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Article de presse: Les Occidentaux veulent contraindre Slobodan Milosevic à négocier au Kosovo

Publié le 17/01/2022

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9 mars 1998 - Le président yougoslave Slobodan Milosevic a beau répéter qu'il s'oppose à toute "ingérence" extérieure dans le conflit du Kosovo, la province du sud de la Serbie peuplée en majorité d'Albanais, l'internationalisation de la crise est aujourd'hui patente. Seule la Russie s'est élevée contre toute intervention étrangère dans la crise. Les autres pays du Groupe de contact (Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Italie), qui devaient se réunir lundi 9 mars à Londres, avaient après la violente répression des forces de l'ordre serbe qui a fait au moins cinquante morts multiplié les mises en garde à l'adresse de Belgrade. Ces mises en garde étant restées sans effet, ils étudient aujourd'hui d'éventuelles sanctions à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro). "Le président Milosevic doit savoir que nous n'acceptons pas [sa version selon laquelle] il s'agit purement d'une affaire intérieure", a ainsi estimé le secrétaire au Foreign Office, Robin Cook, en précisant que "les préoccupations de la communauté internationale sur les droits de l'homme et la sécurité régionale ne peuvent être aussi facilement repoussées". Il a affirmé que "la répression doit cesser" au Kosovo et a promis "une action déterminée" du Groupe de contact. La secrétaire d'Etat américaine, Madeleine Albright, est allée plus loin encore en estimant que Belgrade "doit payer le prix de son action au Kosovo". Elle a souligné, après une entrevue, dimanche avec son homologue français, Hubert Védrine, qu'il fallait "agir avec célérité et sévérité". Paris est particulièrement inquiet des "conséquences graves [de cette situation] sur les voisins albanais et macédoniens" a affirmé Anne Gazeau-Secret, porte-parole du Quai d'Orsay, en soulignant la nécessité d'adresser "un avertissement clair" à Slobodan Milosevic. Imposer le dialogue Jacques Chirac a, de son côté, lancé un appel "à une réaction urgente et déterminée de la communauté internationale", en souhaitant que Serbes et Albanais du Kosovo entament un dialogue pour instaurer un "statut spécial de large autonomie" à cette province. "Nous ne pouvons tolérer un nouveau déchaînement de la haine ethnique sur notre continent. Nous ne pouvons accepter l'engrenage d'une guerre civile qui menacerait, de proche en proche, la stabilité de l'ensemble du Sud-Est de l'Europe", a déclaré le président de la République dans un communiqué. Le ministre allemand des affaires étrangères, Klaus Kinkel, a lui aussi fait preuve de fermeté en menaçant la Yougoslavie d'un retrait de l'aide internationale. M. Kinkel, qui s'était entretenu, dimanche matin à Bonn avec Mme Albright, a souhaité un "règlement pacifique" de la crise et précisé à l'adresse des indépendantistes que l'objectif était un "statut spécial du Kosovo à l'intérieur de la RFY". Le premier ministre d'Albanie, Fatos Nano, a lui appelé la communauté internationale à "obliger" les dirigeants de Belgrade au dialogue pour un règlement pacifique de la crise au Kosovo, dans un article publié, dimanche, par l'hebdomadaire grec To Vima. "L'opinion publique internationale a le devoir de faire pression sur les têtes brûlées de Belgrade et les obliger à choisir la voie du dialogue", affirme M. Nano, qui réclame l'ouverture d'un "dialogue sous égide internationale entre les parties en conflit" du Kosovo. Il impute la crise actuelle et le "grand nombre de victimes", à la "violence d'Etat de Belgrade contre le peuple pacifique albanais". La détermination des dirigeants occidentaux se heurte cependant toujours à une double difficulté : la première tient à l'inflexibilité du président Slobodan Milosevic, depuis longtemps rompu aux manoeuvres dilatoires face aux pressions extérieures. Et cela d'autant plus que, sur la question du Kosovo, l'unanimité des partis politiques serbes n'est battue en brèche, dans l'opposition, que par la seule petite Alliance civique de Vesna Pesic. La deuxième difficulté provient de la quasi absence de moyens de pression efficaces dont peut disposer la communauté internationale. La RFY, est toujours écartée des instances financières internationales, et les quelques assouplissements accordés récemment par Washington concernant des droits d'atterrissage de sa compagnie aérienne JAT aux Etats-Unis ou l'augmentation du nombre de ses diplomates à l'ONU ont déjà été supprimés, jeudi, par le gouvernement américain. Dans ce contexte la réunion du Groupe de contact apparaît d'importance. Car même si le président Slobodan Milosevic annonce très prochainement, comme il est possible, la fin de l'opération de police au Kosovo, la situation de la province serbe à majorité albanaise ne sera pas réglée pour autant. La campagne de répression violente des autorités serbes prouve, s'il en était besoin, que Belgrade n'envisage pas la moindre concession à une population albanaise de plus en plus séduite par le radicalisme. Une situation qui peut conduire à un embrasement de cette région oubliée par les accords de Dayton. DENIS HAUTIN-GUIRAUT, avec AFP et REUTERS Le Monde du 10 mars 1998

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