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Article de presse: La lente maturation du non-alignement

Publié le 17/01/2022

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17 avril 1955 - Dans l'entre-deux-guerres, déjà, plusieurs tentatives avaient été faites pour réunir les représentants de cette majorité silencieuse du monde moderne, et, à chaque occasion, l'impact fut considérable, aussi bien chez les puissances coloniales que chez les masses colonisées. Congrès des peuples d'Orient de Bakou (août 1920), congrès d'Irkoutsk (décembre 1921), conférence des peuples d'Asie de Nagasaki (été 1926), conférence des peuples opprimés de Bruxelles (février 1927) et deuxième conférence des peuples d'Asie de Dalny (février 1934), ont été durant cette période les principales occasions de rencontres et de discussions collectives pour les représentants des mouvements de libération du monde colonisé. Avec la fin de la deuxième guerre mondiale et devant l'amplification des mouvements de libération nationale dans les colonies, le recul du colonialisme s'accélère et les ex-colonies, une fois indépendantes et promues au rang de membre des Nations unies, découvrent le rôle qui peut être le leur dans un monde soumis aux politiques de blocs et où l'indépendance ne pouvait pas prendre toute sa signification si elle n'était pas accompagnée par le non-alignement. Les traces de telles conceptions se trouvent facilement dans les déclarations et les prises de position des hommes politiques du tiers-monde. Déjà, pendant la guerre en Iran, Mossadegh élaborait sa doctrine de " l'équilibre négatif " pour s'opposer à la politique suiviste du chah envers les puissances occidentales, tandis que, au sein du Baas, Michel Aflak préconisait pour les Etats arabes " une politique de neutralité vis-à-vis du conflit entre les deux blocs " (22 janvier 1948), et Nehru, dans son discours inaugural à la conférence des relations asiatiques, à New-Delhi, le 23 mars 1947, déclarait : " Nous, Asiatiques, avons été pendant trop longtemps confinés au rôle de solliciteurs dans les cours et les chancelleries occidentales. Tout cela doit appartenir maintenant au passé. Nous souhaitons tenir sur nos propres jambes et coopérer avec tous ceux qui y sont disposés. Nous n'entendons pas être le jouet des autres ". Cette volonté d'indépendance trouvait dans les organismes internationaux, et notamment aux Nations unies, un champ d'application approprié : dès 1949, à l'ONU, une dizaine de délégués des pays afro-asiatiques commencent à se consulter afin de mieux harmoniser leurs activités et de défendre des positions indépendantes de celles des grandes puissances. Les cinq puissances invitantes de Bandoung-l'Inde, Ceylan, le Pakistan, la Birmanie et l'Indonésie-s'étaient réunies à Colombo, du 5 avril au 2 mai 1954, pour chercher les moyens d'accélérer la conclusion de la paix en Indochine. Les cinq prennent alors position contre les essais nucléaires, la politique des blocs et le colonialisme et se prononcent pour l'admission de la Chine aux Nations unies. Quelques mois plus tard, en décembre 1954, les cinq de Colombo se retrouvent à Bogor, localité proche de la capitale indonésienne, pour décider des derniers préparatifs de la conférence, et notamment pour établir la liste des pays à inviter à prendre part à la création d'une " zone de paix " fondée sur les principes de la coexistence pacifique. Vingt-cinq pays, dont la Chine et le Vietnam du Nord, sont invités, et, parmi eux, seule la Fédération d'Afrique centrale décline l'invitation (1). NASSER PAKDAMAN professeur associé à l'université de Paris-VII Le Monde du 21-22 avril 1985

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