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Cours: LA VIOLENCE (f de g)

Publié le 22/02/2012

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C) LA RESISTANCE A L’OPPRESSION

- Si l’Etat semble avoir fonction de neutraliser la violence, en lui opposant la force de la raison et le respect des lois, n’y a-t-il pas lieu, lorsque l’Etat bafoue la raison, le droit, la liberté, comme c’est le cas dans les Etats totalitaires, de résister, individuellement ou collectivement, à l’oppression ? La résistance à l’oppression est-elle alors un droit, voire un devoir ? A-t-on finalement le droit de contester le droit en utilisant la violence pour rétablir le droit ?

- Faut-il parfois désobéir aux lois, au nom notamment des droits de l’homme ? A-t-on le droit de contester le droit en utilisant la violence pour rétablir le droit ?  Cette question de la désobéissance relance la problématique du rapport entre le droit naturel et le droit positif, et revient à formuler d’une autre façon la question des droits de l’homme. Le mot « parfois « a ici toute son importance, dans la mesure où, comme nous allons le voir, il ne s’agit pas, loin s’en faut, de désobéir toujours ou systématiquement à la loi, faute de quoi celle-ci serait niée dans on principe même et, avec elle, la justice tout entière. Il va s’agir de montrer le caractère exceptionnel de la désobéissance, en soulignant le caractère nécessaire et respectable des lois.

- Si, comme le prétend  Rousseau, la véritable liberté est l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite, n’est - il pas des situations dans lesquelles ma liberté, et ma conscience,  m’appellent à la désobéissance, et m’en fasse même un devoir ? Deux cas justifieraient alors cette désobéissance, entendue non plus comme une simple insoumission rebelle ou marginale, mais comme une véritable vertu civique : lorsque les circonstances rendent la loi impossible à respecter ou lorsque la respectabilité de la loi est elle-même contestée.

1)     Le devoir d’obéissance à la loi

- Comme nous l’avons vu au tout début de ce cours, l’homme juste est d‘abord celui qui obéit à la loi . La loi est par définition universelle, de sorte que tout individu a pour obligation de la respecter et de lui obéir. La loi politique ou juridique impose à tous la même conduite : si je prétends y échapper, je m’accorde alors une supériorité sur les autres, synonyme à nouveau d’inégalité. De même, en ce qui concerne la loi morale, Kant a montré qu’une action n’est morale que si elle est universalisable ; mon devoir m’ordonne de respecter la personne d’autrui parce que l’attitude contraire ne serait pas universalisable et serait immorale : j’entendrais ne pas respecter autrui, mais j’attendrais qu’il continue à me respecter. J’instaurerais ainsi une inégalité, une non-réciprocité.

- L’universalité de la loi, qu’elle soit morale ou juridique, instaure une égalité entre les hommes. Puisqu’il y a réciprocité des droits et des devoirs, tout devoir ressenti comme une contrainte est équilibré par un devoir systématique d’autrui à mon égard. L’obéissance à la loi paraît donc obligatoire. Le contraire serait synonyme d’inégalité et d’arbitraire : si n’importe quel citoyen ou homme d’Etat pouvait déroger à cette obéissance, ce serait le règne de l’injustice, voire de la violence. Or, la définition même de l’Etat de droit instaure une égalité de tous (y compris le gouvernant) devant la loi, autorise le citoyen à faire valoir son droit contre l’Etat ou l’administration, et à poursuivre devant les tribunaux compétents le ministre ou le chef d’Etat qui violerait le droit commun ou la constitution.

-        Texte de Kant n° 9 p 465 (manuel de philo de terminale).

-         Kant conteste la légitimité d’un droit de résister à l’oppression : Kant doute que la conscience individuelle soit capable d’apprécier de quel côté se trouve le droit.

