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Article de presse: Norodom Sihanouk : un chef d'Etat activiste

Publié le 17/01/2022

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2 mars 1955 - Norodom Sihanouk est né le 31 octobre 1922. Après ses études primaires, il part en pension à Saigon au lycée Chasseloup-Laubat. Son père, écrira-t-il, à voulu l'habituer à " une vie modeste " en lui donnant comme correspondant un fonctionnaire des douanes et régies d'Indochine et non un " de ses riches amis ". Il prépare le baccalauréat lorsque le choix se fait sur sa personne. Le 8 octobre 1941, il est couronné. 1941, le Blitzkrieg japonais submerge l'Asie du Sud-Est, abat les puissances coloniales et donne leur chance-sous tutelle nippone-aux nationalismes. Mais le nationalisme cambodgien est encore dans les limbes. Deux hommes, dont Sihanouk ne veut pas reconnaître le rôle, ont pourtant déjà vivement attaqué la colonisation et réclamé l'indépendance: Son Ngoc Thanh et Pach Chhoeun. Ils trouvent rapidement un soutien chez les Japonais. Sihanouk ne s'insurge pas contre la présence du nouvel impérialisme : lorsque ce dernier brise l'administration française indochinoise, le prince proclame l'indépendance de son pays en mars 1945. Peu de temps après, Son Ngoc Thanh revient du Japon, s'empare du gouvernement avant d'être arrêté par Leclerc. Il faudra attendre 1953 pour que le Cambodge devienne véritablement indépendant. Ses relations sont d'ailleurs assez bonnes avec les Français. Le prince Monireth, l'oncle de Sihanouk, dirige le gouvernement. Le pays s'éveille à la vie politique, surtout marquée par les activités du Parti démocrate, qui attire les jeunes élites et obtient une majorité écrasante aux élections de 1946. Sihanouk prend goût à la politique. Un régime de type occidental est mis en place, qui sera rapidement en conflit avec le roi, mais dégénérera : était-il vraiment adapté aux conditions de la société khmère ? Les luttes d'influence et de prérogatives sont incessantes, le rôle du roi grandit-il prend même la direction du gouvernement pendant un mois, en mai 1950. C'est aussi l'époque des démêlés avec Son Ngoc Thanh, relâché par les Français à la demande de Sihanouk..., avant de passer à l'opposition et dans la clandestinité. Les élections, les victoires successives du Parti démocrate, ne changeront rien à l'affaire : le système parlementaire fonctionne mal. En ce temps-là, une crise du même genre apparaît dans d'autres pays asiatiques, en Indonésie, en Birmanie. Sihanouk, revenu à la tête du gouvernement en juin 1952, demande alors un blanc-seing populaire : il se donne trois ans pour obtenir une indépendance totale et procéder à des réformes politiques. Il va lancer sa " campagne royale pour l'indépendance ". En 1953, il vient en France, puis se rend au Canada et aux Etats-Unis, s'exile en Thaïlande pour faire pression sur Paris avant de rentrer triomphalement chez lui en novembre. Depuis le 17 octobre, le Cambodge est pleinement souverain. Dès lors, le pouvoir appartient à Sihanouk. Il lance un mouvement-il insiste pour qu'on ne l'appelle pas " parti ",-le Sangkum Reastr Niyum, la communauté socialiste populaire, qui a pour mission de restaurer dans sa gloire passée " la trinité : nation, religion, roi ". En mars 1955, Sihanouk accomplit un geste peu banal : il abandonne sa couronne : " Si je persistais à rester sur le trône, confiné dans mon palais, je ne pourrais me rendre compte ni de la situation du peuple ni des abus dont il est victime. " Sihanouk ne laisse pas le trône vacant : il se fait remplacer par son père, Norodom Suramarit. Et il se lance dans le combat, mène le Sangkum à la victoire électorale (le mouvement est quand même un parti...) en septembre 1955 : les campagnes conservatrices ont suivi. Le système politique est réformé : l'Assemblée nationale et le Conseil du royaume forment toujours le Parlement, mais des assemblées populaires seront réunies pour établir un lien direct entre le peuple et le prince. En 1955, Sihanouk fait ratifier sur la place publique sa politique étrangère, qui sera neutre et non neutraliste. Le modèle est suédois, non indonésien; suisse, non birman. Sihanouk se veut indépendant. Le rôle de Sihanouk ne cesse de grandir au milieu des crises intérieures : en 1958, il déjoue le complot de droite de Sam Sary, proche du dictateur laotien Phoumi et lié aux Américains. Lorsque, en 1960, le roi meurt, son fils ne remonte pas sur le trône il devient chef de l'Etat, l'institution monarchique étant incarnée dans la personne de la reine-mère Kossamak. Les gouvernements changent, les coups de barre à gauche succèdent aux coups de barre à droite. Sihanouk ne contrôle d'ailleurs pas toutes ces variations de la température politique à Phnom-Penh, mais il sait user de son autorité et de son charisme pour se faire applaudir et souvent aduler. Il demeure maître de la politique étrangère, lie de bonnes relations avec les pays communistes, qu'il ne ménage pourtant pas dans ses discours, se fâche aussi avec les Thaïlandais, les Sud-Vietnamiens de Saigon, et les Américains. En descendant du trône, il déclarait qu'il voulait vivre parmi son peuple pour mieux connaître ses besoins. De fait, il voyage beaucoup dans le pays, s'intéresse à tout, décide de tout, inaugure tout, jusqu'aux petites infirmeries, couvre le pays d'écoles, fait rire ou s'indigner les foules avant de les lasser par d'incessants discours, en province ou à la radio. Il ne se coupe pas pour autant de son palais, quoi qu'il ait dit : prince, entouré de princes et de princesses, de clans opposés, il vit en prince, fort largement. Au nom de la bonne renommée du royaume, il reçoit avec un faste très coûteux les chefs d'Etat. Il répond à toute critique publiée jusque dans d'obscures gazettes au sujet de son pays : il admet de moins en moins les remarques, même anodines. JACQUES DECORNOY Le Monde du 20 mars 1970

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