Devoir de Philosophie

Article de presse: Triomphale et tragique ère Kennedy

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

kennedy
22 novembre 1963 - " Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays ", déclare John Kennedy dans son discours inaugural du 20 janvier 1961. L'heure n'est pas à la facilité. Il veut recréer l'esprit pionnier qui a marqué la période héroïque de la conquête de la frontière. Il convie ses concitoyens à se porter sur de " nouvelles frontières ", plus rudes que celles de l'Ouest, à travers le désert et les Rocheuses. Car si la frontière géographique est bloquée par l'océan, la science appelle à un dépassement qui ouvrira à l'homme les frontières de l'espace. Là comme dans la conquête de la paix, du progrès humain, du développement culturel, de l'incarnation de la justice aux Etats-Unis comme dans les continents affamés, l'esprit d'invention et la générosité permettent de reculer toujours davantage des frontières qui jamais ne seront immuables. Bond en avant Alors, pour combler un missile gap dont on n'est pas sûr qu'il ait jamais existé, mais dont il s'est servi pour accabler le gouvernement républicain, John Kennedy porte le budget à son niveau le plus élevé en temps de paix. Et les Etats-Unis, humiliés par le succès des premiers Spoutniks, font un bond en avant. Les équipes d'intellectuels qui envahissent la Maison Blanche fourmillent d'idées neuves. On accepte la neutralisation du Laos en décidant de faire du Vietnam un barrage à toute nouvelle expansion communiste. Pour l'Amérique latine, on lance avec espoir l'Alliance pour le progrès. Pour l'ensemble du " tiers-monde ", un esprit boy-scout invente le Peace Corps. Pour stimuler l'économie, l'enseignement, la recherche médicale, etc., on élabore des plans audacieux. Pour mettre de l'ordre au Pentagone, où sévit la guerre des trois armes, un homme froid quitte l'industrie automobile et impose sa volonté aux généraux. Mais les difficultés s'amoncellent. Elles proviennent du Congrès, qui boude, tergiverse, se fait économe, rogne sur les dépenses, et n'a pas en novembre voté le budget sur lequel le pays vit pourtant depuis juillet. Elles proviennent aussi d'Amérique latine, où sont déçues les espérances, un peu naïves, mises dans l'Alliance pour le progrès. Les relations avec Paris s'enveniment. La situation s'aggrave au Vietnam, et des journaux américains, emboîtant le pas à Mme Nhu, accusent le président d'avoir sur les mains le sang de Diem. A l'intérieur, l'obstruction parlementaire freine le gouvernement, qui ne parvient pas à faire voter son programme de soins médicaux pour les personnes âgées, ni le plan de subventions fédérales pour un enseignement en crise sérieuse, ni le programme agricole. Cependant sur les deux plans, les froids calculs et les nerfs d'acier du jeune président obtiennent des résultats. Dans son bureau de la Maison Blanche, il garde la même maîtrise que pendant la campagne électorale. Sans émotion il a prévu la crise raciale. Avec son frère Robert il a dressé la liste des points sensibles. Dans les villes les plus explosives il réunit les pièces du dossier qui permettront aux tribunaux de préparer l'intervention directe, énergique, sans bavure, comme à l'université du Mississippi, pour l'admission de James Meredith. Il envoie la troupe, les agents fédéraux, engage des poursuites, presse les tribunaux. Là aussi, seul le Congrès lui résiste, qui n'aime pas être bousculé et qui fait traîner en longueur le vote sur le programme des droits civiques. Mais la crise raciale reste circonscrite dans des limites acceptables. " Le courage dont il faut faire preuve dans la vie est souvent moins spectaculaire que le courage du dernier instant mais il n'en constitue pas moins un magnifique mélange de triomphe et de tragédie ", a écrit John Kennedy. Il envisageait les " sacrifices " auxquels il faut consentir " si l'on suit les impératifs de sa conscience ", et les énumérait ainsi : " Perdre des amis, sa fortune, son bonheur, voire l'estime de ses semblables. " Comment n'avait-il pas songé, en écrivant cette phrase, au sacrifice qui vient de lui être imposé : celui de sa vie ? La crise des missiles La crainte ne l'habitait pas davantage lorsque Washington et le monde entier étaient en fièvre à l'automne 1962. Devant la révélation de la présence de fusées soviétiques à Cuba, il écarte ceux qui préconisent la destruction par bombardement des armes redoutables qui menacent le pays. Mais la riposte n'en est pas moins ferme, et un imposant dispositif militaire vient donner tout son poids à l'ultimatum devant lequel Khrouchtchev va reculer. Il fallait une froideur de marbre pour ne céder ni à la panique ni au geste irraisonné dont les conséquences auraient pu être fatales. CLAUDE JULIEN Le Monde du 24-25 novembre 1963

Liens utiles