse. Le camarade Lazo, plus d'une heure durant, a décrit toutes les difficultés nées de l'effondrement du bloc soviétique et de l'embargo des Etats-Unis : obligation d'autoriser la circulation du dollar américain, délits de toutes sortes engendrés par l'argent facile, nécessité d'améliorer la productivité et difficulté à maintenir les principes socialistes dans le monde d'aujourd'hui. Bref, rien de bien neuf. Mais sa conférence de presse était en soi un petit événement pour un régime dont les représentants n'ont pas l'habitude de rendre compte de leurs activités. Le congrès du PCC et les cérémonies qui entourent le trentième anniversaire de la mort d'Ernesto Che Guevara en Bolivie expliquent ce changement d'attitude. L'occasion était trop belle de lancer au monde un message qui se veut sans ambiguïté : éclairé, ainsi que le désigne le document préparatoire au congrès, par " le parti de l'unité, de la démocratie et des droits de l'homme " , Cuba reste fermement attaché au socialisme, déterminé à " consolider " les réformes entreprises, sans " rupture " avec les années antérieures. Dans l'indifférence affichée d'une population qui en a vu d'autres, les 1 500 délégués qui, au nom des quelque 780 000 membres du PCC, prendront part, durant trois jours, aux travaux du congrès, ne devraient pas remettre en cause cette orientation. Selon une tradition désormais bien ancrée, tout s'est joué avant : en partie dans les 230 000 réunions préparatoires au cours desquelles, selon Granma, le quotidien du parti, quelque 6,5 millions de Cubains (plus de la moitié de la population !) auraient débattu des thèses soumises aux congressistes. A petites touches discrètes, les autorités cubaines se sont attachées, ces derniers jours, à éclairer le chemin qu'elles entendaient suivre. Les résolutions finales qui, déjà rédigées, circulent dans les cercles bien informés de La Havane, comportent soixante-huit pages dont soixante sont consacrées à l'économie. C'est dire l'importance accordée à une situation tout entière dominée par les difficultés de la production et de l'approvisionnement. Ouverture limitée Car même si depuis 1991, l'année catastrophique où tout manquait, l'amélioration est sensible, le pays est loin d'être sorti de ses difficultés. " Les Cubains sont à la limite de ce qu'on peut faire en jouant avec la trésorerie " , commente un homme d'affaires, estimant que le régime ne peut sortir de l'ornière que s'il accepte la démocratisation économique et politique que les organismes internationaux et l'Union européenne exigent en échange de leur aide. Ce n'est manifestement pas le chemin que Cuba est décidé à emprunter. Le projet de résolution finale souligne que l'ouverture économique restera limitée, l'Etat renforçant ses mécanismes de planification et contrôlant au plus près les forces du marché qu'il a libérées en autorisant les marchés paysans et un embryon d'entreprise privée. Les capitalistes étrangers sont vivement invités à investir, mais les petits entrepreneurs cubains, qui espéraient être autorisés à étendre leurs activités, demeurent sous étroite surveillance, tolérés à hauteur des services qu'un appareil étatique essoufflé ne parvient plus à rendre. Cette voie médiane permettra-t-elle à Cuba de récupérer et à la ménagère de mieux remplir son panier ? Elle exprime en tout cas une situation qui paraît aujourd'hui sans retour : celle d'une ouverture, même petite, aux mécanismes de marché, ainsi que le préconisent depuis près de deux ans les quadras technocrates qui, au sein des organismes de direction, sont en train de prendre la relève de l'ancienne génération. Quant à l'ouverture politique, elle ne concerne que l'appareil du Parti communiste. Si personne ne pense que Fidel Castro puisse abandonner la charge de premier secrétaire qu'il occupe depuis la fondation du PCC, en 1965, chacun s'apprête à examiner avec attention le profil des organismes de direction qui sortiront du congrès, pressentant bien que la succession du Lider Maximo est désormais ouverte. Car, en dépit des démentis, les spéculations sur la santé du chef de l'Etat cubain vont bon train. Quasi tabou, cette question ne sera pas discutée au congrès, même si, pour des centaines de délégués comme pour des millions de Cubains rendus anxieux par les incertitudes de la succession, elle est la seule qui compte. GEORGES MARION Le Monde du 9 octobre 1997

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