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citoyenneté (Antiquité)

Publié le 30/01/2013

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1   PRÉSENTATION

citoyenneté (Antiquité), durant l’Antiquité gréco-romaine, la citoyenneté désigne tout homme qui, par sa fortune et « sa renommée «, est appelé à exercer une autorité politique, à conduire les affaires de la cité.

Si les Grecs sont à l’origine de la Polis conçue comme une communauté de citoyens — ils ont inventé tant le mot que la chose elle-même —, ce sont les Romains qui, par leur pratique des institutions, ont donné corps à la notion de citoyenneté. Mais, dans l’Antiquité, le citoyen, contrairement au citoyen des époques révolutionnaire et contemporaine, ne peut être confondu avec le résident de la cité : la raison en est que le corps civique n’est pas identique au corps social.

2   LA VIE DE LA CITÉ ET L’ÉLABORATION DE LA CITOYENNETÉ

La citoyenneté confère droits et devoirs. La Constitution d’Athènes du ive siècle av. J.-C. et la Constitution antonine de 212 apr. J.-C. — également appelée édit de Caracalla — en conviennent toutes deux. Conditions d’accès à la citoyenneté, exercice des droits attachés à cette qualité, participations aux charges publiques sont réglementées et codifiées par des textes, sinon par une pratique coutumière. Cependant, la citoyenneté constitue plus un titre qu’un état ; peut devenir citoyen celui dont on juge qu’il a qualité pour le devenir : dès lors, tous les individus ne peuvent mériter cette distinction.

2.1   Corps social et corps civique

S’il est un trait commun aux Grecs et aux Romains quant à la manière dont la notion de citoyenneté s’est élaborée, tant dans ses fondements théoriques que dans ses manifestations concrètes, on le trouve dans l’idée que tous ne peuvent exercer les fonctions politiques. Seuls les meilleurs et les plus aptes méritent le statut de citoyen. Le mérite s’apprécie alors à l’aune des deux critères que sont la fortune et la « renommée «, celle-ci pouvant être le résultat d’exploits militaires ou la simple conséquence d’une hérédité flatteuse qui fait que l’on est bien né. Dans le cas le plus fréquent, le citoyen doit être issu de deux parents appartenant à la cité, le père étant lui-même citoyen et la mère de lignée citoyenne ; mais, indépendamment de la condition de la mère, un enfant né d’un père citoyen peut accéder à cet honneur et la non-citoyenneté du père (qu’il soit étranger ou, à plus forte raison, esclave) est rédhibitoire pour l’accès à la citoyenneté du fils. Son octroi comme récompense est extrêmement rare même s’il s’est pratiqué en 406 av. J.-C. pour les métèques ayant servi la flotte athénienne lors de la bataille des Arginuses.

La marque du citoyen intégré s’incarne dans le cens (census en latin). Cette pratique, qui remonte à la plus haute Antiquité, dénombre les citoyens, l’état de leurs biens ainsi que les particularités qui permettent de différencier les divers membres de la cité. Inscrit au sein d’une classe censitaire, le citoyen est défini dans tous ses attributs — fortune, filiation, appartenance à une tribu (phratrie ou gens) — qui lui confèrent une place, un rang au sein de la cité.

2.2   Une citoyenneté différenciée

Le cens établit ainsi une hiérarchie au sein du corps civique. À côté de la hiérarchie grecque — distinguant droit de cité et droits politiques —, Rome offre l’image d’un unanimisme politique plus « démocratique « : tous peuvent participer au suffrage. Toutefois la pratique censitaire conduit à distinguer nettement une minorité de citoyens effectivement appelée à participer à la réalité de la vie civique — ceux dont le cens le plus élevé confère un droit d’accès aux magistratures les plus importantes — et une masse civique dont l’influence politique est plus restreinte. À l’inverse, les Grecs qui désignent leurs dignitaires selon une loi de tirage au sort se dotent d’une pratique politique permettant, en théorie, d’éviter la constitution d’une « noblesse citoyenne « vivant sur des avantages acquis.

Pour les Anciens, il ne saurait y avoir de meilleur gouvernement que celui établi selon ce principe, puisque l’inégalité hiérarchique apparente sur laquelle il repose est tempérée par une équité bien comprise. Si les plus hautes fonctions reviennent au cens le plus élevé, leurs dignitaires supportent, en contrepartie, les charges les plus lourdes, ce qui est de nature à désamorcer toute acrimonie vis-à-vis des classes supérieures. Le cens grec ou romain n’est donc pas insupportable dans la mesure où il n’opère pas à sens unique, en n’offrant aux plus riches que des privilèges et ne laissant aux autres que le poids de l’impôt.

