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Article de presse: La navette spatiale, ni fusée ni avion

Publié le 22/02/2012

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12 avril 1981 - Pas vraiment fusée, pas vraiment avion. Véhicule hybride, le nouveau système de transport spatial américain (STS) donne l'impression d'hésiter entre deux genres, et ce jusque dans la manière dont il se comporte pendant une mission. La navette, comme l'appellent les Américains, décolle en effet comme une fusée, manoeuvre en orbite comme les vaisseaux les plus sophistiqués et atterrit, sa mission accomplie, comme un avion. Sans atteindre le gigantisme de la fusée Saturne-V, utilisée pour l'envoi d'hommes sur la Lune, l'ensemble du nouveau système de transport spatial américain a une taille et un poids relativement imposants : 56 mètres de hauteur et un peu plus de 2 000 tonnes au décollage. C'est encore loin des 110 mètres et des 2 900 tonnes de la fusée lunaire, mais tellement plus que les 210 tonnes d'Ariane, que les Européens qualifient de lanceur " lourd ". Dressée sur sa table de lancement, la navette apparaît comme un ensemble un peu hétérogène avec, au premier plan, l'orbiter-ce semblant d'avion à aile delta aux formes un peu lourdes posé en équilibre apparemment fragile sur sa dérive et ses trois moteurs-et, au second plan, la masse imposante du réservoir extérieur et des deux fusées d'appoint qui lui sont accolées. L'orbiter, que l'on a pris coutume d'assimiler à la navette, est le seul élément de l'ensemble à monter en orbite. Ce véhicule, d'un poids à vide de 69 tonnes, mesure environ 37 mètres de long pour une envergure de 24 mètres; en gros, un engin de la taille d'un avion moyen-courrier de type DC-9. Il se compose dans sa partie avant, sur deux étages, d'un quartier-vie pressurisé, dans lequel un équipage de sept personnes au maximum peut prendre place et se répartir dans les 71 mètres cubes d'espace vital disponible. Le réservoir extérieur, solidement fixé sous le fuselage de la navette, est un énorme bidon de 8,5 mètres de diamètre et de 47 mètres de long, dans lequel sont contenus les 2 millions de litres d'oxygène et d'hydrogène liquides nécessaires à l'alimentation des moteurs principaux de la navette. D'une masse au décollage d'environ 740 tonnes-dont plus de 700 constituées par les combustibles liquides emportés,-cette gigantesque bouteille thermos est larguée après huit minutes et demie de vol. Elle incline alors sa trajectoire et se disloque au contact des couches denses de l'atmosphère avant de s'abîmer dans l'océan Indien. Les fusées d'appoint, enfin, sans lesquelles la navette serait incapable de décoller, sont fixées de part et d'autre du réservoir extérieur. Fabriqués par Thiokol, ces deux boosters sont " les plus gros propulseurs à poudre jamais développés pour des vols spatiaux et les premiers à être utilisés pour un vaisseau spatial habité ". Ces deux engins de 45 mètres de long pour un diamètre de 3,70 mètres, pèsent chacun 580 tonnes. Un système de propulsion sophistiqué Après deux minutes de fonctionnement, ils sont largués alors que la navette et son réservoir extérieur sont à une cinquantaine de kilomètres d'altitude. Ils retombent alors vers l'océan Atlantique et sont freinés dans leur descente par des grappes de parachutes avant d'être récupérés par deux bâtiments de la marine américaine. Pour arracher à la pesanteur terrestre cet ensemble de 2 000 tonnes fait d'alliages légers et de combustibles divers, la NASA a mis au point un système de propulsion sophistiqué. C'est ainsi qu'au décollage les deux fusées d'appoint sont mises à feu pratiquement en même temps que les trois moteurs principaux de la navette. Tout cet ensemble, constitué par les fusées d'appoint et les trois gros moteurs de la navette, ne suffit pas à assurer la complète mise en orbite. Pour y parvenir, ont été montés dans la baie de propulsion deux moteurs supplémentaires-l'Orbiter Maneuvering System-de 2,7 tonnes de poussée unitaire permettant les dernières manoeuvres d'injection en orbite, de changement et de transfert d'orbite, de rendez-vous et de retour sur Terre. Là encore, les responsables du programme ont misé sur la technique et dessiné des systèmes qui, selon eux, doivent supporter sans dommages un millier de mises à feu successives, ce qui représente une garantie de fonctionnement d'environ dix ans. Enfin, la NASA a confié le contrôle d'attitude de la navette à quarante-quatre moteurs de conception plus classique, analogues à ceux que l'on trouve sur la majeure partie des satellites et des capsules spatiales. Dernier pari technique, enfin, et non le moindre, le bouclier thermique grâce auquel la navette peut subir sans dommage cette " épreuve du feu " que constitue la rentrée dans l'atmosphère. A cette fin, la majeure partie de la surface de l'orbiter a été recouverte de tuiles de protection de manière à maintenir pendant la rentrée dans l'atmosphère la température des matériaux qui composent le véhicule à une valeur inférieure à 177°C. Près de trente et un mille tuiles, de formes toutes différentes, ont ainsi été simplement collées sur le fuselage, le nez et les ailes de l'appareil. JEAN-FRANCOIS AUGEREAU Le Monde du 10 avril 1981

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