* thème : la résistance au pouvoir

* problème : Peut-on opposer la violence à la violence de l’Etat ? A - t - on le droit de contester - violemment ou non - le droit ? Y a-t-il un usage légitime de la violence au service du droit ou de la justice ? Jusqu’à quel point le droit de contester le droit peut-il être reconnu et par quelle instance ?

* thèse : “tout droit prétendu de faire infraction au droit ne peut-être qu’un non-sens”. On ne peut légitimement opposer la violence à la violence.

* plan du texte :

* ligne 1 à 4 : La révolte contre l’Etat est condamnable en ce qu’elle menace le fondement même de l’Etat.

* ligne 4 à 10 : Cette interdiction est valable en tout temps et en toute circonstance ; elle ne souffre aucune restriction, même lorsque le chef d’Etat est un tyran. L’opposition de la violence à la violence est illégitime. 

* ligne 10 à 24 : Justification de cette affirmation. Plusieurs arguments : on ne peut remettre en question une constitution ; personne ne pourrait décider si c’est le peuple qui a raison ou le chef de l’Etat, chacun étant à la fois juge et partie ; le droit d’enfreindre le droit est un non-sens, une contradiction dans les termes ; personne ne peut, en réalité, apporter des réponses raisonnables à ce problème de la légitimité du droit à l’insurrection.

* ligne 24 à 27 : conséquence. L’insurrection n’est pas un droit. Le chef de l’Etat ou le pouvoir législatif est la seule autorité qui détienne le droit.

- On trouve cette idée déjà exprimée chez Socrate qui se soumet à la loi lorsque celle-ci le condamne injustement au nom du respect de la loi (mieux vaut une loi injuste que pas de loi du tout).

2) Désobéissance en fonction des circonstances

- Faisons remarquer, en premier lieu, que la nature même de la loi suppose la possibilité de sa transgression, sans quoi il n’y aurait pas lieu de prévoir le moindre système de sanctions. De même, tout interdit, désignant un comportement comme inacceptable, le rend d’autant plus désirable.

- Mais dans quelles circonstances serait-il légitime de ne pas respecter la loi ? Cela peut avoir lieu dans des circonstances telles que l’obéissance ordinairement requise à la loi semble être suspendue, par suite du caractère d’exception de la situation.

- Exemple : la loi morale m’ordonne de ne pas tuer. Que faire alors en cas de guerre ? L’objecteur de conscience, ou l’insoumis, faisant passer la loi morale au premier plan, décideront de ne pas porter les armes, tandis que le citoyen peut aussi choisir de faire la guerre pour défendre son pays. Dans ce dernier cas, la morale valable en temps de paix s’efface au profit d’une valeur considérée comme étant plus fondamentale : la défense du territoire national. Le choix, comme l’a montré Sartre, reste individuel et renvoie à un conflit de valeurs qui n’est pas tranché a priori.

- De même, un médecin peut se sentir obligé de mentir à un malade incurable. Il désobéit à la loi morale qui enjoint de dire la vérité, mais sa désobéissance se justifie par le désir de ne pas faire souffrir le patient. C’est parce qu’il respecte la personne qu’il transgresse la loi (lire, pour approfondissement, le corrigé du sujet de dissertation : « faut-il toujours dire la vérité ? «).

- L’autre cas de figure exceptionnel où se justifierait la désobéissance civile serait celui d’un Etat illégitime, oppresseur. La désobéissance serait alors non seulement un droit, mais aussi un devoir. C’est la thèse que défend Rousseau, contrairement à Kant.

- Texte de Rousseau n° 8B p. 415 extrait du contrat social, livre I, ch. IV

* thème : la résistance à l’oppression

* problématique : l’homme a-t-il le droit de se révolter contre l’oppression ? L’homme peut-il renoncer à sa liberté ?

* thèse : renoncer à sa liberté , c’est renoncer à sa qualité d’homme. La résistance à l’oppression est à la fois un droit et un devoir.

