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Article de presse: L'économie américaine sort fortifiée de sept années d'expansion

Publié le 17/01/2022

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20 juin 1997 - Cela pourrait s'appeler "le long boom, titre ce mois-ci Wired sur fond de couverture ensoleillée : Nous avons devant nous vingt-cinq ans de prospérité, de liberté et un meilleur environnement pour le monde entier. Ça vous pose un problème ?" Tel est le scénario idyllique que propose le magazine des mordus de la high tech à des lecteurs résolument optimistes, mais Bill Clinton, qui accueille vendredi 20 juin à Denver (Colorado) ses partenaires du monde industrialisé, ne saurait désapprouver cette façon de présenter les choses, face à une Europe quelque peu perturbée. Aux Etats-Unis, confie-t-il cette semaine à Business Week, "nous sommes en train de tester les limites d'une théorie dont personne ne connaissait le résultat lorsque nous avons commencé : jusqu'où, grâce à la productivité, l'ouverture des marchés, l'avance technologique et une saine politique, peut-on pousser un cycle au-delà de ses limites ?" En cette septième année d'expansion économique, les Américains laissent désormais libre cours à leur euphorie. Si l'hiver 1995-1996 fut celui de l'anxiété et du doute sur ce cycle de croissance trop beau pour durer, 1997 est l'année de l'assurance retrouvée, tant les chiffres, mois après mois, semblent donner raison aux optimistes, pour lesquels il est possible d'échapper au cycle expansion-récession. On aurait mauvaise grâce, en effet, de bouder ceux de mai... Croissance : 4,1 % sur les douze derniers mois. Chômage : 4,8 %. Inflation : 2,8 % (l'indice des prix à la consommation n'a augmenté que de 0,1 % en mai). Et un déficit budgétaire en baisse. Les signes de surchauffe restent négligeables : si la production industrielle continue d'augmenter, l'inflation est toujours bien maîtrisée. Mieux : si longtemps stagnants, les salaires commencent à monter, surtout les plus bas, dont on observe une progression depuis dix-huit mois. Dans de nombreuses régions des Etats-Unis pas seulement dans l'eldorado californien de la haute technologie, où la chasse aux ingénieurs est féroce, mais aussi dans l'ancienne Rust Belt, le Michigan, l'Ohio, le Wisconsin il y a pénurie de main-d'oeuvre. Selon une étude récente de Manpower, 30 % des entreprises américaines prévoient d'embaucher au 3e trimestre et 5 % seulement ont l'intention de "dégraisser". Même le fameux "emballeur de hamburgers", qui symbolise à l'étranger les "petits boulots" mal payés sur lesquels reposerait le plein emploi aux Etats-Unis, peut enfin espérer voir sa situation s'améliorer. Chez Burger King, par exemple, le salaire horaire a augmenté d'un dollar en un an (7,50 dollars), tandis que, parallèlement, l'entreprise parvenait à réduire les prix. C'est là l'autre aspect intéressant de ce cycle de croissance : les employeurs commencent à consentir des hausses de salaires sans pour autant augmenter les prix, tant la concurrence reste vive. Visions d'âge d'or Les Américains aiment s'enthousiasmer. Déjà, certains commentateurs voient dans ces chiffres non pas un retour à l'âge d'or mais l'avènement d'un nouvel âge d'or. "Le voilà, le bon vieux temps !, s'exclame le magazine Fortune, c'est la meilleure économie que nous ayons jamais eue. Mieux que les swinging sixties, mieux que les solides années 50 et mieux que les années 20 rugissantes. C'est maintenant, 1997." Dans sa vision idéaliste de la mondialisation, Wired calcule que deux grandes tendances, "le changement technologique fondamental et une nouvelle éthique d'ouverture, vont transformer le monde en donnant naissance à une civilisation globale, une civilisation des civilisations, qui s'épanouira le siècle prochain". A condition que quelques obstacles ne viennent pas faire échouer ce scénario : si, par exemple, les nouvelles technologies ne tenaient pas leurs promesses économiques, si l'intégration européenne tombait en panne, si un désastre écologique se produisait ou si un retour de bâton "social et culturel" grippait la machine. Pour l'instant, cette menace demeure lointaine aux Etats-Unis. Certes, les riches sont plus riches et la pauvreté reste une réalité pour une partie trop importante de la population. Mais la mise en oeuvre de la réforme de l'aide sociale, par exemple, qui se révélait très douloureuse, bénéficie de l'excellente situation de l'emploi, tandis que la renaissance des centres urbains de grandes villes offre un souffle d'espoir à ceux que l'on voyait condamnés aux ghettos, même si cette perspective reste limitée. Il s'élève quand même quelques voix pour tempérer ces visions d'âge d'or : pour gagner autant que dans les années 50 et 60, les Américains doivent aujourd'hui travailler plus dur, de plus longues heures, au détriment de leur vie de famille. En 1950, 40 % des foyers vivaient de deux revenus; ce pourcentage est aujourd'hui proche de 60 %. "Nous ne sommes pas retournés en arrière, souligne dans le New York Times le Prix Nobel d'économie 1987, Robert Solow, du MIT. Certains indices économiques sont peut-être aussi bons, voire meilleurs que ceux des années d'avant 1973. Mais pas le niveau de bien-être." La stratégie radicale de réduction des effectifs et des coûts des entreprises a eu des effets pervers, notamment sur le moral de la main-d'oeuvre et la qualité des services, qui suscitent aujourd'hui de nouvelles interrogations. Et, surtout, d'autres défis s'annoncent, tout particulièrement ceux du vieillissement de la population, du financement des retraites et de l'assurance-maladie des personnes âgées. Pour les affronter, murmure-t-on, Bill Clinton attendra sans doute d'avoir passé le cap des élections législatives de 1998. SYLVIE KAUFFMANN Le Monde du 21 juin 1997

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