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Article de presse: L'élargissement de l'Union à l'Est

Publié le 22/02/2012

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12-13 décembre1997 - Trois dossiers difficiles liés au processus d'élargissement de l'Union vers l'Europe centrale, avec, à la clé, le risque d'une crise majeure avec la Turquie ; un autre, non moins sensible, concernant le fonctionnement de la zone euro : la tâche ne sera pas facile, vendredi 12 et samedi 13 décembre à Luxembourg, pour les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze. C'est particulièrement vrai pour Jacques Chirac et Lionel Jospin, les propositions présentées par la présidence luxembourgeoise s'écartant le plus souvent des positions défendues par la France. Premier point de friction, le " groupe informel euro " . Les ministres des finances des pays qui appartiendront à la zone euro, ils devraient être onze, veulent pouvoir se concerter en marge du conseil " écofin " , de manière informelle et à l'abri de toute présence extérieure, sur la conduite de leur politique économique. Les quatre pays, les " out " , dont il est acquis qu'ils ne feront pas partie de la première vague de l'Union monétaire, le 1er janvier 1999, à savoir la Grande-Bretagne, le Danemark, la Suède et la Grèce, entendent ne pas être exclus de ce groupe informel, sauf pour les quelques questions touchant très précisément à la gestion de la monnaie unique. Les Britanniques mènent la danse en faisant valoir que les en écarter reviendrait à diviser à nouveau l'Union et récompenserait bien mal l'orientation proeuropéenne du gouvernement travailliste. Les Onze, ainsi d'ailleurs que la Commission, ne sont pas insensibles à ce type d'arguments. Theo Waigel, le ministre allemand des finances, vient de proposer d'inviter les " out " comme observateurs. Tony Blair, le premier ministre britannique, a estimé qu'un tel statut n'était pas suffisant. Les Français semblent embarrassés. Depuis des mois, ils réclament avec insistance ce " groupe euro " , dernière version de leur projet de " gouvernement économique " , dont l'objet serait de créer un contrepoids de nature politique face à la Banque centrale européenne. Au fil des semaines, ils s'aperçoivent peut-être que cette rhétorique n'a plus beaucoup de sens, même si elle alimente le débat politique intérieur. A Luxembourg, le Conseil européen va donner sa bénédiction à une résolution réaffirmant la nécessité d'un renforcement de la coordination des politiques économiques. Usine à gaz C'est exactement ce qu'ils réclamaient à Amsterdam, en juin, et ce qui, au reste, correspond à ce que prévoit le traité de Maastricht. Dans ces conditions, l'intérêt du groupe euro demeure mais il n'est pas considérable. Il est évidemment agaçant que les Britanniques, après avoir " snobé " le projet de monnaie unique pendant dix ans, puissent être immédiatement accueillis dans le club, presque comme membres à part entière et alors qu'ils n'en remplissent pas les conditions ! Mais il est possible que le président de la République et le premier ministre français ne réagissent pas ainsi de façon épidermique et qu'un compromis soit finalement trouvé. La grande affaire de Luxembourg c'est le lancement du processus d'élargissement. A force de vouloir satisfaire tout le monde, pays membres et candidats, la formule soumise par la présidence luxembourgeoise tient de l'usine à gaz. Sauf rebondissement improbable, on relèvera surtout que, conformément à la " différenciation " proposée par la Commission, les négociations débuteront en avril 1998 avec cinq des onze pays candidats, plus Chypre, à savoir la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovénie et l'Estonie. Le reste relève de l'habillage : il s'agit de rassurer les autres candidats (Bulgarie, Roumanie, Slovaquie, Lituanie, Lettonie) et de les inciter à poursuivre leur politique de réformes. Conférence permanente La Commission, suivie par plusieurs Etats membres dont la France, estime que le Conseil européen, en même temps que le coup d'envoi à l'élargissement, devrait arrêter quelques grandes orientations sur le financement de l'Union à partir de l'an 2000, ainsi que sur les réformes à apporter à la politique agricole commune (PAC) et aux politiques en faveur des régions pauvres. Il s'agit de donner des garanties minimales quant à l'avenir de l'Union, d'encadrer un élargissement qui, sans cela, s'apparente à une dangereuse fuite en avant. Les Allemands et les Néerlandais, qui veulent l'élargissement sans plus tarder, refusent, et, à lire la lettre envoyée par Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois, à ses collègues, les chances de les faire changer d'avis semblent faibles. Les Français vont se battre pour que les " conclusions " du Conseil ne soient pas muettes sur le sujet. Une entreprise d'autant plus hasardeuse que les Espagnols, bien qu'opposés aux thèse allemandes et néerlandaises, se lancent dans une étonnante surenchère et jugent insuffisantes les garanties en faveur desquelles plaident la France, la Belgique, l'Italie, le Danemark, l'Irlande, la Finlande... Pour accompagner les négociations d'adhésion, la France a proposé de réunir une conférence permanente qui rassemblerait les Quinze, les Onze et la Turquie. L'ensemble des candidats, sans négocier, pourraient délibérer de problèmes d'intérêt commun. Bien que l'Allemagne ne s'y soit ralliée qu'en traînant les pieds, le projet reste sur la table. Les Turcs y seraient donc invités. L'Union leur propose de renforcer l'Union douanière (en vigueur depuis 1996) et de débloquer l'aide financière, mais leur demande en contrepartie de faire des efforts en matière de droits de l'homme, d'accepter que le litige qui les oppose à la Grèce, à propos d'îlots dans la mer Egée, soit soumis à la Cour européenne de La Haye et de faciliter une solution à Chypre. A ce stade, les Grecs refusent de souscrire au marché ainsi proposé. PHILIPPE LEMAITRE Le Monde du 13 décembre 1997

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