* enjeu du texte : il y a une légitimité de la violence lorsque l’autorité de l’Etat est illégitime, c’est-à-dire opprime et bafoue la liberté. La violence peut et doit être au service du droit lorsque celui-ci est bafoué.

* plan du texte : dans le premier paragraphe, Rousseau montre que le despote au pouvoir ne garantit pas même la paix civile. Le despote, par ses agissements, ne peut qu’attirer sur lui guerres et dissensions. La tranquillité n’est pas la liberté ou le bonheur. Rousseau vise ici Hobbes qui voit dans la tranquillité civile le plus grand bien et fonde sur cette convention la délégation de la liberté. De la ligne 6 à 12, Rousseau explique que donner sa liberté sans contrepartie est un acte absurde. Il est inconcevable qu’un peuple se donne gratuitement, se dépouille du droit qu’il a de disposer de lui-même pour se soumettre à la domination d’un prince. Un peuple n’a rien à gagner à se soumettre à une autorité qu’il n’a pas choisie puisqu’il risque de subir l’injustice du monarque et d’être soumis à son bon plaisir. La conséquence (ligne 12 à 16) est que l’homme ne peut renoncer à sa liberté, c’est-à-dire à sa qualité d’homme. La liberté est une qualité fondamentale de l’homme qu’il possède même à l’état de nature (liberté au sens politique d’être l’auteur des lois et au sens métaphysique comme perfectibilité).

* conclusion : on ne peut fonder l’autorité sur une convention d’aliénation. La résistance à l’oppression, dans le cas où l’Etat confisque la liberté, est un droit, mais surtout un devoir, une exigence morale. Un peuple qui subit l’oppression et qui ne se révolte pas est indigne.

- A noter que ce texte de Rousseau a eu une influence sur les différentes déclarations des droits de l’homme. La déclaration du 24 juin 1793, placée en préambule de la constitution de 1793, reconnaît le droit à l’insurrection, dans son article 35 : “quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs”.

- De même, le droit à l’insurrection, qui est une des formes du droit ou du devoir de désobéissance dans certaines circonstances, peut être considéré comme le garant de la démocratie: selon Alain, aucun pouvoir n’est légitime s’il ne permet la libre expression des désaccords et une opposition. Importance de la critique, du conflit, du différend, plus fondamentalement démocratiques, à ses yeux, que le consensus. La résistance à l’oppression, au pouvoir, fût-il démocratique, lui paraît être une vertu civique autant, et sinon plus, que l’obéissance au pouvoir. Ce point est également défendu par Michel Onfray dans sa Politique du rebelle qui fait de la révolte la figure essentielle de l’engagement citoyen.

3) Conclusion

- Mais on peut aussi concevoir que c’est dans la protection des droits de l’homme par un régime de droit - national, mais surtout international (l’ONU ?) - que l’on peut éviter le recours à la violence insurrectionnelle qui ne doit être érigée qu’en désespoir de cause,  de façon exceptionnelle, lorsque toutes les solutions juridiques ou politiques ont été épuisées : c’est ce que proclame la déclaration universelle des droits de l’homme proclamée par l’assemblée générale des nations unies le 10 décembre 1948 : “considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression”(préambule).

- On peut aussi penser que même l’Etat démocratique est illégitime puisque la démocratie, selon les anarchistes, est une mystification idéologique destinée à occulter la nature de classe oppressive de tout Etat. Dès lors, la loi ne fait que valoriser des valeurs fausses ou aliénées ; le révolutionnaire doit se situer hors la loi s’il entend renverser  l’ordre établi pour faire place à d’autres valeurs.

