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Dans Quelle Mesure Meursault Est-Il Un Étranger ?

Publié le 17/01/2022

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Dans quelle mesure Meursault est-il un étranger ?

Dans ce roman d’Albert Camus écrit en 1942, le personnage principal, Meursault, se comporte d’une manière hors norme. Les réactions qu’il a ne sont pas celles qui sont escomptées et l’on ne peut s’empêcher de le juger et de le qualifier d’ « insensible «. Il apparaît comme étranger, que ce soit étranger aux normes et conventions sociales ou même à sa propre existence sur Terre. Cependant, tout au long du récit, certains événements viennent contrecarrer notre vision toute faite de ce personnage. L’on s’aperçoit que plusieurs de ses réactions sont semblables aux nôtres. Nous allons donc essayer de nuancer ce terme d’ étranger «.

 

         Dès les premières pages du livre, le comportement de Meursault nous frappe. Après l’annonce de la mort de sa mère, il n’a aucune réaction ni démonstration de son état d’esprit. Le décès ne change en rien sa façon de vivre, c’est une chose abstraite pour lui, pas encore tout à fait réelle. « Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. « (p.10, ll.5-8)

Il y a une distance par rapport à l’événement, une façon formelle de voir les choses (champ lexical du formel, « affaire classée « « allure plus officielle «). La mort de sa mère lui paraîtra plus concrète après que tous les rituels sociaux auront eu lieu. C’est un dossier à consulter, la veillée, et à ranger ensuite dans un tiroir, l’enterrement. Le décès est ici vu comme une chose avant d’être un événement à part entière. Cette indifférence aux faits se remarque dans plusieurs passages du récit, lors du meurtre de l’Arabe par exemple.

 

         Pourtant, Meursault n’est pas indifférent à tout. « Cependant je lui ai expliqué que j’avais une nature telle que mes besoins physiques dérangeaient mes sentiments. « (p.100, ll.11-14) La nature et les éléments du milieu dans lequel il se trouve l’influencent. Lorsqu’il tue l’Arabe, la nature est agressive envers lui et il « se venge « sur l’Arabe en le tuant. Il transmet à sa victime la douleur que lui a causée la nature. «Toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi «, « Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu «. La personnification de la plage rend cette dernière comme une personne à part entière. Pour Meursault, la nature agit et l’influence comme le ferait un être humain.

 

         Au contraire, le jour où Meursault est avec Marie à la plage, les éléments qui l’entourent sont positifs et il se sent bien. « L’eau était froide et j’étais content de nager. Avec Marie, nous nous sommes éloignés et nous nous sentions d’accord dans nos gestes et dans notre contentement. « (p.80, ll.14-17) Dans cette phrase, le sujet n’est plus « je «, Meursault, mais « nous «, lui et Marie. Ce changement de sujet montre que, bien qu’il soit réfractaire aux conventions sociales, cela ne l’empêche pas de se sentir bien dans une situation conventionnelle, que ce soit son couple ou même son amitié avec Raymond. Or, on peut se demander si le fait d’utiliser ce « nous « est dû aux sentiments qu’il éprouve pour Marie ou alors si ce n’est que son bien-être physique qui parle.

 

Durant l’entretien avec son avocat, les difficultés de Meursault à accepter certaines conventions sociales se remarquent. « Il m’a demandé s’il pouvait dire que ce jour-là j’avais dominé mes sentiments naturels. Je lui ai dit ‘Non, parce que ce n’est pas vrai.’ Il m’a regardé d’une façon bizarre, comme si je lui inspirais un peu de dégoût. « (pp.100-101, ll.23-1) Meursault refuse d’accepter une convention sociale, c’est-à-dire, mentir pour ne pas être jugé coupable. Il se rend bien compte de ce qui lui arrive, tout comme il l’était en tuant l’Arabe. Tout au long de cet entretien, Meursault va dire la vérité bien que cela lui soit néfaste. « Sans transition, il m’a demandé si j’aimais maman. J’ai dit : ‘Oui, comme tout le monde’ « (p.103, ll.17-20) Il sait qu’il faut aimer sa mère mais peut-être ne le fait-il que parce qu’il le faut et non parce que c’est ce qu’il ressent. Il applique ces conventions sociales sans pour autant être d’accord avec. Il le fait plutôt pour être tranquille et que personne ne lui pose de questions.

 

Meursault nous apparaît comme « étranger « car il n’agit pas comme le reste des gens. Son indifférence au monde qui l’entoure n’est cependant pas totale. Il a conscience des choses qui se passent mais celles-ci semblent couler sur lui sans qu’il y prête une attention plus importante. Il connaît tous les usages mais en applique un minimum. Meursault est un homme intègre, dans le sens qu’il ne fait que ce qui lui semble juste et en accord avec sa façon de penser. Cette intégrité est pourtant ce qui le coupe des autres. Certaines des réactions de Meursault nous paraissent démesurées, mais certaines ne nous semblent-elles pas normales ? N’aurait-on pas agi de la même façon ? On peut se demander si Meursault ne serait pas un condensé des réactions les plus extrêmes que chacun d’entre nous pourrait avoir. Ce qui ferait que, dans un sens, ce personnage représente ce que l’on craint le plus car il est différent.

 

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