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constituante, Assemblée nationale

Publié le 11/02/2013

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1   PRÉSENTATION

constituante, Assemblée nationale, assemblée qui a gouverné la France au début de la Révolution, du 9 juillet 1789 au 1er octobre 1791.

Par extension, l’Assemblée nationale constituante a donné son nom à la période au cours de laquelle elle a été réunie, c’est-à-dire à plus de deux ans de l’histoire de France. Initiatrice de nombreuses lois novatrices — notamment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen — et rédactrice de la première Constitution française, La Constituante a modifié de façon décisive la société française avant de laisser place à la Législative.

2   ORIGINES DE LA CONSTITUANTE

Alors que la convocation en 1788 des états généraux par Louis XVI a pour seul objectif de combler le déficit budgétaire de la monarchie, dès le début de 1789, l’âpreté des débats sur le mode de fonctionnement des états (vote par ordre ou par tête : le roi choisit de conserver le système traditionnel du vote par ordre) et sur la représentation accordée au tiers (le doublement de la représentation du tiers est accordé) montre que l’enjeu déborde amplement la simple question fiscale. Tout annonce la nécessité de réformes profondes : la floraison de brochures, de journaux, de libellés et de pamphlets proposant de nouvelles institutions pour la monarchie, ou dénonçant les abus de la féodalité, du haut clergé, des officiers ; les cahiers de doléances également, plus de 60 000, décrivant les invraisemblables anachronismes du système de l’Ancien Régime.

Le 5 mai 1789, lors de la séance d’ouverture des États généraux, le discours du ministre Jacques Necker — n’évoquant que le problème financier du roi et la nécessité de lui accorder des subsides — est reçu par les députés, et particulièrement par les représentants du tiers, comme une provocation. Ces députés sont, outre les grands nobles de la Cour et les hauts dignitaires de l’Église (évêques et abbés), des représentants d’un bas clergé réduit souvent à la misère et très proche des revendications de ses ouailles ; quant aux députés du tiers, la plupart sont des hommes de loi, de professions libérales ; certains nobles tels Mirabeau ou La Fayette se sont fait élire avec le tiers état. Ayant conscience d’incarner l’immense majorité de la nation, le tiers a hautement affirmé son désir d’obtenir de profondes réformes, ce qu’exclut d’emblée le discours du ministre du Roi.

Dès le 6 mai, les députés du tiers s’intitulent les « communes « en référence au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et exigent de participer à la vérification des pouvoirs. Devant les résistances de plus en plus vives de la noblesse et du haut clergé — alors qu’une partie du bas clergé s’est associée aux revendications des communes —, ces dernières se proclament « Assemblée nationale « le 17 juin. Le 20, trouvant leur salle de réunion habituelle fermée par ordre du roi, les députés se réunissent dans la salle du Jeu de paume où ils prononcent le célèbre serment de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France. Rejoint par la majorité du clergé et quelques nobles, l’Assemblée nationale se déclare constituante le 9 juillet.

3   LES PRINCIPALES MESURES DE LA CONSTITUANTE

L’activité de la Constituante est d’une intensité exceptionnelle. L’abolition des privilèges et des droits féodaux (nuit du 4 août 1789), la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août), la nationalisation des biens du clergé (2 novembre), la départementalisation (15 janvier 1790), le rattachement du Comtat venaissin et des principautés d’Alsace (juin et octobre 1790), l’adoption du drapeau tricolore (21 octobre 1790), les lois d’Allarde (2 mars 1791) et Le Chapelier (14 juin 1791) supprimant les corporations et interdisant les coalitions donnent son visage à la France du XIXe siècle.

D’autres mesures ont une moins longue postérité tout en s’inscrivant dans ce cadre de « régénération « totale de la France : le titre de « roi des Français « accordé au souverain, la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790), le serment civique imposé aux fonctionnaires de la nation (27 novembre 1790), puis au clergé (3 janvier 1791). La Constituante sait promouvoir son action par l’organisation d’une célébration immédiate de ses actions régénératrices, comme le montrent la mise en valeur de la nuit du 4 août ou la fête de la Fédération du 14 juillet 1790.

L’achèvement de la Constitution est difficile : l’Acte constitutionnel, adopté le 3 septembre 1791, est sanctionné par le roi des Français le 14 et l’Assemblée législative se réunit le 1er octobre. Le régime ainsi constitué va durer à peine neuf mois, soit trois fois moins de temps que la Constituante.