- La désobéissance est alors justifiée au nom de principes transcendants considérés comme étant plus fondamentaux que ceux qui régissent le droit positif. Où l’on retrouve le conflit déjà aperçu entre le droit naturel et le droit positif. A noter que si le devoir authentique de l’individu peut être de désobéir à la loi, soit de manière exceptionnelle, lorsque la loi bafoue la justice, soit de façon permanente, si l’on conteste la légitimité de tout Etat, cette désobéissance est censée préparer un retour à une situation "normale" - antérieure ou radicalement nouvelle -, c’est-à-dire dans laquelle le même citoyen considère que son devoir est d’obéir à nouveau à une loi ou à un ordre politique redevenu respectable. De sorte que la désobéissance légitime ne peut être une règle durable, faute de quoi c’est à nouveau le règne de la violence et de l’arbitraire qui prévaut. La désobéissance légitime se justifie toujours par l’espoir d’un retour prochain du droit, de la loi, de la justice, c’est-à-dire d’un ordre incontestable substituant à la violence la force de la raison et de l’universel.

D) LA GUERRE

- La question se pose maintenant du contrôle de la  violence, non pas seulement dans les limites de l’Etat, mais dans les relations internationales. Peut-on alors justifier la guerre ? Y a-t-il des guerres justes ? Y a-t-il un droit de la guerre ?

1) La guerre définition

- La guerre est d’abord un fait culturel qu’il ne faut pas confondre avec le déclenchement d’une violence aveugle. C’est une violence planifiée entre Etats qui a son économie propre (production d’armements, par exemple), sa gestion des conflits (calcul des risques…), sa recherche scientifique et ses techniques propres (tactiques, stratégies…).

- Elle suppose l’existence d’un Etat organisé : « La guerre n’est point une relation d’homme à homme, mais une relation d’Etat à Etat, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu’accidentellement «  (Rousseau). La guerre n’est pas la bataille dans la mesure où la guerre est un état quasi permanent (aboutissement d’une longue période de préparation où chaque Etat évalue la force respective de ses adversaires ou partenaires) : « la nature de la guerre ne consiste pas seulement dans le fait actuel de se battre, mais dans une disposition reconnue à se battre pendant tout le temps qu’il n’y a pas assurance du contraire «   (Hobbes, Léviathan, I, chap.XIII).

- Il faut alors distinguer la paix, produit de la concorde et de la volonté raisonnable des Etats, de l’absence d’hostilité, qui n’est qu’une neutralisation provisoire des conflits.

- On peut donc définir la guerre comme un conflit entre Etats souverains dont le but vise à obtenir par la force la soumission de l’adversaire, conflit qui met en jeu des forces organisées militairement et qui est soumis à certaines règles du début à la fin des hostilités.

2) Les justifications de la guerre

2.1  - La nécessité de la guerre

-        Hypothèse d’un Etat de nature dans lequel tous sont en guerre contre tous. Par le contrat social, les hommes renoncent à tuer autrui en échange de la garantie, assurée par l’Etat, de ne pas être tués eux-mêmes. L’état de guerre est donc naturel. L’état de paix, défini comme non-guerre, est un artifice nécessaire pour survivre mais non pour vivre selon sa nature humaine qui est de donner satisfaction à tous ses désirs.

2.2 - La glorification de la guerre

-        Constater la nécessité de la guerre n’implique pas en soi de jugement de valeur. Au XIX e siècle se dessine une véritable glorification de la guerre : exaltation de la nation et de l’Etat qui conduit à magnifier les bienfaits de la guerre. Idée aussi que la guerre est bonne pour l’individu  en tant qu’elle lui permet de réaliser sa nature humaine.

-        Pour Hegel, la guerre n’a pas pour but la survie physique mais celui d’imposer à l’autre sa propre valeur : elle rend l’homme libre. Par le risque de perdre la vie, l’homme qui n’est pas attaché à celle-ci comme l’animal affirme sa conscience de soi. Le combat avec l’autre homme est humanisant. Le rapport à autrui n’est pas une relation d’amour mais de rivalité. L’homme n’accède à cette humanité qu’il fabrique que parce que la reconnaissance d’autrui lui importe plus que la survie. La guerre sépare les hommes en deux catégories : ceux qui, à l’issue du combat, ont préféré la soumission à la mort, ne se sont pas dégagés de leur nature animale (les esclaves) ; ceux qui ont su risquer leur vie pour des valeurs (les maîtres). Le premier entre les hommes rapport qui naît de la guerre est un rapport de maîtrise et de servitude.

