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Hassan II, le roi qui a conjugué absolutisme et ouverture

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

23 juillet 1999 Destin contradictoire que celui de Hassan II, dix-septième souverain de la dynastie alaouite, établie en 1666. Son règne de trente- huit ans s'est achevé mieux qu'il n'avait commencé. Le style du monarque vieillissant, sage et paternel, visage marqué et regard las, contraste singulièrement avec celui du beau prince Moulay Hassan, fringant et arrogant, qui avait succédé, en 1961, à Mohammed V ! Le souvenir du jeune roi " flambeur " et impulsif des années 60-70 s'est estompé dans les mémoires, tandis que s'imposait, à partir du conflit du Sahara occidental, en 1975, l'image de l'" Unificateur " des terres et des hommes, titre auquel il aspirait pour devenir le continuateur de son père, surnommé le " Libérateur ". Le tacticien fougueux, avant tout préoccupé de préserver les privilèges de l'absolutisme royal, s'est mué en stratège soucieux de l'avenir de la dynastie et de la nation. S'il n'a pu ou su réduire les zones de pauvreté, en revanche, à l'heure où le tiers- monde ne rêvait que d'industrialisation, il a ordonné la construction d'un réseau de barrages qui ont assuré le pain au peuple. Il s'est inscrit aussi dans la lignée des grands bâtisseurs, a édifié des palais, rénové Casablanca, embelli les villes impériales - Fès, Marrakech, Meknès, Rabat. Il fit construire la mosquée Hassan II, la plus vaste après celle de La Mecque. Au sein d'un monde arabe régenté par des régimes autoritaires, voire sanguinaires, il a fini par faire figure de libéral. L'ombre des prisonniers politiques, assassinés ou maintenus au secret, s'est un peu dissipée avec de tardives et timides mesures de grâce ; il a encouragé le multipartisme, même s'il a tenté d'abaisser les partis, et toléré une presse plurielle, même s'il a bridé sa liberté d'expression. Contesté par les " monstres sacrés " qu'étaient Fayçal d'Arabie, Nasser, Bourguiba, Boumediene, il a réussi à s'imposer parmi ses pairs comme un des chefs d'Etat les plus avisés du monde arabe et de l'Afrique. Au fait des réalités internationales, héritier de l'ancestrale tradition du makhzen (gouvernement royal), il a appris, après des faux pas comme la " guerre des sables " avec l'Algérie, en 1963, que la politique est une longue patience. Nul doute que les deux tentatives de régicide auxquelles, grâce à son sang-froid, il a échappé par miracle en 1971 et 1972, ont favorisé cette métamorphose. " Commandeur des croyants " " Commandeur des croyants ", titre qui fonde sa légitimité, il revêt la djellaba blanche traditionnelle. Simple fidèle musulman, il ceint avec humilité le drap du pèlerinage à La Mecque, faisant oublier son immense fortune à une population dont le tiers vit en dessous du seuil de pauvreté. Gardien du trône, il reçoit l'allégeance de ses sujets du haut de son cheval d'apparat dans le méchouar (palais royal). Chef des armées, il arbore l'uniforme de général, d'amiral (il a été élève officier sur la Jeanne), ou d'aviateur (c'est un pilote accompli). Dans ce pays où le football est roi, il coiffe la casquette du sportif en tenue de golf ou de cavalier. Enfin, le complet-veston traduit la volonté de modernité du souverain, qui souhaitait voir le Maroc adhérer à l'Union européenne. C'est le 9 juillet 1929 qu'il a vu le jour. Dès l'âge de deux ans, il reçoit une double éducation : il apprend l'arabe et le Coran, mais sa gouvernante, puis son précepteur, M. Deville, sont français. Adolescent, il fréquentera l'université de Bordeaux, dont il sortira docteur en droit. Il a sept ans quand le sultan lui fait rendre les honneurs officiels. Peu après commence son initiation aux arcanes du pouvoir et de la diplomatie internationale. Il raconte dans son autobiographie, le Défi (Albin Michel, Paris, 1976), une scène qui l'a marqué : l'entrevue historique d'Anfa, en juin 1943, entre Mohammed V, Franklin Roosevelt et