La Constitution ainsi élaborée (la première dans l’histoire de France) définit une monarchie constitutionnelle, reposant sur un suffrage censitaire. La Déclaration des droits de l’homme est le préambule du texte constitutionnel : elle garantit aux citoyens le respect des droits fondamentaux, la liberté, l’égalité, la sûreté des biens et la résistance à l’oppression. Le pouvoir législatif appartient à une Assemblée qui contrôle un gouvernement de six ministres. Le roi, dont dépend la sanction des lois (droit de veto suspensif pour deux législatures, c’est-à-dire quatre ans), dispose d’un pouvoir réel. L’élection des juges et des maires par les « citoyens actifs « assure la garantie de la séparation des pouvoirs ; enfin, la liberté de la presse est attestée, sauf instauration de l’état d’urgence par la « loi martiale «.

4   LA CONSTITUANTE FACE À LA TOURMENTE : CONTESTATION ET CONTRE-RÉVOLUTION

Avant de parvenir à son objectif constitutionnel, la Constituante a eu à lutter sur trois fronts : celui de l’évidente hostilité des anciennes classes privilégiées, celui de l’Église catholique et celui de la pression populaire, multiforme et constante. Ces luttes expliquent largement la lenteur de l’avancement des travaux constitutionnels ; celui-ci en porte de fait la trace puisque, par exemple, le veto est régulièrement utilisé par le roi dès son adoption, le 11 septembre 1789. La Constitution est ainsi progressivement appliquée avant d’avoir été promulguée : la départementalisation est mise en place dès 1790 et se substitue immédiatement aux anciennes circonscriptions de la monarchie d’Ancien Régime.

4.1   La noblesse

L’hostilité des anciens privilégiés se manifeste par la violence et la menace : tentatives d’intimidation de juin 1789 ; conspiration du marquis de Favras en janvier 1790 ; rassemblement du camp de Jalès le 18 août ; conspiration des « chevaliers du poignard « en février 1791 ; manifeste de Pillnitz du 27 août 1791 qui montre la solidarité entre les princes européens et les revendications des anciens privilégiés.

Ceux-ci ont en effet rejoint la masse des émigrés, l’émigration étant le second visage de leur hostilité. Elle commence dès l’été 1789 : non seulement les plus ardents des défenseurs de la tradition comme « Mirabeau-Tonneau «, le frère du tribun du tiers état, mais bientôt l’entourage le plus familier du roi, ses deux frères, « mesdames «, ses tantes, quittent la France. Milan, Londres et Coblence accueillent par milliers les nobles et, à partir de 1791, les prélats réfractaires. Le roi lui-même, à partir du moment où les journées d’octobre 1789 l’ont contraint à quitter Versailles pour s’installer au palais des Tuileries, envisage de quitter le territoire, encouragé en cela par son épouse Marie-Antoinette. L’affaire de Saint-Cloud, le 18 avril 1791, le décide à tenter l’évasion. La fuite à Varennes et le retour (20-26 juin), « miracle d’imprudence « selon l’historien Jules Michelet, contribue largement à discréditer définitivement, non seulement le « Gros Louis «, mais la monarchie elle-même aux yeux de l’opinion publique. La Constituante elle-même y perd beaucoup en crédibilité, en adoptant la version officielle de « l’enlèvement « du roi pour éviter de voir s’effondrer la construction politique entreprise depuis 1789.

La contre-révolution se dote enfin d’armes de propagande efficaces avec, en particulier, une presse active bénéficiant souvent de rédacteurs remarquables, comme l’Abbé Royou (l’Ami du Roi) ou le comte de Rivarol (les Actes des Apôtres). Une idéologie contre-révolutionnaire se constitue très vite autour des Reflections on the French Revolution d’Edmund Burke publiées en novembre 1790, mais surtout autour des travaux de Ferrand (Tableau de la France en 1790) et de l’Abbé Barruel qui, dès la fin de 1789, a publié le Patriote véridique, ou discours sur les vraies causes de la Révolution actuelle. Sont mis en cause les dysfonctionnements d’un système valable, la monarchie absolue ; le complot ourdi par les francs-maçons, libres-penseurs et autres protestants qui ont gangrené la société française par la pernicieuse idéologie des Lumières ; la vengeance divine, enfin, la Révolution et ses flots de sang étant le signe providentiel du courroux céleste.

