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Dissertation sur le théâtre: théâtre et représentation

Publié le 22/07/2010

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Le théâtre peut se définir comme un art qui consiste à créer l'illusion de la réalité, par le biais de l'artifice : décors, costumes, lumières, etc ... le jeu des acteurs est primordial pour maintenir l'illusion, « le temps de la représentation «. Tout est mis en ' uvre, par la cohérence du jeu, de l'intrigue, de la psychologie des personnages, pour créer « le vraisemblable « qui la condition « sin qua non « depuis Aristote, qui explique la notion dans sa Poétique, de l'illusion. Mais le vraisemblable doit-il nécessairement être vrai ? Autrement dit, les acteurs doivent-ils se comporter comme dans la vie pour donner cohérence à une représentation ? Nous verrons que le naturel peut servir le vraisemblable, qui n'est pourtant pas indispensable, car l'artifice, essence même du théâtre, suffit amplement pour créer l'illusion.    Dans un premier temps, le naturel est au service de l'illusion théâtrale. En effet, le jeu des acteurs, lorsqu'il annule la distance entre le personnage et la personne, peut servir l'illusion. Il y a alors une confusion entre lieu de la représentation et réalité. Cette perte de repère, pour le spectateur, génère l'illusion.  Ainsi, il y a confusion entre le personnage et la personne. En effet, les acteurs jouent « avec naturel « en se servant de leur expérience émotionnelle pour jouer. Ils s'inspirent donc directement du vécu comme le veut la méthode américaine « actors studio « ou encore la méthode de Stanislavski, metteur en scène russe, qui suggérait à ses élèves de revivre sur scène une situation déjà vécue, tel que le deuil ou le premier amour, par exemple. C'est ce qui prône déjà chez Diderot, un jeu naturel dans Les Bijoux indiscrets en 1748, au nom de la vraisemblance. Un bon acteur serait donc celui qui transforme le personnage en personne réelle.  Le théâtre joue sur l'identification entre le spectateur et l'acteur. Effectivement, au premier abord, ce qui emporte l'adhésion du spectateur, est ce qui copie la réalité. Les acteurs interprètent des sentiments et des passions universelles qui ont déjà été éprouvés par le spectateur comme dans le lamento du jardinier d'Electre de Giraudoux où le jardinier exprime une série de sentiments tout à faits plausibles et humains liés à l'abandon, ce qui le rend proche du spectateur, proximité que l'on retrouve dans toute tragédie. Les analyses de Racine sur la passion amoureuse et ses tourments dans Phèdre par exemple, sont émouvantes par l'acuité de l'auteur. Un bon acteur retranscrit donc fidèlement la complexité du psychisme.  Le théâtre, pour créer l'illusion, joue avec la mise en scène de conflits et de problématiques réels. L'illusion vient aussi du fait que le théâtre expose des problématiques sociales ou politiques inspirées directement du réel. L'acteur met alors son jeu au service des conflits, inhérents aux hommes : Agammemnon semble déchirer, dans l'Iphigénie de Racine, entre le pouvoir et le c' ur ou entre devoir d'état et amour de sa fille. Même si la noblesse du dilemme et le registre poétique du langage utilisé éloignent le spectateur du personnage, l'acteur doit retranscrire l'humanité du roi. Humanité criante chez Ionesco, dans le Roi se meurt, qui fait du roi un double du spectateur, confronté à l'illusion du pouvoir, à l'évidence de la mort. Face aux grands problèmes qui secouent de tout temps les sociétés humaines, les personnages et les acteurs se comportent donc souvent « comme dans la vie «.  L'illusion de la réalité est donc possible quand les acteurs imitent le réel, par leur jeu, la cohérence psychologique des personnages qu'ils incarnent et par le réalisme des débats qu'ils soulèvent. Pourtant, il est naïf de croire que seule l'imitation du réel créer l'illusion : le théâtre utilise également l'artifice pour créer cette illusion. Il ne sert plus alors le vraie, mais la vraisemblance.    Ainsi, dans un second temps, l'artifice est au service du vraisemblable du fait que les mises en scènes, le langage, les décors et même les intrigues sont parfois loin du réel, mais le spectateur adhère pourtant au spectacle, car il est « vraisemblable «.    Ainsi, les artifices de la mise en scène servent le « vraisemblable «. En effet, les décors, les costumes et même le jeu des acteurs participent à un ensemble de conventions, qui font qu'une mise en scène imite le réel par l'artifice. Quoi de plus invraisemblable, comme le souligne Hugo dans La préface de Cromwell, qu'une intrigue soit enfermée dans un seul lieu durant vingt-quatre heures. La règle des unités, pure convention mise en place pour des raisons pratiques (décors qui s'adapte à la configuration des espaces scéniques) n'est qu'un artifice qui n'empêche pourtant pas le vraisemblable malgré ce que dit Hugo. L'émotion que peut susciter une tragédie de Racine, pour peu qu'on se donne la peine d'adopter le temps de la représentation son coté artificiel, n'est plus a prouver. Les acteurs déclament, mais l'acteur exagère toujours sa voix et sa gestuelle tout simplement pour être vu et entendu. Diderot déplore les artifices des tragédies dans Le paradoxe sur le comédien, en oubliant sans doute que le théâtre est avant tout un univers d'artifices.  Puis, le théâtre mêle des intrigues extravagantes qui ne peuvent se confondre avec des intrigues réelles. En effet, les acteurs servent souvent l'extravagance sans pourtant nuire à l'illusion. Le roi se meurt de Ionesco est exemplaire par sa fantaisie. Plus bouffon que roi, régnant sur un royaume fantoche, entouré de personnages aussi douteux que lui. Dès l'exposition, tout est mis en ' uvre pour rendre l'intrigue farfelue, on comprend qu'elle tourne autour de la mort annoncée d'un roi qui n'en est pas vraiment un. Le théâtre est le lieu où les acteurs, aidés par des costumes traditionnels, jouent des histoires qui n'ont rien de naturelles. Pourtant, au delà des artifices de l'intrigue, le spectateur attentif interprète l'angoisse du roi comme l'angoisse de l'homme face à la solitude, à la mort. Même Hugo émeut le spectateur par des intrigues artificielles, comme celle de Ruy Blas. L'amour entre un laquais et une reine touche malgré l'extravagance de l'intrigue et des obstacles à cet amour. La fantaisie, loin de desservir l'illusion, la rend peut-être plus forte, car elle oblige le spectateur à un décryptage du réel.  Enfin, le langage théâtral est codé, il est éloigné du langage naturel. La tragédie en vers, mais aussi l'écriture en prose possèdent une qualité d'écriture nettement supérieure à celle du quotidien. Avant de passer à la représentation, le théâtre est un texte, et à ce titre, un langage travaillé, parfois jusqu'à la perfection. Même l'absurde n'échappe pas au travail sur le style. Les mots, mis tout de même sur le plan, semblent indépendants des signifiés. Le langage est travaillé par Ionesco de façon à montrer qu'il ne sert pas vraiment la communication entre les hommes, mais plutôt l'absence de communication. Les acteurs se mettent au service d'une langue, d'un texte qui n'a rien de naturel. Le langage dramatique transcende le langage réel et c'est cette supériorité qui renvoie, de manière efficace, au réel.    Un jeu naturel peut donc servir l'illusion, mais la transformation de la réalité par les artifices théâtraux est peut-être plus efficace pour évoquer le vrai. Elle implique plaisir esthétique, du spectacle, de la démesure qui caractérise toute représentation théâtrale.

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