Winston Churchill. " J'étais dans ma quatorzième année et l'on peut imaginer qu'en présence de ces hommes prestigieux j'ouvris bien grands mes yeux et mes oreilles (...). Le président américain déclara que le système colonial était périmé, à son avis condamné (...). Il évoqua le jour, qu'il souhaitait très proche, où, les hostilités ayant pris fin, le Maroc accéderait librement à l'indépendance, selon les principes de la Charte de l'Atlantique. " Moulay Hassan en conservera le goût de la diplomatie. Son père définit sa stratégie par cette formule, inverse de celle du protectorat : " Vers les réformes par l'indépendance ". Le 10 décembre 1943, il parraine la fondation du parti de l' Istiqlal (indépendance), dont le nationaliste Allal El Fassi fera le grand mouvement de libération. Malgré les heurts avec les résidents généraux, Mohammed V se range aux côtés de la France libre : les troupes marocaines participent aux batailles d'Afrique, d'Italie, d'Allemagne. Mais l'indépendance ne vient pas ! Le 10 avril 1947, Mohammed V la réclame dans le célèbre discours de Tanger. Paris réagit en nommant des résidents généraux énergiques, lesquels, contrairement à Lyautey, méprisent les " indigènes ". Premier complot Devenu juriste, Moulay Hassan conseille son père. Il participe à la rédaction du discours du Trône de 1952, considéré comme la charte du nationalisme marocain. L'épreuve de force est engagée entre le palais et la résidence générale. Celle-ci encourage les intrigues du glaoui, pacha de Marrakech, à la tête des conjurés, qui proclament sultan un fantoche, Mohammed Ben Arafa. Mohammed V refuse l'ultimatum du général Guillaume le sommant d'abdiquer. Le 20 août 1953, il est arrêté avec ses deux fils, Hassan et Abdallah ; la famille royale est envoyée en exil en Corse, puis à Madagascar. En Algérie, le soulèvement de novembre 1954 marque l'émergence du FLN et le début de la guerre de libération. Pour éviter un embrasement général de l'Afrique du Nord, la France accélère l'accession à l'indépendance de la Tunisie et du Maroc. Le 16 novembre 1955, Mohammed V, rétabli dans ses droits, regagne triomphalement son pays, qui accède à l'indépendance le 3 mars 1956. Le roi doit alors affronter deux forces qui se sont aguerries dans la lutte anticoloniale : l'armée de libération et l'Istiqlal. A la légitimité dynastique et spirituelle du monarque, elles opposent la légitimité populaire. A l'époque, l'Espagne est présente à Tarfaya, à Ifni, au Sahara espagnol et, au nord, dans les présides de Ceuta et Melilla. La France, elle, prépare l'indépendance de la Mauritanie contre le gré du souverain. Le royaume morcelé entre dans une phase de turbulences, tribales avec les révoltes du Tafilalet (1957) et du Rif (1958-1959), partisanes avec la scission de l'Istiqlal, en 1959, dont l'aile gauche fonde l'UNFP (Union nationale des forces populaires), dominée par la figure charismatique de Mehdi Ben Barka et celle, plus énigmatique, de Mohammed Basri. Les partis veulent continuer la lutte de libération et mener le combat social, alors que le palais entend consolider le trône. Bousculant la tradition selon laquelle le prince héritier était désigné par un conseil d'oulémas après la mort du souverain, Mohammed V proclame dauphin Moulay Hassan, le 9 juillet 1957. Puis il le nomme chef d'état-major et lui confie la tâche d'organiser les Forces armées royales (FAR) en y intégrant les troupes de l'Armée de libération influencées par l'UNFP. Le prince devient une cible : en février 1960 éclate le premier complot visant à l'assassiner. Selon le pouvoir, Mehdi Ben Barka en aurait été le cerveau et Mohammed Basri le bras. Mohammed V congédie le gouvernement, qui compte des membres de l'UNFP, assume la présidence du conseil et confie la vice-présidence et le ministère de la défense à Moulay Hassan, qui contrôle dès lors tous les rouages de l'administration et de l'armée. Une monarchie constitutionnelle Moins d'un an plus tard, le 26 février 1961, Mohammed V