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diplomatique

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

1   PRÉSENTATION

diplomatique, science de la critique historique des documents.

La diplomatique a, aux XIXe et XXe siècles, résumé l’essence même du métier d’historien, en un temps où l’histoire reposait avant tout sur des sources écrites et littéraires (voir histoire de l'histoire). Si, à ces sources, se sont ajoutées les sources statistiques, archéologiques, numismatiques, iconographiques, et si les témoignages oraux ont pu retrouver une certaine faveur, les techniques de la diplomatique demeurent une base fondamentale dans l’approche historique des faits.

La diplomatique est le résultat d’une mutation complète de la représentation du monde : celle qui a eu lieu à la Renaissance et qui a substitué à l’autorité éminente de l’Écriture sainte (la Bible) celle de l’exercice de la raison.

La diplomatique est l’un des apports qui distinguent, pour reprendre les termes de l’historien Robert Mandrou, les « humanistes « des « hommes de science «. Elle est clairement définie en 1681 par un moine de Saint-Maur, Jean Mabillon, dans son ouvrage De re diplomatica.

2   RICHARD SIMON, JEAN MABILLON ET LA DIPLOMATIQUE

À la fin du XVIIe siècle, la démarche historique n’est pas inconnue : Thucydide a été brillamment traduit, et des humanistes tels que Jean Bodin ont montré, dès le XVIe siècle, un intérêt passionné pour la recherche des textes exacts — intérêt avivé par les grandes traductions réalisées par Jacques Amyot ou Guillaume Budé.

Cependant, cette démarche se heurte alors à quatre obstacles importants : elle doit d’abord être insérée dans une conception providentialiste du monde, où chaque événement ne peut être lu que comme le signe d’un dessein supérieur à déchiffrer. Ensuite, l’histoire relève non d’une démarche d’observation analytique, mais de la seule mémoire selon Blaise Pascal ; sa qualité scientifique est donc récusée. Elle s’apparente en conséquence à l’art littéraire et s’intéresse essentiellement aux faits merveilleux et à leur description compilée dans les récits anciens. Enfin, l’histoire est surtout un registre argumentatif de la théologie et de la philosophie — elle n’a donc aucune justification propre.

C’est paradoxalement un mouvement de défense de l’Église et de ses sources qui est à l’origine de la diplomatique. L’exigence imposée par le protestantisme aux catholiques de recouvrer la connaissance des textes sacrés, les questions posées par Baruch Spinoza sur l’évolution du texte biblique, des Prophètes au Nouveau Testament, les relectures jansénistes des Pères de l’Église, saint Augustin en particulier, amènent nombre de clercs à tenter de résoudre de façon convaincante les problèmes posés par la Vulgate et, au-delà, par l’ensemble des textes et des événements de l’Histoire sainte.

Les moines sont naturellement appelés, plus que les autres clercs, à s’intéresser à ces questions : serviteurs exclusifs de Dieu, ils doivent aussi en promouvoir la vérité. Les problèmes posés à la fin du XVIIe siècle portent, d’une part, sur les miracles, incompatibles avec la raison et, d’autre part, sur les commentaires reçus de la Bible. Les attaques contre les miracles abondent : l’épisode de la « dent d’or « miraculeuse qui se révéla n’être qu’une couronne, narré par Fontenelle, est la plus célèbre.

Richard Simon (1638-1712), membre de la congrégation de l’Oratoire, féru de langues orientales, se démarque très vite des autres savants. Ses recherches, en particulier sur la religion et sur l’histoire juives, l’incitent à critiquer systématiquement les lectures catholiques orthodoxes de l’Ancien Testament. Son souci de restituer la chronologie de la rédaction des différents livres, son attention aux tournures grammaticales et stylistiques l’amènent à rédiger, en 1678, une Histoire critique du Vieux Testament que Jacques Bénigne Bossuet qualifie d’« amas d’impiété «. Son ouvrage étant condamné par la censure, Richard Simon est exclu de l’Oratoire. Retiré dans une cure normande, il poursuit son travail et fait publier ses travaux en Hollande. Les obstacles qui sont opposés à ses recherches en font un homme isolé dont les mérites ne seront reconnus qu’au siècle des Lumières. Traquant l’anachronisme, l’invraisemblance et la contradiction, il a donné une partie de son sens à la diplomatique.

Jean Mabillon, moine mauriste, a commencé par travailler sur les discours de saint Bernard de Clairvaux et sur l’histoire des bénédictins. Celle-ci l’amène très vite à dénoncer les erreurs et les truquages de nombre de textes de l’Histoire sainte. Sa méthode, comme celle de Richard Simon, largement inspirée de la philologie, le conduit à dévoiler de nombreuses interpolations et à critiquer les fausses lectures des textes des miracles. Comme Simon, il est confronté à des accusations d’hérésie et de jansénisme mais, à la différence de son contemporain, il voit ses travaux soutenus par la cour — selon Le Tellier, il était « l’homme le plus savant du royaume «. Il se rend dans de nombreuses bibliothèques pour comparer les différentes éditions, publiant régulièrement ses réflexions et témoignages. De re diplomatica reste, aujourd’hui encore, la base de la diplomatique.

3   ASPECTS TECHNIQUES

La démarche diplomatique a pour objet essentiel l’établissement du texte authentique à partir des états manuscrits et des différentes versions connues. Seule une telle comparaison permet en effet de déterminer la chronologie précise de la composition. Elle permet aussi de délimiter les passages suspects qui peuvent être des falsifications, volontaires ou non, ou des interpolations. Un texte célèbre, la Donation de Constantin, a ainsi été démasqué comme un faux et a ôté une part de sa crédibilité à l’histoire traditionnellement admise de Clovis.

Certaines interpolations sont soupçonnées dans les lettres de Pline le Jeune à Trajan évoquant les chrétiens. À travers ces deux exemples, la diplomatique apparaît bien comme un élément essentiel dans la remise en question des conceptions médiévales de l’Histoire sainte.

L’établissement du texte authentique impose un recours non seulement à la comparaison, mais aussi à la philologie et à la grammaire, sans lesquelles il est, par exemple, impossible de déceler les ruptures stylistiques au sein d’un texte (voir Style). La matérialité du document initial entre également en ligne de compte : les différences d’écriture qui signalent un changement de rédacteur peuvent impliquer une modification du sens donné au texte. Tout l’intérêt de la diplomatique est là : elle propose une base solide à l’historien, qui peut non seulement travailler sur un texte bien établi, mais aussi tenter de donner un sens aux déformations successives subies par ce texte.

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