-        L’histoire de l’homme est celle des guerres. Les animaux n’ont pas d’histoire car ils ne connaissent pas cette forme de lutte pour la reconnaissance qu’est la guerre. Le progrès de l’histoire passe par la guerre.

2.3  - L’approche psychanalytique

-        L’explication de la guerre chez Freud est rattachée à sa théorie de l’inconscient et de la lutte entre Eros et Thanatos. Existence de deux instincts : les instincts sexuels et érotiques qui tendent à unir et conserver, les instincts de mort qui veulent détruire et tuer. Ces instincts représentent « la transposition théorique de l"antagonisme universellement connu de l"amour et de la haine.

2.4  - Les théories biologiques

-        Idée darwinienne de la lutte pour l’existence comme loi éternelle et universelle. Vacher de Lapouge, par exemple, reprend l’argument de la sélection naturelle de Darwin et de l’évolution des organismes par l’élimination des inaptes et la survie des plus aptes. Chez les êtres humains, la sélection naturelle fait de plus en plus place à la sélection sociale (sélection militaire, politique, religieuse, morale, professionnelle…). L’homme est plus guerrier que l’animal. Vacher de Lapouge va être des premiers à proposer de mesures d’eugénisme pour favoriser la race supérieure.

-        Pour le zoologiste autrichien Konrad Lorenz, la guerre est liée au concept de territoire : les hommes combattent pour protéger et étendre les frontières de leur pays, et ce parce que leurs lointains ancêtres du monde animal luttaient pour l’emplacement du nid, pour le terrier, pour le territoire, etc. La guerre est alors le résultat d’une contrainte instinctive. Elle apparaît alors inévitable.

-        Thèse contredite par d’autres biologistes et par certains anthropologues comme Margaret Mead : selon elle, la guerre n’est pas une nécessité biologique. Certains peuples ne connaissent pas la guerre (les Esquimaux, par exemple). La guerre est une invention. Les cultures diffèrent les unes des autres sur l’usage de la violence. L’esprit de rivalité entre individus pas plus que la guerre entre sociétés n’apparaissent comme un phénomène universel et général.

3) La paix comme idée régulatrice

-        Le problème de la paix et de la mise hors la loi de la guerre est devenu, aujourd’hui, un enjeu essentiel et prioritaire (destruction systématique de populations entières, explosions de furie haineuse qui ont atteint de tels sommets) qui reste posé parce qu’il n’existe pas de pouvoir souverain capable de maîtriser la violence entre Etats. Lorsque l’ONU parvient à neutraliser des conflits, c’est toujours en conséquence d’une alliance des grandes puissances préservant l’équilibre international dans leur propre intérêt. Les Etats recherchent l’absence d’hostilité plutôt que la paix. La guerre est alors “la continuation de la politique par d’autres moyens “ (Clausewitz, De la guerre); elle est “un acte de violence destiné à conraindre l’adversaire à exécuter notre volonté. La finalité de la politique à l’intérieur ou à l’extérieur est toujours la domination. Ce but est atteint par la médiation de la loi en temps de paix, tandis qu’il s’impose par les armes en temps de guerre.

