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Article de presse: Un calvaire de plus de quatre mois

Publié le 17/01/2022

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22 avril 1997 - La prise d'otages groupés de Lima aura été la plus longue épreuve de ce type depuis les 444 jours de détention infligés aux 52 otages américains de Téhéran entre 1979 et 1980. En Amérique latine, cependant, l'exercice est loin d'être une première. En 1978, déjà, les guérilleros nicaraguayens du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) avaient réussi à arracher leurs camarades à la prison en prenant d'assaut le Palais national de Managua. En novembre 1985, leurs homologues colombiens du M 19 avaient investi le palais de justice de Bogota sans réussir, eux, à éviter l'intervention sanglante de l'armée. Il y avait eu 88 morts. Le drame qui vient de prendre fin à Lima, après 126 jours de détention pour les 72 otages, avait commencé le 17 décembre 1996 lorsqu'un commando du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA), emmené par Nestor Cerpa Cartolini, avait investi la résidence de l'ambassadeur du Japon, à San Isidro, dans le quartier résidentiel de la capitale péruvienne. Ce jour-là, plus de 500 personnalités péruviennes et étrangères, parmi lesquelles la mère, la soeur et le frère du président Alberto Fujimori, assistaient à une réception donnée par le diplomate nippon. En quelques minutes, le commando se rend maître des lieux, puis annonce qu'il ne libérera ses otages qu'en échange de l'élargissement de quelque 440 prisonniers du MRTA détenus dans les prisons péruviennes. En fait, toutes les femmes seront relâchées quelques heures plus tard, suivies, bientôt, de plusieurs dizaines d'otages supplémentaires. Début février 1997, il ne reste aux mains du MRTA que 72 otages, dont 24 citoyens nippons qui servent de boucliers vivants contre un éventuel assaut des forces de l'ordre. Commence alors une longue attente, sous l'oeil des caméras des journalistes accourus par dizaines du monde entier. A l'intérieur de la résidence bouclée par les forces de l'ordre, ce sont pour la plupart de très jeunes terroristes du MRTA, la poitrine ceinte d'un gilet fourré de dynamite, qui veillent sur leurs prisonniers. Le ministre de l'éducation, Domingo Palermo, a été chargé de négocier. Son pouvoir est en réalité très limité, voire inexistant, face à l'intransigeance rapidement affirmée du président péruvien, qui jure publiquement qu'il ne cédera pas. Sa seule concession : un sauf-conduit et le départ vers l'étranger Cuba ou Saint-Domingue des membres du commando s'ils libèrent leurs otages. Pendant des semaines, chacun campera sur ses positions. Un instant tentées par une solution de force, les autorités péruviennes s'engagent, sous la pression insistante de Tokyo, à privilégier une issue pacifique. Un évêque d'Ayacucho, proche du chef de l'Etat péruvien, Mgr Juan Luis Cipriani, vient en renfort pour explorer les voies d'une issue possible; avec Michel Minnig, chef de la délégation locale du Comité international de la Croix-Rouge, Anthony Vincent, ambassadeur du Canada et ex-otage lui-même, et Terusuke Terada, ambassadeur du Japon au Mexique, une commission dite "des garants" est créée, embryon d'organisme négociateur. Intransigeance Le 11 février 1997, le ministre Palermo rencontre l'adjoint de Nestor Cerpa, dans une maison "neutre" proche de la résidence occupée, pour des discussions qualifiées de "préliminaires". En fait, rien de bouge. Les rencontres succèdent aux rencontres, suspendues puis reprises, alors que les journalistes, soumis aux pressions d'un gouvernement qui entend mener sa barque sans regards indiscrets, font l'objet de constantes mises en garde, voire sont expulsés. Les otages sont bien seuls et Nestor Cerpa, en dépit de rumeurs répétées sur un accord imminent, ne change pas d'une virgule ses exigences. Visiblement découragé, Mgr Cipriani déclarera un jour de mars, à la sortie d'une énième et infertile réunion : "La méfiance persiste entre les deux parties; (...) Nous nous devons de [leur] lancer un appel sérieux et ferme [...] pour qu'elles acceptent réellement de parvenir à une solution pacifique." Le 17 avril, les otages entament leur cinquième mois de détention, et c'est encore une fois un message d'intransigeance qu'envoie le président Fujimori en limogeant, le 19 avril, les généraux Juan Briones Davila et Antonio Ketin Vidal, respectivement ministre de l'intérieur et chef de la police, réputés hostiles à une solution de force. Leur mise à l'écart relance les spéculations sur le retour des "durs", opposés à toute concession. Le 22 avril, à 15 h 30, heure de Lima, 140 commandos des forces spéciales passent à l'attaque. ALAIN ABELLARD et GEORGES MARION Le Monde du 24 avril 1997

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