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Article de presse: Nétanyahou en faveur du processus de paix

Publié le 22/02/2012

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29 mai 1996 - La commission centrale des élections a annoncé, vendredi 31 mai, les résultats définitifs mais non encore officiels, sous réserve d'ultimes vérifications des élections générales de mercredi, en indiquant que Benyamin Nétanyahou, président du Likoud, qui briguait le poste de premier ministre, l'avait emporté sur Shimon Pérès, son adversaire travailliste, et chef du gouvernement sortant, par 1 501 023 voix (50,4 %) contre 1 471 566 (49,5 %). M. Nétanyahou a quarante-cinq jours devant lui, à partir de la publication des résultats au Journal officiel, pour former son gouvernement. Les tractations vont néanmoins bon train entre les différents alliés du Likoud, notamment les partis religieux et la formation " russe " de Nathan Sharansky, qui l'aideront à composer sans difficultés la nouvelle majorité. Les réactions des pays étrangers, notamment américaines, françaises et européennes, sont placées sous le signe de la prudence. A Paris, comme à Washington et à Londres, on ressort la bonne vieille méthode Coué. " Mais si, le processus de paix israélo-arabe va continuer. Il y aura peut-être un petit ralentissement au début, c'est normal. Mais le nouveau gouvernement n'a pas le choix, il reprendra le dialogue, vous verrez. " N'est-ce pas ce que promet " Bibi " Nétanyahou, le nouvel élu ? " Bibi " l'a dit. Pendant la campagne électorale un peu, et depuis sa victoire, deux fois déjà. " Je suis pour la continuation du processus de paix avec la sécurité. Je ne reviendrai pas sur les faits accomplis par les accords d'Oslo. " Les Américains veulent y croire. James Baker, l'ancien secrétaire d'Etat de George Bush, a certes considéré, vendredi 31 mai, que " les résultats des élections constituent un sérieux revers pour le processus de paix ", mais lui, qui avait en son temps interdit l'accès du département d'Etat à M. Nétanyahou, parce que celui-ci avait tenu des propos jugés insultants pour l'administration Bush, est un républicain. Bill Clinton, le démocrate, l'ami fidèle d'Israël, a beaucoup trop investi de sa crédibilité internationale dans ce fameux processus pour ne pas se battre, au moins un peu en coulisses, afin de le maintenir en vie. Mais, contrairement aux espoirs palestiniens énoncés par Hanane Achraoui, ancienne porte-parole de l'OLP aux négociations de paix, il ne faut probablement pas trop compter sur la pression américaine pour faire plier " Bibi ". Le nouveau premier ministre n'est pas l'opportuniste sans idéologie, ni colonne vertébrale que ses alliés ont habilement tenté de présenter pour rassurer l'électorat, et que les travaillistes ont commis l'insondable bévue de sous-estimer. " Bibi " sait bien que, quoi qu'il en dise, le processus d'Oslo a apporté d'extraordinaires avantages à l'Etat juif. Il sait qu'un bon tiers des 20 % de croissance engrangés par Israël, ces trois dernières années, furent la conséquence directe de l'ouverture politique engagée par Itzhak Rabin et Shimon Pérès à l'endroit des Arabes. " Bibi " sait que les grands marchés d'Asie ne se seraient jamais ouverts aux produits made in Israël sans l'accord d'Oslo. M. Nétanyahou sait que, jamais, dans sa brève histoire, Israël n'a reçu autant d'investissements étrangers que depuis la poignée de main Rabin-Arafat du 13 septembre 1993. Il a sans doute vu qu'en dépit de son programme économique ultralibéral, sa victoire a provoqué une baisse immédiate de quatre points à la Bourse de Tel Aviv. Il a lu les commentaires des milieux économiques, alarmés par la perspective d'un repli politique sous sa conduite. Israël n'avait qu'une quarantaine de représentations à l'étranger en 1991, il en a aujourd'hui plus de 140. Et nul doute qu'il tiendra à les conserver. La formule de Madrid M. Nétanyahou est un faucon intelligent et patriote. Il annoncera la continuation du processus de paix autant de fois que nécessaire à l'intérêt bien compris de son pays, et il le fera de manière convaincante car c'est un excellent professionnel de la communication. Pour la substance des rencontres à venir, c'est une autre affaire. Il y a deux ans, à l'occasion de son départ en retraite, Itzhak Shamir, le vieux nationaliste battu par Rabin, en juin 1992, a vendu la mèche. Si, sous la ferme pression de M. Baker, il avait accepté, en octobre 1991, à Madrid, le premier face-à-face d'importance avec les voisins arabes d'Israël, il n'entendait pas pour autant aboutir. " L'intention, avoua-t-il, était de faire traîner les négociations plusieurs années, dix s'il le fallait, de manière à nous permettre, pendant ce temps, d'amener des dizaines de milliers de juifs supplémentaires dans les colonies de Gaza et de Judée-Samarie (Cisjordanie occupée), pour rendre la situation sur le terrain irréversible. " Alors vice-ministre des affaires étrangères et porte-parole de M. Shamir, " Bibi ", qui était l'un de ses préférés, ne pouvait pas ignorer les vraies intentions du premier ministre. Aujourd'hui, tout en réitérant sa " volonté de paix ", M. Nétanyahou veut en revenir au cadre défini à Madrid. Pour négocier quoi et avec quels partenaires ? Mystère. La Syrie a déjà refusé et, selon le numéro trois de l'OLP, Ahmed Koreï, alias Abou Alaa, les Palestiniens non seulement " n'accepteront aucune rétractation des accords conclus ", mais trouvent " idiot de la part du Likoud de vouloir revoir les engagements d'Oslo ". Le processus d'Oslo a déjà du plomb dans l'aile. En violation des accords signés, il n'y aura " aucune discussion, ni négociation " avec l'OLP sur le statut définitif de Jérusalem, dont la partie orientale arabe a été conquise par les armes par Israël en 1967. Il n'y aura pas non plus, en dépit des engagements solennels, de redéploiement significatif de Tsahal hors de la ville arabe de Hébron. Ancien et futur ministre, l'ex-général de mauvaise réputation, Rafaël Eytan, a affirmé, jeudi : " Tous les paragraphes et engagements contenus dans les accords d'Oslo et contraires à ce que nous jugeons être l'intérêt national d'Israël, seront revus et corrigés. " PATRICE CLAUDE Le Monde du 3 juin 1996

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