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Article de presse: L'Orchestre rouge

Publié le 17/01/2022

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24 novembre 1942 - Militant sioniste dans sa jeunesse, ce juif polonais part pour la Palestine en 1920, mais , à peine arrivé, Leopold Trepper se convertit au communisme, fasciné, comme des millions d'autres, par la révolution d'Octobre. Expulsé par les autorités anglaises en 1929, il arrive en France, où il dirige bientôt la section juive de la MOI ( Main-d'oeuvre immigrée). Une première affaire d'espionnage, l' " affaire Fantômas ", où est impliqué Jacques Duclos, l'oblige à partir précipitamment pour Moscou. Apprécié par le général Berzine, chef du service de renseignements militaires de l'armée rouge, il est chargé de créer un réseau de renseignements d'un type nouveau. Trepper choisit Bruxelles pour plaque tournante de son organisation. Il crée des sociétés commerciales qui sont très vite prospères, s'intègre à la haute société belge. Parallèlement, il réunit autour de lui des militants professionnels. Moscou lui envoie des renforts. En 1939, quand la guerre éclate. Trepper est prêt. Il envoie à Moscou un flot d'informations militaires, économiques et politiques. En juin 1941, il est de ceux qui préviennent l'URSS de l'imminence de l'attaque allemande. Pas plus que Richard Sorge, le célèbre espion allemand en poste à Tokyo, il ne sera cru. A partir de là, tout change. Des résistants belges, hollandais, français, non communistes, rejoignent l'Orchestre rouge en lui donnant une efficacité incomparable. C'est grâce à lui que Moscou saura, dès le mois de décembre 1941, que l'offensive allemande du printemps 1942 sera axée sur le Caucase et sur Stalingrad. Pendant deux ans, l'Orchestre rouge a été en mesure de tenir à jour l'ordre de bataille de l'armée allemande. Ses messages, interceptés parfois et décryptés par les services nazis, représentaient pour ceux-ci un danger si mortel que Himmler en vint à donner à ses meilleurs limiers cet ordre définitif : " Nettoyez-moi cette pourriture juive à l'Ouest. " C'est alors que s'engage à travers toute l'Europe une gigantesque traque. Un commando d'élite ne devant de comptes qu'à Himmler lui-même est formé. Longtemps, Trepper lui échappe et continue son travail. L'espion a ses agents partout : à l'état-major, chez Sauckel, chargé du service du travail obligatoire, chez Abetz, ambassadeur d'Allemagne . Riche, influent, cet homme traqué fréquente les meilleurs restaurants et trinque volontiers avec les généraux allemands dans les boîtes de nuit à la mode. Le 24 novembre 1942, Trepper, par malchance, est arrêté chez son dentiste. Les Allemands entendent utiliser cette prise exceptionnelle à des fins d'intoxication. Trepper, dont l'arrestation sera tenue secrète, enverra à Moscou, des messages avertissant ses chefs que les Anglo-Saxons sont en train de négocier une paix séparée avec le Reich. Trepper joue le jeu, mais bernant la Gestapo, réussit à prévenir ses chefs de la vaste manoeuvre dont il est l'instrument. Elle échoue donc, et le chef de l'Orchestre rouge parviendra à s'évader en octobre 1943. Jusqu'à la fin de la guerre, il se terre. En janvier 1945, il regagne l'Union soviétique. A la descente d'avion, il est arrêté et jeté dans une cellule de la Loubianka. Il y restera dix ans, comme tous les chefs de réseaux soviétiques ayant travaillé à l'étranger. Libéré en 1955, il regagne bientôt son pays natal, la Pologne; Il lui restera à subir l'épreuve la plus tragique : voir renaître l'antisémitisme sur les cendres d'Auschwitz. Au terme d'un combat de deux ans, il obtient son visa de sortie, en 1973, et va s'installer en Israël. C'est là qu'il finit ses jours en 1982, âgé de soixante-dix-sept ans. PATRICK ROTMAN Le Monde du 21 janvier 1982

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