« Au cours d'un entretien, l'écrivain allemand Heinrich Böll fit cette remarque : « J'ai l'impression qu'en Allemagne comme ailleurs, des jeunes gens pourtant très sérieux commencent à sous-estimer la poésie. Au point que l'on peut craindre qu'elle ne finisse dans une poubelle... Je crois que ce serait un crime non seulement esthétique, mais encore social et politique, car la poésie est aussi un extraordinaire moyen de combat ou de résistance, en même temps qu'un point d'appui incompar

Notez bien que ce n'est pas la première fois dans l'histoire qu'un penseur craint la disparition de la poésie. Il n'y a pas lieu de connaître spécialement la poésie allemande et la situation de l'Allemagne contemporaine pour aborder le sujet, puisque l'auteur précise bien « comme ailleurs ». Cependant, il peut être bon de citer la tradition poétique prestigieuse de l'Allemagne (Goethe, Schiller, Hölderlin...). Mais il faut recenser les obstacles contemporains que peut rencontrer une vocation poétique. Comme il s'agit surtout d'un esprit de groupe qui condamne l'aristocrate enfermé dédaigneusement dans sa « tour d'ivoire », il faut noter que l'auteur assigne précisément à la poésie un rôle social, et même politique. Le terme résistance fait allusion à un combat révolutionnaire contre le régime actuel. Il peut être rappelé que des écrivains comme Aragon et Eluard ont mis leur art au service de leur idéal politique, notamment dans la clandestinité, pendant l'occupation nazie. Les Romantiques aussi (Lamartine, Hugo...) croyaient à la nécessité d'un engagement politique du poète. Les Classiques avant eux, et les Parnassiens juste après, ont des points de vue très différents.