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Cours: LA PERCEPTION (2 de 7)

Publié le 22/02/2012

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perception

 

I) LA PERCEPTION INTROUVABLE : LES PREJUGES CLASSIQUES

A)   SENSATION ET PERCEPTION : L’APPROCHE SCIENTIFIQUE CLASSIQUE

1)     La notion de sensation

-        La perception peut d’abord être définie (1ère définition) comme l’acte par lequel un individu organise des sensations présentes et les interprète. Cette définition s’appuie sur la distinction de la sensation et de la perception qui semble correspondre aux données de l’expérience perceptive.

-        Nous avons des organes des sens par lesquels nous accédons au monde extérieur, c’est-à-dire percevons. Ces organes des sens donnent naissance à des sensations. La perception est constituée de sensations. La sensation : l’état de conscience élémentaire consécutif à une impression faite sur l’un de nos organes sensoriels ; donnée élémentaire et primitive des sens (le « rouge «, le « vert «, « l’acide «, la sensation de saveur piquante, d’odeur fruitée, de toucher granuleux, de forme sphérique : « Je sens du rouge, du bleu, du chaud, du froid «  (Merleau-Ponty, La phénoménologie de la perception, p. 9). La perception : sensation interprétée, devenue significative, impliquant la notion d’un certain objet, extérieur à nous, localisé dans l’espace ; une construction par opposition à la sensation qui est passive, une synthèse des multiples facettes de la sensation

-        Par exemple, je travaille à mon bureau, j’entends tout à coup un bruit aigu, un crissement : il s’agit là d’une simple sensation. Je pense alors, sans réfléchir, que ce bruit est celui d’une voiture qui vient brusquement de freiner ; je me pense à la fenêtre pour vérifier : perception (interprétation). Evoquons l’expérience du nouveau-né qui sans doute aurait simplement entendu le bruit (sensation) : il entend, voit, sent à peu près comme nous mais il ne comprend pas les messages de ses sens.

-        Cette distinction de la sensation et de la perception est opérée par la science classique (la psychologie et la physiologie) qui opte volontiers pour une approche réaliste et réductionnsite de la perception qui empêche une compréhension vraie du vécu perceptif.

2)     Les conditions de la sensation

-        La sensation est un fait psychique qui a des conditions physiques et physiologiques.

-        La sensation a des conditions physiques et physiologiques. Lorsque, par exemple, j’entends un bruit ou un son, il y a d’abord un phénomène physique, dont l’étude relève de l’acoustique : le bruit ou le son en tant que vibration de l’air. On appelle excitant ou stimulus la cause physique de la sensation (ici, par exemple, la vibration de l’air ambiant).

-        Il faut ensuite un organe des sens (ex : l’oreille) : l’excitant produit, dans l’organe sensoriel, un ensemble de phénomènes d’ordre physiologique dont l’étude relève de la biologie. Cet ensemble de phénomènes d’ordre physiologique produit ce qu’on appelle une impression

-        Les terminaisons nerveuses de l’organe sensoriel reçoivent  l’impression faite par l’excitant.  Est également nécessaire un système neuro-cérébral (nerf acoustique et centre auditif) qui transforme l’impression faite par l’agent physique sur l’organe des sens en influx nerveux transmis au centre cérébral approprié.

3) Les lois de la sensation

-        Elles sont essentiellement de trois ordres : les lois psycho-physiques, les lois psycho-physiologiques, les lois psychologiques.

1.     Les lois psycho-physiques

-        Ces lois concernent essentiellement l’excitant.

1.1  - La loi du seuil (loi de Weber –1795-1878 -  et de Fechner – 1801-1887) :

-        Il existe pour chaque sens une intensité minima de l’excitant, appelée intensité liminaire, au-dessous de laquelle il n’y a pas de sensation. La psychologie s’est appliquée à mesurer ces seuils sensoriels qui varient toutefois selon l’individu, la région du corps concernée, le sens concerné (le goût est plus sensible à l’amer qu’au sucré).  Par exemple, nous ne percevons que les radiations lumineuses de longueur d’onde comprise entre 0,39 m (ultra-violet) et 0,76 m (infra-rouge); nous ne percevons les sons qu’entre 16 Hz et 16 k Hz).

-        Un stimulus doit également avoir une durée minimale pour pouvoir être perçu. Cette durée minimale est d’autant plus faible que ‘intensité du stimulus est élevée. Si unze stimulation est maintenue en permanence, il y a généralement disparition de la sensation (sauf pour la douleur) : phénomène d’adaptation.

1.2 - La loi du seuil différentiel (loi de Weber):

-        Une variation d’intensité de l’excitant doit atteindre un certain seuil pour qu’on sente la différence; il existe, pour chaque espèce de sensation, un rapport constant entre l’intensité de l’excitant initial et la variation minima qu’il faut lui faire subir pour que la différence soit sentie. Weber a ainsi établi une constante, dite « constante de Weber « qui mesure le seuil différentiel sous la forme d’un rapport. Par exemple, la constante est de 1/20 pour les sensations tactiles, ce qui signifie que, si j’ai sur la main un poids de 20 g, celui-ci devra être augmenté d’au moins 1 g pour que je sente la différence ; si je pars d’un poids de 40 g, il devra peut-être augmenté d’au moins 2 g.

-        Le fait que la sensation varie beaucoup plus lentement que l’excitation a été interprété comme une sorte de protection naturelle de l’équipement sensoriel de l’homme contre les agressions trop brutales des excitations externes ou internes. A partir de là, les psychologues classiques ont cru pouvoir tirer une méthode de mesure de la sensation. Loi contestée. les diverses valeurs atteintes par une excitation que l’on fait varier de façon continue, n’entraînent pas, dans la sensation des valeurs correspondantes proportionnelles mais beaucoup plus faibles.

