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Article de presse: Le premier congrès national palestinien

Publié le 22/02/2012

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28 mai 1964 - C'est dans un palace flambant neuf, au sommet du mont des Oliviers, que se tiennent depuis hier jeudi les assises du premier congrès national palestinien. Quelque trois cent vingt délégués représentant la plupart des organisations palestiniennes ont été convoqués à ce grand débat qui se déroule sous l'égide de la Ligue arabe, présente en la personne de son secrétaire général, M. Abdel Khalek Hassouna. Pour des raisons encore obscures dues, semble-t-il, à des rivalités partisanes, le comité supérieur arabe présidé par l'ancien mufti de Jérusalem, Haj Amin El Husseini, a décidé au dernier moment de boycotter la réunion. Tous les souverains et chefs d'Etat arabes, à l'exception de l'émir Fayçal Séoud, ont délégué à cette réunion des représentants personnels. L'Algérie, la Tunisie et la Syrie ont envoyé leurs ministres des affaires étrangères, respectivement MM. Bouteflika, Mongi Slim et Hassan Mourawed. La Jordanie, pays hôte, a profité de l'occasion pour montrer aux réfugiés, qui représentent la moitié de la population du royaume, à quel point elle était soucieuse de trouver une solution qui permettrait aux Palestiniens arabes de retrouver leur entité politique. C'est d'ailleurs l'objectif majeur de ce congrès, le premier du genre. Ce projet avait été conçu au lendemain du sommet arabe. Cette conférence avait décidé de restaurer l'entité palestinienne. Dans cette assemblée. M. Ahmed Choukeiri, représentant la Palestine auprès de la Ligue arabe, et ancien délégué permanent de l'Arabie saoudite à l'ONU, tient le premier rôle. La querelle qui avait opposé, après la chute de la monarchie yéménite, M. Choukeiri à la cour saoudite devait amener le gouvernement du vice-roi Fayçal à boycotter le congrès. Fayçal vient de déclarer dans un cercle d'amis à Ryad : " Notre glorieux père le roi Abdel Aziz avait, le premier, soutenu que la défense de la Palestine ne pouvait être assumée en premier lieu que par les Palestiniens, et que la meilleure façon de perdre le pays serait de laisser aux gouvernements arabes le soin de le défendre au gré de leur fantaisie. " L'ouverture du congrès a été marquée par des discours assez conventionnels du roi Hussein, du secrétaire de la Ligue arabe, et par l'exposé très applaudi, très nuancé, de M. Choukeiri, représentant la Palestine à la Ligue arabe. Pour le souverain hachémite, " l'honneur des Arabes ne sera sauf que lorsqu'ils auront récupéré leurs droits sur la Palestine ". Le monarque se déclare prêt à payer de sa vie, à tout instant, pour que vive la Palestine. M. Hassouna a évoqué en termes modérés les grandes luttes menées par les Arabes contre l'impérialisme, qui toutes ont abouti au triomphe du droit. Il ne voit pas pourquoi le peuple palestinien échouerait là où les autres peuples arabes ont réussi. M. Ahmed Choukeiri a évoqué quelques souvenirs de la " patrie usurpée ". Nous sommes las d'attendre et de désespérer, dit-il. Il nous a fallu seize ans pour refaire notre unité, et nous n'attendrons pas seize autres années pour passer à l'action. Or l'action, cette fois, ne sera ni politique ni diplomatique, mais rien que militaire. Il est demandé aux Palestiniens de lutter et de mourir, mais leur lutte et leur sacrifice seront conditionnés par les moyens que les gouvernements arabes mettront à leur disposition. Nous représentons ici, a ajouté M. Choukeiri, toutes les générations humiliées et trahies : celles de la déclaration Balfour, celles qui ont vécu l'impérialisme britannique en Palestine, celles qui ont connu les persécutions et les massacres, et celles qui vivent aujourd'hui dans la misère et le désespoir. Le malheur a voulu que notre lutte ne ressemblât en rien à celle des autres peuples opprimés. Les Cubains, les Angolais, les Algériens, ont lutté chez eux dans leur pays. Nous autres avons été privés de ce tremplin qu'est la terre de nos ancêtres. Nous voilà réduits à lutter pour retrouver d'abord notre personnalité. Qu'avons-nous à perdre ? Pourquoi faut-il qu'un réfugié meure de faim sous la tente au lieu d'être tué au front les armes à la main ? M. Choukeiri a conclu son discours en exposant les grandes lignes du statut national de la Palestine arabe, que les congressistes seront appelés à adopter après y avoir apporté, s'il y a lieu, des modifications. Les travaux des comités ont commencé ce matin vendredi. EDOUARD SAAB Le Monde du 30 mai 1964

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