s'éteint. " J'ai assisté, raconte un témoin, à la mutation instantanée de ce fils éploré, sanglotant, en proie à la plus profonde douleur, en un souverain qui reprenait pour son compte le vieux cri jadis en faveur à la cour de France : " le Roi est mort, vive le Roi !" Faisant taire ses sentiments personnels, maître de lui, s'occupant de mille détails, donnant des ordres précis, il n'eut plus qu'un seul souci : assurer dans l'heure la relève... ". Hassan II forme son premier gouvernement, le 2 juin 1961. Il se réserve la fonction de premier ministre et des affaires étrangères et attribue l'intérieur à Reda Guedira, qui sera, toute sa vie, son fidèle conseiller ; les autres portefeuilles sont confiés à l'Istiqlal, au Mouvement populaire, au Parti démocrate de l'indépendance. L'UNFP et le Parti communiste sont tenus à l'écart. Exauçant le voeu de Mohammed V d'instituer un " régime démocratique dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle basée sur la séparation des pouvoirs ", Hassan II élabore la Constitution, qui sera approuvée par référendum le 7 décembre 1962. Son article 3 stipule : " Il ne peut y avoir de parti unique. " Hassan II avoue lui-même : " Je ne laisserai pas mettre la monarchie en équation. Il me faut l'approbation de la foi, non celle des sophistes. " Il favorise la multiplication des partis et joue de leurs rivalités pour les affaiblir et les asservir. Le roi règne et gouverne. Le souverain nomme le premier ministre et les ministres, met fin à leurs fonctions, préside le conseil, est chef des FAR, promulgue la loi, exerce le droit de grâce, peut proclamer l'état d'exception. " Le souverain se trouve donc investi d'une triple mission : religieuse, nationale et politique. Il veille au respect de l'islam ; il garantit l'indépendance de la nation ; enfin, il représente l'unité, la pérennité de l'Etat et veille au respect de la Constitution ", ajoute-t-il. Les dix années qui suivent sont les plus noires de son règne. Les conflits avec les partis sont constants. En juillet 1963, on découvre un nouveau complot tendant à renverser le régime et à assassiner le roi ; Mehdi Ben Barka et Mohammed Basri sont encore mis en cause ; ils seront condamnés à mort par contumace moins d'un an plus tard, tandis que la répression s'abat sur l'UNFP. Mehdi Ben Barka dénonce ce " régime théocratique et féodal qui tendrait à ressusciter les structures médiévales de la société traditionnelle marocaine ". La situation économique est mauvaise, les tensions sociales très vives. En mars 1965, des émeutes mettent à feu et à sang Casablanca, Rabat et Fès. Le Parlement reflète le malaise populaire. Hassan II lui reproche d'être " un champ clos où les partis prétendent régler leurs comptes particuliers ". Le couperet de l'état d'exception ne va pas tarder à tomber. Le 7 juin, alors que la Chambre délibère, Reda Guedira, pourtant féal du roi, déclare à Louis Gravier, correspondant du Monde : " Vous constatez que les institutions constitutionnelles fonctionnent sans entrave ni contrainte... Eh bien, malgré cela, dans moins de deux heures, on les déclarera superflues ! C'est à noter pour l'histoire " ( Le Monde du 9 juin 1965). La Chambre est dissoute, le pouvoir absolu rétabli. L'affaire BEN BARKA En octobre 1965, Mehdi Ben Barka, dont la personnalité et l'audience inquiètent Hassan II, est enlevé en plein Paris et secrètement assassiné. L'opération a été montée par le général Oufkir, tout-puissant ministre de l'intérieur, et son adjoint, le colonel Dlimi. S'ouvre alors un interminable procès qui conduit Paris et Rabat au bord de la rupture. " Il faut que les vrais responsables, Oufkir et Dlimi, soient condamnés. Le roi, bien entendu, est complice et même l'inspirateur du crime ", confiera de Gaulle à Vincent Monteil, le 4 avril 1967 ( Le Maroc, Seuil, coll. " Petite Planète ", Paris). Il faudra attendre l'élection de Georges Pompidou, en 1969, pour que les relations bilatérales retrouvent un cours normal, puis amical. Au Maroc, la grogne