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Article de presse: Les réfugiés palestiniens

Publié le 22/02/2012

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8 décembre 1949 - On peut poser mille fois la question de savoir pourquoi ces gens ont quitté leurs foyers de Palestine, on obtiendra mille réponses différentes. Certains ne voulaient pas vivre dans un Etat juif; d'autres ont fui la bataille et, une fois celle-ci terminée, n'ont jamais trouvé l'occasion de rentrer chez eux. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui sont partis parce qu'on leur avait dit que c'était pour quelques jours, quelques semaines au plus, et qu'ils reviendraient avec les armées arabes triomphantes pour retrouver plus qu'ils n'avaient jamais possédé. La plupart d'entre eux n'avaient rien à perdre de toute façon; ils travaillaient comme ouvriers agricoles chez des propriétaires arabes, et n'avaient fait qu'obéir, comme toujours, aux ordres de leurs supérieurs. Lorsque le flot de réfugiés eut franchi la ligne qui devait devenir la frontière israélienne, les Etats arabes se trouvèrent débordés, et, avec la coopération d'organisations bénévoles, les Nations unies durent se mettre de la partie. En 1950, l'Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) prit l'affaire en main. La succession était lourde. La Jordanie à elle seule avait plus de 450 000 réfugiés, le Liban 120 000 et la Syrie 80 000. Dans le " couloir de Gaza " -bande de terre stérile de 40 kilomètres de long sur 6 kilomètres de large, attenante à l'Egypte,-250 000 personnes sont entassées. Mais les secours matériels, lorsqu'ils viennent seuls, ne font que démoraliser, et d'autres décisions s'imposaient. L'UNRWA fut autorisé à organiser en même temps que les secours des travaux destinés à procurer une occupation utile aux malheureux habitants des camps. La construction des routes et quelques projets insignifiants mis à part, les " travaux " se heurtèrent à des difficultés. En 1950, 17 % seulement des fonds de l'UNRWA ont été dépensés à créer des occupations utiles pour les réfugiés, contre 70 % consacrés aux rations; et cependant les pays où vivent ces réfugiés ont un besoin criant de bonnes routes et de travaux publics de toutes sortes. En novembre 1950, l'ONU donnait son approbation à un projet d'installation définitive des réfugiés dans les pays arabes et en Israël, sans préjudice de leur droit de retourner chez eux ou de recevoir une compensation pour la perte de leurs biens. Encore une fois, des forces apparemment plus puissantes que l'UNRWA s'opposèrent à ce projet. Pour 1950-1951, l'UNRWA avait demandé 54 millions de dollars, mais 43 millions seulement ont été souscrits, principalement par les USA, la Grande-Bretagne et la France. Les pays du Moyen-Orient ont promis moins de 2 millions. Menacé chaque jour par la presse arabe d'un " second round " de la guerre, Israël ne tient pas, cela se comprend, à laisser rentrer un grand nombre d'Arabes qui pourraient former une cinquième colonne en puissance dans un Etat dont les Arabes se refusent à reconnaître les frontières. En second lieu, malgré leurs déclarations charitables, les Etats arabes n'ont pas bougé le petit doigt pour permettre aux réfugiés de s'établir chez eux. Troisièmement, l'UNRWA s'est montré incapable de faire quoi que ce soit d'effectif pour l'intégration de ces malheureux dans un système nouveau et définitif. Cependant la question des 850 000 réfugiés prend les proportions d'un grave problème international. (Il faut noter toutefois qu'en face des chiffres cités à la Chambre des Communes le dernier rapport des Nations unies sur le Moyen-Orient ne mentionne que 726 000 réfugiés arabes.) C'est un brandon qu'il est dangereux de laisser traîner dans une région déjà explosive d'un monde livré à la guerre froide, et qui menace la stabilité de toute la Méditerranée orientale. A l'heure actuelle tout le monde est d'accord pour reconnaître que l'établissement des réfugiés est la seule solution. Le roi Abdullah a proclamé que la Jordanie était prête à accueillir les réfugiés comme citoyens permanents. L'ouest du royaume comporte quantité de terres cultivables qui demandent des bras, et tous les pays arabes ont une population nettement insuffisante. Et pourtant, s'il est un mot qu'on ne prononce actuellement en Moyen-Orient qu'à voix basse et avec terreur, c'est bien celui d' " intégration ". Aucun officiel n'ose s'en faire le champion; nul politicien ne la soutiendrait. L'un des jeunes bureaucrates grassement payés que l'UNRWA entretient à Beyrouth me racontait qu'il y a quelques mois il avait organisé dans un des camps de réfugiés la culture des légumes autour des tentes. Occuper ces gens tout en ajoutant à leurs maigres rations quelques légumes frais lui avait semblé une excellente idée. Quelques semaines plus tard arrivait du quartier général une sévère réprimande: " Arrêtez immédiatement opération carré légumes... " " La raison ? ", demandai-je, désireux d'obtenir quelques éclaircissements. " Cela sentait l'intégration... " Il haussa les épaules. Ce tout petit exemple, qui n'a rien d'exceptionnel, vient à l'appui de la thèse largement répandue selon laquelle les Nations unies dépenseraient de grosses sommes d'argent pour créer un problème des réfugiés plutôt que pour le résoudre. Ville après ville, camp après camp, j'ai demandé aux chefs de district et aux responsables des camps à combien de réfugiés ils avaient permis de s'établir au cours de l'année écoulée; partout, sans exception, la réponse a été " aucun ". Où est l'explication ? Qui est responsable de cette curieuse impasse? Richard Crossman, député travailliste, qui se trouvait ici il y a quelques jours, a essayé de donner une réponse à ces questions au cours du débat du 15 mars à la Chambre des communes. " ...Tant que nous compterons sur l'ONU pour faire quelque chose de sérieux pour l'établissement des réfugiés, nous ne ferons que nous leurrer, car l'ONU est une organisation politique ", a-t-il déclaré. Il y a la Ligue arabe et toute la politique de la Ligue arabe... La Ligue arabe a besoin du problème des réfugiés pour maintenir la cohésion contre Israël... L'établissement des réfugiés la priverait de son sujet de plainte le plus important. Loin de Westminster, à quelques kilomètres d'ici, un Arabe, personnage officiel de l'un des camps, me disait la même chose en d'autres termes: " Si j'avais eu les millions que l'ONU distribue ici, il y a longtemps que le problème serait résolu. Ce pays est immense, il ne manque pas de terre... si seulement les pachas voulaient permettre aux réfugiés de s'y installer... ", et il fit un geste large de ses deux bras. " Regarde ce qu'ils font de l'autre côté... Le problème qui se pose à eux est encore plus vaste, et ils arrivent à le résoudre... " -et il désignait du doigt, par-delà les collines, la frontière israélienne. Il nous fallut en rester là, car des camions bringuebalaient sur la route, chargés de caisses portant l'inscription ONU, et les enfants s'alignaient pour la distribution quotidienne de lait. La psalmodie du Coran se tut brusquement : c'était l'heure du repas... TIBOR MENDE Le Monde du 21 avril 1951

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