-        Se pose alors le problème de la légitimité de la guerre. Il faut distinguer la question de la légitimité de la guerre (guerre juste) de celle de sa légalité. On peut alors établir une typologie des guerres : les guerres légitimes et légales; légitimes et illégales; illégitimes et légales; illégitimes et illégales. Est légitime la guerre dont le but est de rétablir le droit. Selon Grotius, la guerre juste est le substitut de la justice, là où la justice ne peut s’exercer. Son but est de poursuivre le même but que la justice, à savoir le rétablissement d’un état dans lequel l’injustice est levée. Invoquer un motif d’intérêt ou de puissance pour entreprendre une guerre, c’est assimiler celle-ci à un simple brigandage. D’autre part, pour qu’une guerre soit légale, il faut qu’elle obéisse à un ensemble de règles juridiques. La légitimité de la guerre pose un problème : chaque belligérant est à la fois juge et partie de son bon droit; la détermination des cas relevant de la catégorie “guerre juste” est pour le moins problématique; la guerre donne raison à celui qui gagne.

-        Pour le positivisme juridique, qui ne retient comme droit que les systèmes juridiques des différents Etats (droit positif), a renoncé à la distinction guerres justes, guerres injustes et a reconnu le caractère licite de la guerre en tant qu’expression d’un Etat souverain. Mais ce point de vue relativiste n’est  satisfaisant ni pour les Etats agressés ni pour les minorités opprimées (cf., dans le cours sur led roit et la justice, le chapitre consacré aux limites du positivisme juridique). Problème ici de l’arbitrage des organisations internationales, du droit et du devoir d’ingérence, bref du moyen à employer pour instaurer un “ordre mondial”. Cette question continue aujourd’hui à diviser les principaux acteurs du débat politique international.

-        En effet, en l’absence d’une instance juridique internationale pour dire le droit, l’idée d’une cause juste de guerre n’est - elle pas inassignable ? Qu’est-ce qui permettra de trancher entre les prétentions opposées des belligérants ? Car la logique de la guerre est tout autre que juridique, elle relève de rapports de puissance qui sont totalement indifférents au droit. Mais concevoir un règlement juridique de la guerre a comme intérêt de montrer que la guerre ne peut pas tout justifier, que les nations peuvent définir conventionnellement des principes, dont la transgression donne lieu à des actes que la guerre ne justifie pas et dont les auteurs doivent répondre devant la justice humaine.

-         Kant, dans Idée d’une histoire universelle…, envisage la substitution de la “paix perpétuelle” à la guerre permanente. Kant prévoit le contrôle de la violence par l’avènement corrélatif des Etats libéraux et d’une Société des Nations administrant universellement le droit. Analyse réaliste de la situation politique des Etats contraints d’accorder des libertés publiques dans leur propre intérêt (prospérité, progrès scientifique et technique nécessaire à l’accroissement de leur puissance) et forcés de renoncer progressivement à des initiatives belliqueuses pour des raisons économiques. Les relations internationales garantissant la sûreté des Etats ont pour conséquence de les rendre interdépendants sur les plans économique et politique (accords, traités, pactes, échanges). Les nations les moins impliquées dans des conflits régionaux , ayant intérêt à jouer le rôle de médiateur, préparent les conditions juridiques d’un Etat cosmopolitique.

CONCLUSION :

- L’Etat n’incarne pas forcément la violence légitime, c’est-à-dire la violence juste, moralement acceptable. Il semble alors que la violence soit légitime lorsqu’elle est résistance à l’oppression et lorsqu’elle a pour finalité le rétablissement du droit. Si le problème est posé de l’appréciation des conditions où la résistance devient un devoir, il apparaît néanmoins que le droit à l’insurrection , à la désobéissance, est une vertu civique aussi importante pour une démocratie que le devoir d’obéissance. La question de l’utilisation légitime de la violence se pose également à l’échelle internationale puisque la guerre juste est celle qui rétablit le droit, par opposition à la guerre injuste qui consacre le pouvoir de la nation la plus forte. Problème ici du règlement juridique de la guerre par la constitution d’une authentique société des nations qui ne semble pas encore avoir vu le jour. Mais si la violence peut être légitime contre l’oppression, l’idéal n’est - il pas à chercher dans la disparition de la violence, dans la non-violence notamment ?

 

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