est étouffée. La monarchie avait récupéré pacifiquement la province de Tarfaya, en 1958, et celle d'Ifni, en 1960. Embourbé dans les querelles intestines, le roi ignore les mouvements autonomistes qui se créent au Sahara espagnol. Il craint que les partis marocains qui les soutiennent ne cherchent à l'attirer dans un piège en prônant la libération de ce territoire. Grave erreur ! En juillet 1970, Hassan II soumet à référendum une nouvelle Constitution. Pour limiter " le jeu stérile des partis ", il a renforcé l'exécutif et réduit les pouvoirs du Parlement. L'Istiqlal, l'UNFP et les syndicats appellent à voter " non " tandis qu'Allal El Fassi stigmatise " l'état d'exception permanent ". Les élections législatives qui suivent sont truquées. Des jacqueries éclatent dans les campagnes. Le 10 juillet 1971, le roi organise une somptueuse réception au palais de Skhirat. A 14 h 8, les cadets de l'Ecole d'Ahermoumou ouvrent le feu. Une tuerie ! Ils sont commandés par le lieutenant-colonel Ababou, qui est de mèche avec le général Medbouh, directeur de la maison militaire du roi. Le trône vacille. A 17 heures, le monarque, enfermé dans un réduit, retourne la situation : il se fait reconnaître de ses geôliers, qui implorent le pardon. Les chefs de la conjuration sont arrêtés ; ils seront exécutés et leurs complices envoyés au bagne. Ce n'est que le premier acte. " Changer quelque chose à ma façon de gouverner " ! C'est ce que décide enfin le souverain. Il déclenche une campagne contre la corruption, adopte des mesures sociales, fait des ouvertures aux partis... Une Constitution plus libérale, accordant des responsabilités accrues au Parlement, est soumise au peuple et approuvée le 1er mars 1972. Pourtant, l'opposition est sceptique et l'armée en proie au doute. Le 16 août 1972, le Boeing 727 qui ramène Hassan II de Paris est pris en chasse par des F-5 qui veulent l'obliger à atterrir à la base de Kenitra. Malgré les tirs de roquettes, le roi ordonne d'atterrir en catastrophe à Rabat. Au moment où il quitte le salon d'honneur, une nouvelle rafale est tirée. Il a la baraka : il est sauf. C'est Oufkir, ministre de la défense, qui a organisé le putsch manqué. Convoqué au Palais, il s'y serait donné la mort, selon la version officielle. La marche verte 1973 est l'année du bon tournant. A l'intérieur, Hassan II obtient une première adhésion avec la marocanisation des terres reprises aux étrangers. A l'extérieur, il déploie son génie diplomatique. Dès février, il réduit la menace de l'armée en envoyant en Syrie un contingent qui se battra avec bravoure sur le Golan pendant la guerre d'octobre contre Israël. Après le sommet de Rabat (1969) dont naîtra l'Organisation de la conférence islamique (OCI), le Maroc s'était replié sur lui-même. Cette fois, il revient en force sur la scène arabe et musulmane. Il y jouera un rôle déterminant. Entre-temps, le Front Polisario, né en 1973, entame la lutte armée contre l'Espagne au Sahara occidental et obtient le soutien de la Libye de Kadhafi et de l'Algérie de Boumediène. Madrid envisage d'accorder l'indépendance au territoire. Les partis sont les premiers à alerter le roi. Il prend l'affaire en main, en associant toutes les forces politiques du pays. Il obtient secrètement, en 1974, le ralliement de la Mauritanie, alliée de l'Algérie, mais n'envisage pas un conflit armé avec l'Espagne. Il organise alors une gigantesque mise en scène : la Marche verte. Partis de Tarfaya, drapeaux en tête, Coran à la main, 350 000 Marocains déferlent pacifiquement jusqu'à la frontière du territoire contesté. Le 14 novembre 1975, l'accord de Madrid consacre le partage du Sahara entre Rabat et Nouakchott. Boumediène oppose au roi le droit des peuples à l'autodétermination dans les frontières héritées de la colonisation. Il soutient donc le Polisario et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée le 27 février 1976. Les troupes marocaines subissent de nombreux revers et en 1978 la Mauritanie, ruinée, se retire du