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Grande Peur

Publié le 12/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Grande Peur, mouvement de panique, puis de colère, qui a affecté l'ensemble des campagnes françaises au début de la Révolution, précisément durant la seconde moitié de juillet 1789.

2   DÉFINITION DE LA GRANDE PEUR

Selon la première étude historique faite par Georges Lefebvre (la Grande Peur de 1789, 1932), le mouvement de la Grande Peur serait parti de six foyers très localisés : Romilly (Champagne), Estrées (Picardie), La Ferté (Perche), Ruffec (Poitou), Louhans (Franche-Comté) et Saint-Florentin (Morvan). En fait, des recherches plus récentes ont démontré que les foyers ont été beaucoup plus nombreux. Souvent proches de zones qui ont connu des troubles agraires au printemps 1789, ces six foyers constituent néanmoins un échantillonnage assez complet du monde rural français. Seules quelques régions ont été épargnées par ces troubles — Languedoc, Lorraine, Alsace et Normandie par exemple.

Au point de départ, une rumeur affole les paysans. Le comte d'Artois (frère du roi et futur Charles X) va ravager le Limousin à la tête de son armée alors que des brigands italiens et anglais (étrangers en somme) dévastent les régions voisines. Pour leur résister, les paysans se rassemblent au son du tocsin et s'arment, diffusant de proche en proche l'appel à la résistance. Bientôt, devant reconnaître l'absence d'ennemis, ils retournent leur colère contre les nobles locaux, ces privilégiés qu'ils supposent avoir comploté. Partout, des groupes de paysans armés vont « sus aux châteaux « qu'ils investissent, brisant les armoiries, brûlant parfois les bâtiments, souvent les terriers dans lesquels sont enregistrés les droits féodaux ; certains nobles sont molestés, mais rares sont les exécutions. Ce phénomène se reproduit, pendant une quinzaine de jours à compter du 20 juillet, dans toute la France.

3   CAUSES DE CES MOUVEMENTS

Les causes de ce mouvement de panique sont multiples. La Grande Peur est tout d'abord un phénomène classique d'émotion rurale avant la période des moissons, un moment extrêmement sensible dans l'année d'autant que la récolte 1789 succède à deux très mauvaises années ; les paysans sont donc mobilisés à la plus petite alerte.

Dans un autre registre, le regroupement au son du tocsin, les destructions plus symboliques que réelles des signes de la féodalité, celles des terriers que la réaction féodale a rénovés au début des années 1780, tout cela donne à ces mouvements une très vigoureuse teinture antiféodale plongeant ses racines à la fois dans le moyen terme des jacqueries de l'époque moderne (croquants de la décennie 1640, par exemple) et dans le court terme de la conscience révolutionnaire qu'a donnée à nombre de paysans le travail de rédaction des cahiers de doléances.

Dans un troisième temps, les échos de ce qui se passe à Paris et à Versailles créent une solidarité entre les paysans et les représentants du tiers état, voire avec les vainqueurs de la Bastille : lutter contre les Piémontais ou contre l'armée d'Artois, c'est aussi défendre l'Assemblée nationale constituante, selon un processus assez comparable à celui qui a justement conduit les Parisiens à prendre les armes les 12 et 13 juillet précédents. Ainsi s'enchevêtrent des réflexes collectifs anciens et des peurs récentes liées à une nouvelle conscience politique, dans ce mouvement qui embrase à l'été 1789 la quasi-totalité des campagnes françaises.

4   CONSÉQUENCES DE LA GRANDE PEUR

À l'Assemblée nationale, les réactions à cette émotion sont ambiguës. D'un côté, celle-ci sait qu'elle doit sa reconnaissance à une sédition populaire et qu'elle doit au mécontentement profond des campagnes une partie de sa force — ce qui exclut toute répression systématique. Mais d'autre part, nombre d'élus du tiers état sont également propriétaires de seigneuries, ayant trouvé dans cet investissement l'aboutissement idéal d'une ascension sociale. De plus, ils sont viscéralement attachés au droit de propriété que remet partiellement en cause la destruction des terriers. Enfin, les élus de la noblesse, effrayés, insistent pour qu'un apaisement global intervienne au plus vite et, pour ce faire, acceptent de sacrifier une partie de leur patrimoine : celui, justement, auxquels les paysans se sont symboliquement attaqués. C’est la nuit du 4 août, compromis universel soigneusement mis en scène, qui signe l'abolition des privilèges et la fin de la féodalité tout en sauvant une partie des avantages financiers liés à la possession des fiefs.

La Grande Peur est donc d'une importance capitale dans le processus révolutionnaire de mise à bas de l'Ancien Régime : elle est l'impulsion décisive qui pousse les députés, dans un unanimisme quelque peu forcé, à en finir avec la société d'ordres.

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