2.     Les lois psycho-physiologiques

-        C’est essentiellement la loi de spécificité des sens : la qualité de la sensation dépend de l’organe impressionné, et non de la qualité de l’excitant. Exemple: une excitation électrique sur le nerf optique ne peut provoquer qu’une sensation visuelle. De ce fait, un même excitant appliqué à des sens différents détermine des sensations différentes; inversement, des excitants différents appliqués à un même sens provoquent la même espèce de sensation : un choc sur l’oeil provoque une sensation d’éblouissement ; la rupture du tympan donne lieu à une sensation de tonnerre. 

3.     Lois psychologiques

-        La loi de contraste ou de relation (loi de Harald Höffding – 1843-1931), philosophe danois auteur d’une Psychologie) : toute sensation est modifiée par les états psychiques concomitants ou immédiatement antécédents. Exemple : la lumière d’une bougie paraît plus vive dans l’obscurité qu’en plein jour; un bruit nous semble plus intense au milieu du silence; un mets modérément salé ou sucré nous paraît fade après un mets qui l’était davantage; si nous plongeons la main droite dans de l’eau à 15 °, puis les deux mains dans une même eau à 30 °, celle-ci paraît froide à la main gauche, chaude à la main droite ; nous sommes plus sensibles au froid en sortant d’une pièce surchauffée, etc. Là aussi, nous verrons plus loin les limites de ces lois.

3)     Les trois sensibilités

-        Le physiologiste Sherrington (1857-1952) a distingué en nous trois formes de sensibilités, trois grands champs de récepteurs sensoriels : la sensibilité intéroceptive qui capte les impressions venant des surfaces intérieures de l'organisme, spécialement du tube digestif; l a sensibilité proprioceptive qui nous renseigne sur l’activité propre de l’organisme (les attitudes, les mouvements du corps) ; la sensibilité extéroceptive qui capte les impressions venant des objets extérieurs et qui correspond aux cinq sens classiques.

1.     La sensibilité intéroceptive

-        Elle comprend toutes les sensations qui viennent de l’estomac, de l’intestin. S’y ajoutent les sensations viscérales, ainsi que cette sensibilité générale du corps qu’on appelle la coenesthésie également (sensations d’aise ou de malaise).

2.  La sensibilité proprioceptive

-        Celle qui nous renseigne sur les positions, attitudes, mouvements de notre corps et de nos membres. Cette sensibilité comprend :

2.1  - le sens kinésique ou kinesthésique : nous renseigne sur nos mouvements proprement dits (déplacements de nos membres et de notre corps dans l’espace). D’après le philosophe Maine de Biran, cette sensibilité est essentielle puisque, selon lui, la sensation d’effort volontaire est la source de notre distinction entre le moi et le non-moi ;

2.2  - le sens statique : sens qui a son organe dans l’oreille interne et qui nous donne le sens de la verticalité, des mouvements de rotation et de translation; il préside à l’équilibration générale du corps.

3.  La sensibilité extéroceptive

-        Elle nous informe sur les objets extérieurs. Les psychologues distinguaient les sens impressionnables par contact direct et les sens qui sont impressionnables à distance.

3.1  – Les sens impressionnables par contact direct

-        Les sensibilités cutanées : le toucher qui suppose un contact direct avec l’objet à percevoir (le tact - sens des contacts et des pressions -, les sensations thermiques - sens du chaud et du froid -, la douleur).

-        Les sens chimiques : le goût et l’odorat liés aux fonctions de nutrition.

3.2  - Les sens impressionnables à distance

-        Ces sens sont plus indépendants du milieu extérieur que ceux qui exigent le contact direct. L’ouïe et la vue apportent à l’être vivant des messages lointains qui lui permettent une adaptation anticipée de son comportement.

4) Le rôle de la sensation : une conception « atomistique de la perception «

-        Quelle est alors la nature et le rôle de la sensation dans notre vie mentale ? Que nous enseignent ces différentes lois mises en évidence par la psychologie classique notamment ?

-        Définition de la sensation comme élément pur en deça de tout contenu qualifié, une « impression muette « (M. Ponty), l’épreuve d’un choc instantané et ponctuel.

-        La physiologie de la perception admet un trajet anatomique qui conduit d’un récepteur déterminé par un poste enregistreur. Il y a le monde objectif, celui-ci confie aux organes des sens des messages qui doivent être déchiffrés de manière à reproduire en nous le texte original. Idée que le sensible est ce qu’on saisit avec les sens, cet « avec « signifiant  un instrument, un conducteur.

-        Cette approche ne doit toutefois pas être confondue avec le réalisme naïf de la conscience commune qui considère la sensation comme une sorte de réplique, de copie, dans notre esprit, de l’objet perçu. Ces lois montrent d’abord que l’esprit n’est pas un miroir, qu’il n’y a pas parallélisme parfait entre l’excitant, le stimulus, et l’état de conscience qu’il suscite: la loi de spécificité, par exemple, rappelle que la sensation dépend de l’appareil récepteur, de l’organe sensoriel : les animaux, qui ont des organes différents des nôtres, perçoivent les choses autrement que nous.

-        Ainsi nos sens ne sont-ils pas des instruments de connaissance désintéressés : ils ont une fonction vitale permettant la conservation de notre corps et l’adaptation au milieu extérieur. C’est ce que montrent les lois de la sensation : ce qui intéresse l’être vivant, ce sont les variations du milieu extérieur, lesquelles exigent une réadaptation. 

 

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