conflit. L'armée avait été épurée après les putschs manqués. La voilà humiliée par des maquisards en guenilles. En mai 1980, Hassan II met au point la stratégie des " murs " de défense qui vont être édifiés le long des frontières algérienne et mauritanienne : les FAR contrôlent le terrain, mais leur succès est imputé au souverain, qui, de plus, leur a rendu l'honneur. Il est moins heureux sur le plan diplomatique, puisque le vingtième sommet de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) admet en son sein la RASD. Le Maroc se retire de l'organisation. Réconciliation Manoeuvrier, Hassan II atténue cet échec par un complexe jeu diplomatique régional et international. Président du Comité al Qods (Jérusalem), il soutient l'OLP, mais maintient des contacts discrets avec Israël. Il accueille plusieurs sommets arabes et de l'OCI en faisant prévaloir une ligne modérée. A Fès, en septembre 1982, il fait adopter le plan de paix du roi Fahd d'Arabie. En reconnaissant implicitement Israël, le monde arabe substitue à sa stratégie de guerre une stratégie de paix. En 1980, il soutient l'Irak contre l'Iran de Khomeini. L'axe Rabat-Le Caire-Amman- Bagdad lui vaut le soutien des Occidentaux et la reconnaissance, notamment financière, des pétro-monarchies de la péninsule Arabique. Pour contrer l'Algérie, qui cherche à l'isoler en signant, en 1983, un traité de fraternité et de concorde avec la Tunisie et la Mauritanie, il conclut, en 1984, avec le colonel Kadhafi, un traité d'union entre le Maroc et la Libye. Ce mariage contre nature lui donne le répit nécessaire pour consolider ses positions au " Sahara marocain ". Puis la visite que lui rend, en 1986, Shimon Pérès, lui permettra d'apporter la preuve de la bonne volonté arabe, et, accessoirement, de profiter des virulentes critiques de Kadhafi pour mettre un terme à l'encombrante union avec Tripoli, qui indispose les Etats-Unis. Les succès diplomatiques ne suppriment pas les problèmes intérieurs, mais ils les atténuent. Au conflit saharien qui coûte cher se sont ajoutées de catastrophiques années de sécheresse. En janvier 1984, les " émeutes de la vie chère " embrasent plusieurs villes du pays. Hassan II laisse le Parlement jouer son rôle, encourage l'initiative privée, lance une politique d'autonomie communale et de décentralisation. Il favorise dans les grandes villes et les régions la création d'associations qui jouent le rôle de mécènes pour préserver le patrimoine et rendre la vie quotidienne plus agréable. Tolérée sinon encouragée, l'économie souterraine, qui représente environ 50 % du produit national brut (PNB), contribue à réduire les tensions. Face à la montée de l'islamisme, Hassan II ne se contente pas d'opposer son titre de " Commandeur des croyants ". Il adopte une double démarche, moderniste et traditionnelle : il rénove Casablanca, principal foyer d'agitation urbain du royaume ; parallèlement, il " marocanise " cette ville européenne et la dote de la mosquée qui porte son nom, le " sanctuaire splendide ". La souscription populaire, volontaire mais en réalité obligatoire, a donné lieu à des abus et à des scandales, mais le roi a aussi " fait payer les riches ". Hassan II était cependant trop avisé pour ne pas avoir conscience des menaces qui guettaient le royaume : la démographie, le conflit saharien, les lacunes du développement solitaire, le défi européen de 1993. Il a donc pris l'initiative de se réconcilier sérieusement avec l'Algérie. Il a ainsi permis au président Chadli Bendjedid de réunir près d'Alger, le 10 juin 1988, le premier sommet maghrébin de l'histoire. Le 17 février 1989, il a réuni à Marrakech le deuxième sommet, qui a fondé l'Union du Maghreb arabe. Certes, ce Grand Maghreb groupant la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie reste à construire. Hassan II aura néanmoins légué à son fils, Mohammed VI, un Maroc plus structuré, plus uni - et peut-être moins féodal - que celui dont il avait hérité. PAUL BALTA Le Monde du 26 juillet 1999