Ainsi, la citoyenneté ne se présente pas sous la forme d’un modèle idéal singulier. La réalité invite davantage à parler de citoyens (la marque du pluriel a ici une importance particulière). Au demeurant, cette différenciation citoyenne, qui existe aussi bien chez les Grecs que chez les Romains, se renforce selon que l’on considère la logique d’inclusion, ou au contraire la force d’exclusion, qui préside à l’attribution du statut citoyen. La cité grecque associe étroitement citoyen et habitant : il existe autant de citoyennetés que de cités, le voisin incarnant le plus souvent le pire ennemi ; il suffit d’évoquer la rivalité opposant Athènes à Sparte pour s’en convaincre. Pour sa part, Rome s’est affirmée, bien que tardivement, comme une puissance impériale ouverte aux populations allogènes. Elle a ainsi pu agréger à son empire une variété de populations latines qui, d’alliées, ont été intégrées au peuple romain. La civitas sine suffragio de ces populations n’est cependant pas, à son origine, une citoyenneté à part entière, comme l’expression le laisse entendre ; uniquement soumis aux contributions afférentes à leur nouveau statut, les habitants de ces territoires colonisés en ont tiré un argument pour dénoncer la condition inférieure qui leur était faite et se révolter contre Rome. Le Sénat, inquiet de la dimension politique et des conséquences militaires de cette question latine vote, à partir de 90 av. J.-C, des lois leur accordant une citoyenneté pleine et entière (voir guerre sociale).

Résultat de l’histoire et dont l’évolution, notamment à Rome, masque mal des arrière-pensées politiques — l’octroi de la citoyenneté constitue un moyen peu coûteux d’acheter la paix —, cette différenciation ne doit pas éclipser la force d’attraction que représente le statut de citoyen. Avant de représenter la voie de l’ambition et de l’accès aux honneurs, Grecs et Romains ont, très tôt, été habités par une conscience citoyenne s’exprimant dans une volonté de vivre ensemble la destinée et dans la défense d’intérêts collectifs. Ceux-ci se manifestent dans trois domaines principaux qui constituent le champ d’expression de la citoyenneté.

3   LE « MÉTIER « DE CITOYEN
3.1   Les fonctions politiques du citoyen

La participation à la vie publique constitue la première manifestation du rôle du citoyen et s’incarne dans l’architecture même de la cité. L’espace public est d’abord monumental : c’est l’agora grecque ou le forum romain. Lieu de délibération, c’est en ces lieux que le peuple citoyen participe aux affaires communes. Ces rassemblements donnent l’image d’un peuple délibérant lui-même de ses propres affaires, mais ne doivent pas masquer l’existence d’assemblées qui détiennent l’effectivité du pouvoir.

Le formalisme juridique qui préside aux réunions de cette masse délibérante l’éloigne en réalité de ce qui fait la substance même du politique. Il en est ainsi de Rome qui, aux yeux du monde, se présente sous une triple forme associant magistrats-consuls, Sénat et assemblées du peuple. Ces dernières, si elles ont joué un rôle déterminant sous la République, tendent à devenir de simples chambres d’enregistrement, notamment sous le triumvirat de César, Crassus et Pompée.

Cette dérive romaine de la fonction élective a été moindre chez les Grecs qui connaissent le principe du quorum, rendant ainsi moins passives les assemblées du peuple (ecclésias), tenues de se réunir et de délibérer en réunissant un nombre minimum de votants.

3.2   Un citoyen-soldat

L’autre fonction inséparable du statut de citoyen concerne le métier des armes, fonction que la cité guerrière de Sparte définie comme principale. De même, tout Romain est un soldat, ce devoir faisant partie intégrante de l’instinct de conservation de la cité. L’inscription au census implique automatiquement l’apprentissage du métier de soldat et l’intégration à la légion. Cette forme de défense « nationale « en vigueur à Rome s’oppose au système grec qui, après avoir connu une armée citoyenne — les hoplites — a de plus en plus fréquemment recours aux armées de mercenaires (cette différence tient notamment à la conception que Grecs et Romains ont des populations allogènes).

3.3   Un contribuable

L’impôt du sang n’est pas le seul que l’on exige du citoyen : la contribution aux charges publiques constitue également un devoir citoyen. Cependant, alors que le soldat-citoyen est en permanence mobilisable, le citoyen-contribuable n’est sollicité que périodiquement. Dans l’Antiquité, la fiscalité est, pour reprendre le langage fiscal d’aujourd’hui, essentiellement indirecte : taxes sur les marchandises, taxes foncières ou droits de passage en sont les principaux éléments. Les contributions volontaires — le tributum — sont, quant à elles, limitées tant dans le temps que dans leur objet et ne concernent, à titre principal, que le financement de l’effort de guerre. En outre, elles sont en quelque sorte remboursables : le contribuable-payeur est également le soldat récompensé par le butin partagé après la victoire. La fiscalité pèse alors essentiellement sur les provinces et les peuples soumis par les vainqueurs.

4   CITOYENS ET NON-CITOYENS

De même que la citoyenneté sert à fédérer une communauté, elle sert aussi à l’individualiser afin de différencier les membres de la cité de ceux qu’elle rejette. La citoyenneté antique est un jeu dialectique qui englobe autant qu’il exclut. Les premiers à faire l’objet d’un rejet du citoyen sont les femmes, les esclaves et les étrangers.

4.1   Les femmes

En Grèce comme à Rome, la non-participation des femmes à l’action politique est justifiée par leur statut (éternelle mineure, contrairement à l’enfant de sexe masculin) et par leur position « entre nature et société «. De même, la « citoyenne «, c’est-à-dire la femme issue de lignée citoyenne, n’a aucun droit de propriété.

4.2   Les esclaves

Le citoyen est nécessairement un homme libre et non une « chose « sur laquelle le propriétaire a droit de vie ou de mort. La situation de dépendance juridique, sociale et matérielle de l’esclave lui interdit l’accès à la citoyenneté. Toutefois, il convient de distinguer deux formes d’esclavage qui ont coexisté durant l’Antiquité ; les cités hellènes, de même que Rome, connaissent la pratique de l’esclavage-cheptel : ce sont les étrangers, les captifs et autres vaincus que l’on achète et que l’on vend à son gré. Au côté de ces esclaves absolus existe une forme d’esclavage plus domestique, dont la situation est fonction de celle du maître.

L’esclave privé, attaché à une famille, se voit accorder la jouissance de certains droits. Loin d’être la conséquence de quelques liens d’amitié entre celui qui est soumis et son maître, ce statut hybride entre hommes libres et non libres ne s’applique qu’aux gens de même race.

Les mondes hellène et romain condamnent en commun l’esclavage des populations d’origine grecque ou latine ; la voie de l’affranchissement leur est alors naturellement réservée. L’esclave affranchi jouit alors d’une considération sociale supérieure à celle de l’étranger domicilié : il devient un citoyen.

4.3   L’étranger

Le statut de l’étranger s’est nécessairement élaboré en même temps que celui du citoyen. Définir « celui qui est « implique, par défaut, de pouvoir le distinguer de « celui qui n’est pas «. À Athènes, cet étranger est désigné par le terme de métèque, dont l’étymologie nous apprend qu’il signifie « celui qui habite avec «. Homme libre, il est certes protégé par les lois de la cité mais ne peut participer à la vie politique ni même posséder des biens immobiliers.

Au ve siècle, le siècle de Périclès, est élaboré un statut spécifique de l’étranger : astreint au paiement d’une taxe de résidence, il est en outre soumis à l’ensemble des obligations fiscales incombant aux citoyens et est tenu de servir dans l’armée. Cette reconnaissance d’une citoyenneté par défaut interdit encore aux métèques toute participation à la vie citoyenne, même pour ceux qui, prenant prétexte de leur richesse, entendent jouer un rôle politique.

Sous la domination romaine, les hommes libres qui ne sont pas citoyens romains peuvent être, par ordre de reconnaissance, des Latins (Latini) ou des pérégrins (peregrini). Ils bénéficient de droits locaux et n’accèdent que tardivement à la citoyenneté romaine complète : au ier siècle av. J.-C. pour les Latins (après les guerres sociales), au iiie siècle apr. J.-C. pour les pérégrins lorsque Caracalla octroie la citoyenneté à tous les sujets de l’Empire.

5   VERS UN TITRE SANS SUBSTANCE

La citoyenneté conçue comme un idéal de vie en commun, où le plus humble des citoyens peut s’enorgueillir d’appartenir à une collectivité, n’a su résister aux faits et aux pratiques d’une vie publique qui, peu à peu, l’a vidée de sa substance. Certes, le citoyen ne disparaît pas avec l’émergence de l’Empire romain ; avec lui subsistent les « avantages « d’un statut protecteur de l’individu. Mais la citoyenneté a progressivement changé de nature. Cela a été particulièrement vrai à Rome, où entre la République et l’Empire, si le citoyen demeure, la vie civique, pour sa part, disparaît. La fonction élective, pierre angulaire de l’activité du citoyen, ne sert plus qu’à ratifier les décisions prises par une minorité dirigeante, ce qui sonne le glas de la citoyenneté démocratique dans l’Antiquité.

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