Devoir de Philosophie

Chap. IX, § 124 à 127: Traité du gouvernement civil - John Locke

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

locke

124. [...] La plus grande et la principale fin que se proposent les hommes, lorsqu'ils s'unissent en communauté et se soumettent à un gouvernement, c'est de conserver leurs propriétés, pour la conservation desquelles bien des choses manquent dans l'état de nature.

Premièrement, il y manque des lois établies, connues, reçues et approuvées d'un commun consentement, qui soient comme l'étendard du droit et du tort, de la justice et de l'injustice, et comme une commune mesure capable de terminer les différends qui s'élèveraient. Car bien que les lois de la nature soient claires et intelligibles à toutes les créatures raisonnables ; cependant, les hommes étant poussés par l'intérêt aussi bien qu'ignorants à l'égard de ces lois, faute de les étudier, ils ne sont guère disposés, lorsqu'il s'agit de quelque cas particulier qui les concerne, à considérer les lois de la nature, comme des choses qu'ils sont très étroitement obligés d'observer.

 

125. En second lieu, dans l'état de nature, il manque un juge reconnu, qui ne soit pas partial, et qui ait l'autorité de terminer tous les différends, conformément aux lois établies. Car, dans cet état-là, chacun étant juge et revêtu du pouvoir de faire exécuter les lois de la nature, et d'en punir les infracteurs, et les hommes étant partiaux, principalement lorsqu'il s'agit d'eux-mêmes et de leurs intérêts, la passion et la vengeance sont fort propres à les porter bien loin, à les jeter dans de funestes extrémités et à leur faire commettre bien des injustices ; ils sont fort ardents lorsqu'il s'agit de ce qui les regarde, mais tort négligents et fort froids, lorsqu'il s'agit de ce qui concerne les autres : ce qui est la source d'une infinité d'injustices et de désordres.

 

126. En troisième lieu, dans l'état de nature, il manque ordinairement un pouvoir qui soit capable d'appuyer et de soutenir une sentence donnée, et de l'exécuter. Ceux qui ont commis quelque crime, emploient d'abord, lorsqu'ils peuvent, la force pour soutenir leur injustice ; et la résistance qu'ils font rend quelquefois la punition dangereuse, et mortelle même à ceux qui entreprennent de la faire.

 

127. Ainsi, les hommes, nonobstant tous les privilèges de l'état de nature, ne laissant pas d'être dans une tort fâcheuse condition tandis qu'ils demeurent dans cet état-là, sont vivement poussés à vivre en société.

Liens utiles