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Article de presse: Krim Belkacem, le rebelle

Publié le 17/01/2022

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20 août 1956 - Au congrès de la Soummam Krim Belkacem s'affirme comme un dirigeant célèbre du FLN. Ce montagnard aux traits lourds et à la démarche pataude qu'on voit, engoncé dans sa canadienne de cuir et coiffé d'un calot trop grand, sur les premières photographies de l'époque héroïque, était, par son obstination, sa ruse, son goût de la violence, fait pour les jacqueries et la guérilla. Né en 1922, près de Dra-El-Mizan, en Grande-Kabylie, caporal-chef de l'armée française, démobilisé en 1945, pouvait-il vraiment se " consacrer à l'agriculture " comme il l'écrivait sur son formulaire de " renvoi dans les foyers " ? Dès 1947, il avait pris le maquis. Il était tenu, à l'époque, pour un militant de ce Parti populaire algérien de Messali Hadj qu'il devait si bien réduire à l'impuissance. Sa première condamnation à mort, il l'encourt en tuant un garde champêtre musulman. Hors-la-loi, Krim Belkacem commence à forger sa légende, c'est l' " homme de la montagne ", le héros des coups de main et des surprises, l'insurgé loqueteux et résolu des soulèvements impossibles. Lorsque le PPA devient le MTLD, il cherche à se gagner ce militant et le nomme son représentant pour la Kabylie. Il est donc déjà le chef de cette région que son relief et le caractère des habitants transformeront nécessairement en citadelle de la rébellion, lorsque les " fils de la Toussaint " donnent, le 1er novembre 1954, l'ordre d'insurrection avec ses troupes, deux cents bergers mal armés, errant de mechta en grotte, au milieu d'une population à l'époque encore hostile. Krim Belkacem parvient à convaincre la Kabylie de l'existence du FLN. Il tient le pays, affirme son autorité, joue adroitement de l'intimidation et même, le cas échéant, de la clémence. Chef de bande, il sait terroriser et convaincre. La wilaya III (Kabylie), qu'il met sur pied à partir de 1954 avec l'aide de son second, le colonel Ouamrane, deviendra vite la plus puissante et la mieux organisée d'Algérie. C'est là que se tient, en 1956, le congrès de la Soummam, où le Front arrête sa stratégie. Krim Belkacem y acquiert une célébrité et des prérogatives qui débordent le cadre de sa région. Il organise un réseau à Alger, met au pas Amirouche et confie à celui qui sera son successeur à la tête de la wilaya une mission de mise en place du FLN. En Kabylie, il massacre les groupes armés qui se réclament du MNA et, en juillet 1955, disposant de mille cinq cents hommes, il harcèle les troupes françaises par une tactique extrêmement " payante " d'embuscades et d'attentats. Après la conférence de la Soummam, Krim Belkacem va faire partie de tous les organismes dirigeants de la révolution. Il est l'un des dix-sept membres titulaires du CNRA (Conseil national de la révolution algérienne), créé par la conférence. En décembre 1957, lors de l'affaire de l'exécution d'Abane Ramdane, conduit sous escorte au Maroc puis assassiné, Krim Belkacem est du voyage. Bien qu'il ait contribué de façon décisive à la défaite politique de l'adversaire de Ben Bella en donnant aux " colonels ", alors dressés contre les " politiques ", l'appui de son autorité, il semble que le dirigeant kabyle se soit opposé jusqu'au dernier moment à l'exécution. Vice-président du gouvernement provisoire de la République algérienne dès sa création, en septembre 1958, chargé des forces armées, Krim Belkacem sera, de 1958 à l'indépendance, avec Ben Tobbal et Boussouf, l'un des " trois B " qui dirigèrent, en fait, la révolution. Après le remaniement de janvier 1960, il remplaça aux affaires étrangères le docteur Lamine Debaghine. Il se rend en Chine, en URSS, aux Nations unies et dans de nombreuses capitales. Il dirige enfin la délégation du FLN lors des conversations qui aboutiront à la signature des accords d'Evian reconnaissant l'indépendance algérienne. Dès 1962, Krim Belkacem prend ses distances à l'égard de Ben Bella. Il dénonce ses tendances autoritaires et crée un " comité de liaison pour la défense de la révolution ". Après avoir abandonné son mandat de député, il quitte l'Algérie. Condamné à mort, en 1969, par la Cour révolutionnaire d'Oran, il est assassiné dans un hôtel de Francfort le 18 octobre 1970. PAUL-JEAN FRANCESCHINI Le Monde du 22 octobre 1970

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