Devoir de Philosophie

Article de presse: Mario Soares : un lutteur déterminé

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

23 juillet 1976 - La silhouette massive, les mouvements très lents, les traits du visage un peu mous, peuvent créer l'impression d'une certaine lourdeur. En réalité, Mario Soares, le secrétaire général du PS, est un redoutable " battant ", un lutteur déterminé. Il l'a prouvé en plusieurs circonstances-tant avant le 25 avril 1974, où son opposition au régime de Salazar, puis de Marcelo Caetano, a été inlassable, qu'après la " révolution des oeillets ", lorsqu'il a fallu s'opposer à l'avancée du Parti communiste et de l'extrême gauche sous l'égide des militaires radicalisés. Mario Soares-qui a absolument confiance en ses moyens-a une réputation d'autoritarisme. Ses intimes le disent affable et plein d'humour. Ceux qui n'ont approché que l'homme public l'ont souvent trouvé cassant : peut-être est-ce ce trait de caractère qui lui a valu la " mauvaise presse " qu'il a souvent eue en 1975. Elevé dans une famille républicaine et libérale-son père avait été ministre de la 1re République après 1910,-il a commencé à militer contre le fascisme dès son entrée à l'université de Lisbonne, en 1942. Arrêté plusieurs fois et déporté par Salazar, puis par Marcelo Caetano, M. Soares a conquis la notoriété internationale en devenant l'avocat de la famille du général Delgado, ancien candidat à la présidence de la République, assassiné en 1965 par la police politique du régime (PIDE). Exilé en France à partir de 1970, il a enseigné à l'université de Paris puis de Rennes. C'est en 1973, cependant qu'il franchit le pas décisif : la fondation, avec quelques dizaines d'amis, en Allemagne, du Parti socialiste portugais. La suite est bien connue : retour triomphal à Lisbonne au lendemain du 25 avril 1974; nomination au ministère des affaires étrangères des premiers gouvernements provisoires et action déterminée en faveur de la décolonisation, fêlure qui devient rapidement gouffre, entre le PS et le Parti communiste, combat de l' " été chaud " de 1975, lutte pour faire du PS le premier parti portugais, enfin l'investiture, le 23 juillet 1976, du premier gouvernement constitutionnel, que le président Eanes l'avait chargé de former. Mario Soares avait été fouetté, à l'automne de 1974, par une phrase de M. Henry Kissinger, l'ancien secrétaire d'Etat, prédisant qu'il serait le " Kerensky " du Portugal. Depuis le " contrecoup " du 25 novembre 1975, sa hantise était plutôt d'être le Salvador Allende de son pays : un leader socialiste renversé brutalement par la droite. Cette crainte demeure, par-delà sa chute, intervenue dans la plus complète régularité démocratique : ce n'est peut-être pas par simple souci tactique qu'il a évoqué à la tribune, dans la nuit de mercredi à jeudi, le spectre d'un " Pinochet " qui pourrait s'installer sur les rives du Tage. JEAN-PIERRE CLERC Le Monde du 9 décembre 1977

Liens utiles