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Des oulémas préconisent un djihad soutenu par la communauté musulmane

Publié le 17/01/2022

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11 septembre 2001 Conscients de l'enjeu d'une éventuelle attaque américaine sur l'Afghanistan pour l'avenir de leur régime, les talibans multiplient les gestes d'ouverture de nature à miner, selon eux, la légitimité d'un assaut américain. La décision du petit millier d'oulémas réunis à Kaboul, à la demande du chef suprême des talibans, Mollah Mohammad Omar, de demander à « l'Emirat islamique (d'Afghanistan) de persuader Oussama Ben Laden de quitter librement l'Afghanistan pour l'endroit de son choix, au moment approprié » s'inscrit dans cette volonté de montrer au monde, et sans doute en particulier au monde islamique, que les talibans font de leur mieux pour répondre aux préoccupations internationales. « Si l'Amérique ne fait pas preuve de retenue, même après les décisions (que les religieux afghans viennent de prendre), une guerre sainte deviendra nécessaire et l'ensemble de la communauté musulmane devra lui apporter son soutien », affirment en effet les oulémas dans leur déclaration. Concrètement, la décision des oulémas, qui doit être encore endossée par Mollah Omar, ne change pas grand chose. Ce n'est pas la première fois qu'un départ d'Oussama Ben Laden d'Afghanistan est envisagé. Deux fois, déjà, la possibilité avait été évoquée, mais aucun pays d'accueil n'avait été trouvé. L'an dernier, Ben Laden avait offert à Mollah Omar de partir et celui-ci n'avait pas dit non, donnant même l'ordre aux talibans de faciliter ce départ. Mollah Omar avait précisé que Ben Laden serait toujours considéré comme un « hôte » protégé s'il ne trouvait pas d'autre lieu de séjour. Dans le passé, Ben Laden avait évoqué comme éventuel refuge « les montagnes du Yémen », pays dont sa famille est originaire et dans lequel il compte des partisans solides. PAKISTAN MENACÉ La Tchéchénie avait été aussi évoquée, comme certaines régions d'Asie centrale - Tadjikistan, Ouzbékistan - où les guérillas islamistes sont actives. A présent, le Pakistan bruit de rumeurs sur le départ de Ben Laden. Mais il ne s'agit que de rumeurs. A Kaboul, le ministre taliban de l'éducation, qui a annoncé les décisions des oulémas, a admis que tout départ de Ben Laden « prendra du temps. Il a beaucoup d'ennemis et doit trouver un endroit approprié pour y aller. C'est une tâche difficile qui ne s'accomplira que lentement » a affirmé Amir Khan Muttaqi. La décision des oulémas a quelque peu surpris au Pakistan, étant donné les cinq années d'exil passées par Ben Laden en Afghanistan. « Compte tenu du fait que les talibans sont des gens qui ont édifié en dogme le bien-être d'un hôte, je suis un peu surpris qu'ils aient dit cela », a commenté le ministre pakistanais des affaires étrangères, Abdul Sattar. Mais la décision des oulémas n'a pas impressionné Washington. Outre Ben Laden, les Etats-Unis réclament tout l'état-major de son organisation Al-Qaida, et tous les autres responsables d'organisations islamistes présentes en Afghanistan. Le président Bush a expressément mentionné, par exemple, les islamistes ouzbeks dont le chef Namangani séjourne en Afghanistan. Cherchant à montrer le sérieux de leurs débats, les oulémas ne se sont pas contentés d'exprimer « leur douleur et leur peine à la suite des attaques aux Etats-Unis ». Ils ont réclamé « une enquête des Nations unies et de l'OCI (Organisation de la conférence islamique) pour déterminer qui sont les responsables des attentats et prévenir le meurtre d'innocents ». Bien informés, ils ont demandé « que l'ONU et l'OCI prennent note de la déclaration du président Bush décrivant l'action militaire envisagée comme une croisade. Cette déclaration a blessé les musulmans et elle crée une situation dangereuse », considèrent-ils. Enfin dans un avertissement direct au Pakistan voisin, les oulémas affirment : « Dans le cas d'une attaque américaine, si n'importe quel musulman, d'Afghanistan ou d'ailleurs, agit en collusion avec l'agresseur et lui fournit des renseignements, il est à même d'être tué car il devient à son tour un agresseur. » En se montrant ouverts à la discussion, les oulémas et Mollah Omar ont offert de nouveau le dialogue avec les Etats-Unis, tout en cherchant à compliquer la participation de pays islamiques à une éventuelle alliance avec les Etats-Unis. Ce jeu embrouille aussi la donne pour le Pakistan, dans la mesure où les partisans des talibans auront beau jeu de souligner les efforts de ces derniers et que, en fait, ce sont les Américains qui ont décidé d'attaquer à tout prix pour se venger. Du côté des talibans, la diplomatie s'accompagne toutefois de quelques préparatifs militaires. Alors que certains cadres moyens du régime fuient le pays avec leur famille, et que d'autres responsables se contentent d'envoyer leur proches au Pakistan où la frontière n'est pas fermée pour tout le monde, les talibans recrutent à la fois à l'intérieur de l'Afghanistan et dans les camps de réfugiés au Pakistan. DE NOUVELLES RECRUES En Afghanistan, ils mobilisent de nouvelles recrues en zone pasthoune, au sud du pays et à l'est dans la région de Jalalabad. « Des talibans viennent voir chaque famille pour demander un fils », confie un travailleur humanitaire dans un camp de réfugiés de la région de Peshawar. « La situation est très tendue à Quetta car les gens ont peur » ajoute un autre. Des jeunes Pakistanais de Jaish Mohammad (l'armée de Mohammad) et de Harakat al Moudjahidin, deux mouvements qui ont des camps en Afghanistan, rejoignent aussi leurs unités. Pour l'instant limités, ces mouvements prendront sans aucun doute de l'ampleur le jour où Mollah Omar appellera à la guerre sainte.

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