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Article de presse: Les limites de SALT 2

Publié le 22/02/2012

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15-18 juin 1979 - Comme toutes les manifestations auréolées d'une certaine solennité, les sommets laissent facilement une image trompeuse. Le symbole de celui de Vienne restera sans doute la photographie du président américain serrant dans ses bras son " nouvel ami " soviétique à l'issue de la signature de l'accord SALT 2. Ce cliché risque de donner une bien fausse idée de ce qui s'est déroulé pendant ces trois jours. Si un sentiment était absent de la partie d'échecs dont la capitale autrichienne a été le théâtre, c'est bien l'amitié. Jamais le courant n'est vraiment passé entre le baptiste rayonnant de certitudes et le marxiste-léniniste sur le déclin. L'un était là pour tenter de convaincre, pour provoquer le miracle: l'autre était venu par réalisme et par sens du devoir. Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, qu'il n'y ait eu ni conversion ni miracle. Peut-être est-ce mieux ainsi. Le bilan, en tout cas, est succinct; il se résume à la signature, après environ sept années de discussions, du second accord sur la limitation des armes stratégiques. Le traité ne réduit pas la course aux armements, il se contente d'en freiner la progression. Sans doute faut-il un début à tout et le désarmement est-il une entreprise singulièrement complexe. Leonid Brejnev et Jimmy Carter et leurs porte-parole l'ont répété à satiété. Il n'empêche que l'hiatus existant entre la conclusion de SALT 2 et le constat dressé par les délégations américaine et soviétique de divergences fondamentales sur pratiquement toutes les crises régionales du globe a de quoi surprendre. Ce sont pourtant ces crises qui rendent si dangereux les formidables arsenaux nucléaires des Super-Grands, dans la mesure où elles risquent toujours de dégénérer en affrontements plus vastes. De ce point de vue, le sommet de Vienne n'est guère encourageant. Tout au plus peut-on dire que dirigeants américains et soviétiques se connaissent mieux, ce qui devrait faciliter l'élimination de malentendus. L'ambiguïté du bilan est encore accentuée par la situation incertaine dans laquelle se trouvaient ses protagonistes: en dépit de tout le courage dont il a fait preuve, Leonid Brejnev est très évidemment un homme malade, et on ne peut pas ne pas penser à sa relève à Moscou, avec toutes les incertitudes qu'implique une succession dans un pays qui n'a toujours pas maîtrisé le processus de transmission du pouvoir. Quand à Jimmy Carter, s'il paraît indubitablement en bonne santé, son avenir politique est assez sombre. Installé depuis plus de deux ans à la Maison Blanche, il n'a su s'imposer ni à son pays ni même à son parti, et il ne cesse de déconcerter les alliés des Etats-Unis par ses hésitations et ses volte-face. On en est conscient à Moscou. Il reste encore au président américain, pour renforcer sa crédibilité, à faire accepter par le Sénat le traité qu'il vient de signer. La tâche est d'envergure quand la majorité des Américains refusent au fond d'eux-mêmes l'idée d'une parité militaire entre leur pays et l'Union soviétique. L'URSS, en s'engouffrant dans tous les vides qui se créent dans le monde, ne facilite pas ce processus. C'est seulement si cette épreuve est franchie avec succès que Washington et Moscou se lanceront officiellement dans de nouvelles négociations sur la limitation des armements. BULLETIN DE L'ETRANGER Le Monde du 20 juin 1979

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