Ville du Maroc, chef-lieu de la province de Meknès et de la région de Meknès-Tafilalet, dans le nord du pays, sur le plateau de Saïs, entre le Rif et le Moyen Atlas. Capitale du pays de 1672 à 1727. Inscrite depuis 1996 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa ville historique de style hispano-mauresque.

Population : 850 000 habitants.

« Premier complot Devenu juriste, Moulay Hassan conseille son père.

Il participe à la rédaction du discours du Trône de 1952, considéré commela charte du nationalisme marocain.

L'épreuve de force est engagée entre le palais et la résidence générale.

Celle-ci encourage lesintrigues du glaoui, pacha de Marrakech, à la tête des conjurés, qui proclament sultan un fantoche, Mohammed Ben Arafa.Mohammed V refuse l'ultimatum du général Guillaume le sommant d'abdiquer.

Le 20 août 1953, il est arrêté avec ses deux fils,Hassan et Abdallah ; la famille royale est envoyée en exil en Corse, puis à Madagascar. En Algérie, le soulèvement de novembre 1954 marque l'émergence du FLN et le début de la guerre de libération.

Pour éviterun embrasement général de l'Afrique du Nord, la France accélère l'accession à l'indépendance de la Tunisie et du Maroc.

Le 16novembre 1955, Mohammed V, rétabli dans ses droits, regagne triomphalement son pays, qui accède à l'indépendance le 3 mars1956. Le roi doit alors affronter deux forces qui se sont aguerries dans la lutte anticoloniale : l'armée de libération et l'Istiqlal.

A lalégitimité dynastique et spirituelle du monarque, elles opposent la légitimité populaire.

A l'époque, l'Espagne est présente àTarfaya, à Ifni, au Sahara espagnol et, au nord, dans les présides de Ceuta et Melilla.

La France, elle, prépare l'indépendance dela Mauritanie contre le gré du souverain. Le royaume morcelé entre dans une phase de turbulences, tribales avec les révoltes du Tafilalet (1957) et du Rif (1958-1959),partisanes avec la scission de l'Istiqlal, en 1959, dont l'aile gauche fonde l'UNFP (Union nationale des forces populaires),dominée par la figure charismatique de Mehdi Ben Barka et celle, plus énigmatique, de Mohammed Basri.

Les partis veulentcontinuer la lutte de libération et mener le combat social, alors que le palais entend consolider le trône. Bousculant la tradition selon laquelle le prince héritier était désigné par un conseil d'oulémas après la mort du souverain,Mohammed V proclame dauphin Moulay Hassan, le 9 juillet 1957.

Puis il le nomme chef d'état-major et lui confie la tâched'organiser les Forces armées royales (FAR) en y intégrant les troupes de l'Armée de libération influencées par l'UNFP. Le prince devient une cible : en février 1960 éclate le premier complot visant à l'assassiner.

Selon le pouvoir, Mehdi Ben Barkaen aurait été le cerveau et Mohammed Basri le bras.

Mohammed V congédie le gouvernement, qui compte des membres del'UNFP, assume la présidence du conseil et confie la vice-présidence et le ministère de la défense à Moulay Hassan, qui contrôledès lors tous les rouages de l'administration et de l'armée. Une monarchie constitutionnelle Moins d'un an plus tard, le 26 février 1961, Mohammed V s'éteint.

" J'ai assisté, raconte un témoin, à la mutation instantanéede ce fils éploré, sanglotant, en proie à la plus profonde douleur, en un souverain qui reprenait pour son compte le vieux cri jadisen faveur à la cour de France : " le Roi est mort, vive le Roi !" Faisant taire ses sentiments personnels, maître de lui, s'occupant demille détails, donnant des ordres précis, il n'eut plus qu'un seul souci : assurer dans l'heure la relève...

". Hassan II forme son premier gouvernement, le 2 juin 1961.

Il se réserve la fonction de premier ministre et des affairesétrangères et attribue l'intérieur à Reda Guedira, qui sera, toute sa vie, son fidèle conseiller ; les autres portefeuilles sont confiés àl'Istiqlal, au Mouvement populaire, au Parti démocrate de l'indépendance.

L'UNFP et le Parti communiste sont tenus à l'écart. Exauçant le voeu de Mohammed V d'instituer un " régime démocratique dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle baséesur la séparation des pouvoirs ", Hassan II élabore la Constitution, qui sera approuvée par référendum le 7 décembre 1962.

Sonarticle 3 stipule : " Il ne peut y avoir de parti unique.

" Hassan II avoue lui-même : " Je ne laisserai pas mettre la monarchie enéquation.

Il me faut l'approbation de la foi, non celle des sophistes.

" Il favorise la multiplication des partis et joue de leurs rivalitéspour les affaiblir et les asservir.

Le roi règne et gouverne. Le souverain nomme le premier ministre et les ministres, met fin à leurs fonctions, préside le conseil, est chef des FAR,promulgue la loi, exerce le droit de grâce, peut proclamer l'état d'exception.

" Le souverain se trouve donc investi d'une triplemission : religieuse, nationale et politique.

Il veille au respect de l'islam ; il garantit l'indépendance de la nation ; enfin, il représentel'unité, la pérennité de l'Etat et veille au respect de la Constitution ", ajoute-t-il. Les dix années qui suivent sont les plus noires de son règne.

Les conflits avec les partis sont constants.

En juillet 1963, ondécouvre un nouveau complot tendant à renverser le régime et à assassiner le roi ; Mehdi Ben Barka et Mohammed Basri sontencore mis en cause ; ils seront condamnés à mort par contumace moins d'un an plus tard, tandis que la répression s'abat surl'UNFP.

Mehdi Ben Barka dénonce ce " régime théocratique et féodal qui tendrait à ressusciter les structures médiévales de la. »

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