4.2   Le peuple

Le deuxième adversaire contre lequel la Constituante a dû lutter, c’est le peuple lui-même. Celui des villes qui a pris la Bastille et sauvé les constituants, mais qui s’est organisé en clubs comme les Jacobins ou les Cordeliers dès 1790 et a émis, sous l’impulsion de dirigeants « démagogues « (Georges Danton, Jean-Paul Marat, Camille Desmoulins, Jacques Hébert), de vigoureuses revendications comme le droit de vote, le contrôle du commerce des grains ; un peuple armé, à Paris spécialement où les districts « patriotes « savent se mobiliser avec suffisamment d’efficacité pour contraindre la famille royale et, avec elle, la Cour et l’Assemblée, à rejoindre la capitale les 5 et 6 octobre 1789. Un peuple tenu sans cesse en éveil par la presse : les Révolutions de France et de Brabant de Camille Desmoulins, l’Orateur du peuple de Louis Stanislas Fréron, l’Ami du peuple de Marat, qui appellent sans cesse à la surveillance patriotique pour empêcher la réussite du complot révolutionnaire.

La loi martiale, le 21 octobre 1789, qui restreint les possibilités de réunion, et des opérations de police contre les chefs « patriotes « s’avèrent impuissantes face à la montée de l’opposition révolutionnaire radicale. La rupture est sanglante : après la fuite à Varennes, le républicanisme a progressé et une pétition réclamant l’abolition de la royauté est portée sur l’autel du Champ-de-Mars, le 17 juillet 1791, trois jours après la deuxième fête de la Fédération. Sur un ordre du maire de Paris, Jean Sylvain Bailly, la Garde nationale commandée par La Fayette, le « héros des deux mondes «, tire sur la foule pacifique, laissant une cinquantaine de cadavres au pied de l’autel de la Patrie (voir fusillade du Champ-de-Mars). Danton doit fuir, Desmoulins et Marat sont traqués ; l’amnistie intervient finalement en septembre.

Le nouveau régime débute également dans l’hostilité du peuple des campagnes. Ces dernières se sont soulevées, dès la seconde quinzaine de juillet 1789, pour courir « sus aux châteaux « à la suite de la Grande Peur ; leur pression est l’une des causes immédiates de la nuit du 4 août. Mais le rachat des droits féodaux indirects laisse aux paysans un goût amer. De plus, la vente des biens nationaux ne profite dans un premier temps qu’aux plus aisés, alors que la récolte 1789 s’avère plutôt mauvaise. Le mécontentement des paysans est encore augmenté par la question religieuse.

4.3   Le clergé

L’Église est, en effet, le troisième obstacle à l’action de la Constituante. Celle-ci a pourtant reçu le soutien massif du bas clergé à ses premières heures. Mais, une fois la dîme abolie et les biens de l’Église remis à la nation, se pose clairement la question de la place de l’Église dans l’État. La Constitution civile du clergé, adoptée en juillet 1789, rompt le lien établi depuis 1516 par le concordat de Bologne ; en brisant le maillage diocésain antérieur, elle renvoie dans le siècle les réguliers et impose à tous les prêtres un serment à la nation, à la loi et au roi, ce qui crée une dépendance vis-à-vis d’une autre autorité que celle de l’Église : beaucoup refusent, d’autant que le roi a clairement manifesté son hostilité à cette constitution et que le pape Pie VI la refuse par le bref Quod aliquantum du 10 mars 1791. Le clergé « réfractaire « s’avère particulièrement nombreux dans les zones de bocage, dans certaines villes et bénéficie de l’indulgente indifférence des autorités. Coupée de l’Église qui a longtemps servi de ciment idéologique à la nation française, la Constituante se sépare donc, en octobre 1791, sur la lourde menace d’un pays divisé.

5   LE LEGS DE LA CONSTITUANTE

La Constituante est une période essentielle dans l’histoire de France : sur le plan du droit, elle liquide de façon irréversible l’Ancien Régime en disloquant la tripartition de la société, en détruisant l’essence divine de la monarchie, en imposant le fondement constitutionnel à l’État. À côté d’enthousiasmes débordants, le régime a suscité des hostilités insurmontables et révélé l’acuité des tensions sociales liées à l’argent. L’échec de la Législative est en définitive l’écume de l’œuvre révolutionnaire de la Constituante.

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