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Article de presse: Participation, le mot-miracle

Publié le 17/01/2022

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22 mai 1968 - Ni le gouvernement ni l'Assemblée nationale n'ont de prise sur les événements. L'un et l'autre les subissent, les endossent avec plus ou moins de courage et les commentent avec plus ou moins de lucidité. Mais ce n'est ni dans les palais ministériels ni au Palais-Bourbon que se joue la partie. " Je ne crains aucune censure de la part du président de la République ", a dit Georges Pompidou. Il fallait entendre : le chef du gouvernement reste à sa place, conserve la confiance et demeure dauphin du règne. Le premier ministre ne redoutait pas davantage la censure des députés : il considérait, même après le geste spectaculaire d'Edgard Pisani (1), que la motion ne serait pas votée et qu'il s'agissait presque d'une formalité. Alors pourquoi l'Assemblée accepte-t-elle d'être consultée alors qu'elle n'a rien à dire ? Pourquoi le gouvernement feint-il de donner du prix à un aval parlementaire qui n'a qu'un caractère formel, voire illusoire, sinon pour repasser précipitamment à la représentation nationale l'ardoise de ses erreurs ? La réponse paraît tenir dans les quatre mots prononcés partout depuis deux jours : référendum sur la participation. C'est, pour l'instant, la panacée. Le terme de participation revêt, pour tous, un caractère presque magique. On le retrouve dans tous les propos et déclarations de tous les orateurs du Palais-Bourbon, on le prononce avec emphase et aussi avec soulagement dans tous les entretiens politiques. Les étudiants ont assassiné l' " Université de papa " : participation ! Les travailleurs occupent les usines : participation ! Les Français se soulèvent à tous les échelons contre les contraintes, les bureaucraties, les scléroses : participation ! Il va de soi que le contenu que chacun donne à ce mot-miracle varie singulièrement non seulement selon l'attitude politique qui est la sienne, mais aussi selon sa vision du monde, du pays, de son entreprise ou de sa région, des autres et de lui-même, selon son âge aussi. Mais est-on encore à l'heure des mots-miracles recouvrant une notion aussi vaste et aussi vague ? PIERRE VIANSSON-PONTE Le Monde du 23 mai 1968

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