Devoir de Philosophie

Article de presse: Les trois gestes du chancelier Brandt

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

19 mars 1970 - Le passage de Willy Brandt a la Chancellerie aura été marqué par trois gestes particulièrement importants, tous accomplis pour la première fois par un chef de gouvernement de Bonn et lourds de réminiscences historiques. La poignée de main d'Erfurt Il est un peu plus de 9 h 30, le jeudi 19 mars 1970, lorsque le train spécial qui transporte le chancelier Willy Brandt arrive en gare d'Erfurt, une centaine de kilomètres à l'intérieur du territoire de la RDA. Le premier ministre est-allemand, Willi Stoph, est sur le quai, long et sec, un peu raide, pour accueillir son hôte. Les deux hommes se serrent la main, échangent quelques paroles, formulent des souhaits pour la réussite de leur entrevue. Rien, dans cet échange, de particulièrement chaleureux. Mais le caractère historique de la " poignée de main d'Erfurt " est clair pour chacun, à la fois parce que, avec ce geste, s'ouvre enfin le dialogue entre les deux Etats allemands et parce que la population de la RDA, depuis que le train du chancelier a passé la frontière à Gerstungen, a multiplié les marques de sympathie à l'adresse du chef du gouvernement ouest-allemand. Les manifestations spontanées d'Erfurt ne vont pas sans provoquer quelque inquiétude en RDA, et les manifestations de sympathie dont Willy Brandt est l'objet ne facilitent pas nécessairement ses négociations avec les dirigeants est-allemands. Mais le geste accompli sur le quai de la gare a rompu la glace et marqué l'abandon des fictions qui, à Bonn, interdisaient le dialogue avec l' " autre Allemagne ". 8 mai 1974. A genoux au ghetto de Varsovie 7 DECEMBRE 1970 Le 7 décembre 1970, Willy Brandt est à Varsovie pour la signature du traité germano-polonais. Il se rend d'abord au monument du soldat inconnu, où près de deux mille Polonais sont rassemblés et écoutent en silence le Deutschland über alles. Quelques instants plus tard, le programme de la visite officielle le conduit au monument élevé à la mémoire des victimes du ghetto de Varsovie. A pas lents, très droit, le chancelier allemand s'approche, dépose une gerbe de fleurs, se recule pour se recueillir quelques instants et soudain s'agenouille sur les marches, dans un geste d'humilité qui surprend toute l'assistance. Rien ne trouble le silence lorsque Willy Brandt, les yeux pleins de larmes, se relève et se dirige vers sa voiture. Sans un cri, les Polonais qui sont là saluent son départ à grands coups de chapeau. L'image du chancelier à genoux dans la brume de ce matin de décembre fait le tour du monde. Elle va droit au coeur d'une opinion polonaise qui garde trop bien les souvenirs d'une autre Allemagne. Elle coupe le souffle de nombreux téléspectateurs allemands, étonnés de ce geste si étranger au protocole, purement humain, et qui donne toute sa dimension à la réconciliation germano-polonaise. Tous ne l'approuvent pas, et il ne contribue pas à désarmer les adversaires du traité de Varsovie, par lequel l'Allemagne renonce à un quart de ce qu'avait été le vieux Reich. 8 mai 1974. Un psaume de David a Jérusalem 7 JUIN 1973 Un seul drapeau allemand, parmi les drapeaux israéliens, a été hissé à l'aéroport de Lod, lorsque l'avion portant les croix de la Luftwaffe y dépose le chancelier Brandt, le 7 juin 1973. La radio et la télévision israéliennes omettent, dans leurs reportages, de retransmettre les hymnes nationaux, exécutés quelques minutes plus tard, afin que le Deutschland über alles ne résonne pas dans les foyers d'Israël. Mais tous entendront la voix du chef de l'Allemagne fédérale, étranglée d'émotion, dire que " ce qui a été fait ne peut être défait ". A Jérusalem, devant la dalle du Yad Vachem, sous laquelle sont réunies des cendres recueillies dans les camps de la mort, Willy Brandt, quelques instants plus tard, lit un psaume de David implorant le pardon divin. Plus encore, peut-être, qu'à Varsovie, le geste du chancelier ouest-allemand est lourd de symboles. Par sa pureté à l'égard du nazisme, il est mieux placé que personne pour faire naître chez les Israéliens une autre image de l'Allemagne que celle entretenue par les souvenirs de " nuit et brouillard ". Tous ne sont pas prêts au pardon, et des pancartes se dressent sur son passage, à Jérusalem, proclamant : " Nous n'oublierons jamais. Honte ! Plus jamais ! " Mais Willy Brandt a pris le risque du souvenir, pour tenter de situer les relations entre son pays et l'Etat juif " au-delà de l'émotionnel ". Le Monde du 8 mai 1974

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles