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Commentaire: NIETZSCHE - La conscience, un réseau de communication

Publié le 22/02/2012

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nietzsche

« La conscience n’est qu’un réseau de communication entre hommes ; c’est en cette seule qualité qu’elle a été forcée de se développer : l’homme qui vivait solitaire, en bête de proie, aurait pu s’en passer. Si nos actions, pensées, sentiments et mouvements parviennent – du moins en partie – à la surface de notre conscience, c’est le résultat d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, il avait besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible ; et pour tout cela, en premier lieu, il fallait qu’il eût une « conscience «, qu’il « sût « lui-même ce qui lui manquait, qu’il « sût « ce qu’il sentait, qu’il « sût « ce qu’il pensait. Car comme toute créature vivante, l’homme pense constamment, mais il l’ignore. La pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense : car il n’y a que cette pensée qui s’exprime en paroles, c’est-à-dire en signes d’échanges, ce qui révèle l’origine même de la conscience. « Introduction - d’une manière générale, comme on l’a dit, vous n’avez pas à connaître la doctrine ni l’œuvre de l’auteur pour commenter le texte qui vous sera soumis le jour de l’examen. Néanmoins, c’est plus ou moins vrai selon les auteurs. En l’occurrence, ici, le texte de Nietzsche propose la définition de la conscience par Nietzsche. On peut supposer de tout élève de Terminale (L de surcroît) qu’il a quelques idées sur la question. De plus, dans la mesure où nous avions étudié ce texte en cours, vous pouviez (deviez) utiliser les éléments vus sur cette question dans le cours. - Donc, dès l’introduction, vous pouvez préciser que la position de Nietzsche sur la conscience est une position particulièrement critique. Contre le rationalisme et en amont de la psychanalyse, Nietzsche développe une approche de la conscience qui remet en question sa transparence et sa supposée maîtrise du sujet. Donc, on peut ici, dans l’introduction, inscrire la démarche de Nietzsche entre celle de Descartes et celle de  Freud, par exemple, pour montrer son caractère particulier dans l’histoire de la philosophie.

- En ce qui concerne le texte particulièrement, il soulève la question de l’origine de la conscience : à quel besoin répond-elle et que pouvons-nous en conclure ? La démarche consiste, en effet, à déterminer le besoin auquel la conscience répond pour montrer que, dès lors, elle constitue une réalité presque animale, puisqu’elle est la réponse développée par l’homme à l’instinct de conservation. Ce n’est donc en rien ce qui distingue l’homme de l’animal, encore moins ce qui le rend supérieur à l’animal. Le texte montre, au contraire, que la conscience est une réalité inférieure. - La problématique de l’explication peut donc être d’essayer de comprendre comment Nietzsche peut justifier que la conscience satisfait à un instinct animal de conservation. Comment cela s’explique-t-il, alors que l’homme est, au contraire, le seul à être doté d’une conscience. Si la conscience était animale, ne serait-ce pas une réalité davantage partagée qu’elle ne l’est ? - Pour cette explication, on peut proposer un plan thématique, puisqu’il y a deux moments de l’argumentation qui courent tout le long du texte : 1. quelle est l’origine de la conscience ; 2. qu’est-ce que la conscience, en vertu de cette origine qui est la sienne. I. Quelle est l’origine de la conscience ? Le texte évoque à plusieurs reprises le besoin. C’est le besoin qui a poussé l’homme à développer la conscience. Le besoin l’a en effet amené à chercher la compagnie d’autres hommes pour survivre. Il a eu besoin d’exprimer, de dire ce dont il avait besoin. C’est pourquoi il a développé la conscience. Avoir conscience de quelque chose, c’est se le formuler à soi-même ce qui est l’étape préalable à la formulation pour l’autre. Nietzsche parle donc d’une « terrible nécessité « qui pousse l’homme, « le plus menacé des animaux « à entrer à relation avec les autres. On peut peut-être voir ici une reprise du mythe de Prométhée décrit par Platon dans le Protagoras. L’homme, isolé est affaibli, incapable de se défendre contre l’ensemble des agressions dont la nature le menace. C’est uniquement grâce à la collaboration avec les autres qu’il peut développer les deux facultés qui lui permettent de se défendre et de survivre : les sciences et techniques (à cet égard, d’ailleurs, la référence à  Kant était aussi possible – dans l’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique on retrouve cette même idée que l’homme est poussé vers les autres par une irrépressible nécessité, par une pulsion naturelle). Ainsi, l’homme est poussé à sortir de son isolement, de sa vie solitaire de « bête de proie «, pour s’associer avec les autres. Il faudrait préciser les différentes étapes de cette explication : « il a besoin de secours et de protection « (il ne peut survivre seul, comme on vient de l’expliquer), « il a besoin de son semblable « (il ne peut trouver ce secours et cette protection que chez autrui), « il a besoin d’exprimer ce besoin « (il lui faut dire à l’autre ce dont il a besoin pour l’obtenir. Bizarrement, le texte dit donc à la fois que l’homme est naturellement poussé à communiquer avec les autres hommes par instinct de conservation mais, dans le même temps, ce besoin n’est pas suffisamment naturel, disons, pour que l’autre y réponde spontanément. Au contraire, il lui faut inventer les outils nécessaires pour exprimer ce besoin et obtenir donc une réponse de l’autre).

II. Quelle est la nature de la conscience ? A. Conscience et langage. D’après ce qui vient d’être dit, la conscience est avant tout langage. D’abord, on peut noter que le langage lui-même est ici rabattu sur une fonction de communication. Il est présenté, d’abord, comme l’outil qui permet de communiquer, d’échanger, c'est-à-dire de transmettre des informations. Pour apporter des éléments critiques, on pourrait, par exemple, penser que le langage assure une fonction supérieure : il nous permet de penser, il nous permet de véritablement rencontrer l’autre par le dialogue (cf. par exemple le texte de Merleau-Ponty vu dans le cours sur autrui). Ici, le langage ne permet que de communiquer. Par ailleurs, donc, la conscience elle-même se limite au langage. Elle suppose que nous formulions sous forme de paroles « intelligibles « nos besoins pour que les autres y apportent une réponse (cf. partie précédente). Elle est donc, aussi, une forme de savoir (le terme revient à trois reprises dans le texte), c'est-à-dire d’abord de pensée intérieure : je dois me formuler ce que je veux pour pouvoir ensuite le dire aux autres. Mais cela revient à peu de choses près au même : que ce soit pour moi ou pour les autres, il faut dans tous les cas que je dise sous forme de mots ce dont j’ai besoin. Ici encore, on pourra interroger le rapport entre conscience et pensée, conscience et mots (ne puis-je pas avoir conscience de quelque chose que je ne parviens pas à dire – c’est, par exemple, ce que dit Bergson, qui, ceci dit, fait au langage le même reproche que lui adresse ici Nietzsche : celui d’être orienté par le besoin). III. Quelle est la nature de la conscience ? B. Conscience et inconscient. L’autre caractéristique de la conscience est d’être superficielle. Les termes apparaissent dans le texte (surface, superficielle). Elle n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il existe une pensée qui n’est pas consciente et la conscience n’est donc que partielle et imparfaite – c’est « la partie la plus mauvaise « de la pensée. Vous pouvez trouver dans le cours les éléments que nous avions étudiés qui expliquent cette idée d’une pensée inconsciente. Il y a une rationalité du corps (Nietzsche parlait de « grande raison « dans le texte étudié dans le cours) qui dépasse la conscience, donc la conscience n’est que le « jouet «, « l’instrument «. Je ne redéveloppe pas ces éléments vus en cours. Vous pouvez, ici, trouver aussi le point de départ d’une partie critique qui montrerait la postérité de ces idées, notamment dans la psychanalyse.

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