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Huis Clos de Jean Paul Sartre : Une tragédie ou non ?

Publié le 20/07/2010

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« L’enfer, c’est les autres «, la phrase prononcée par Garcin est devenue célèbre. C’est en 1944, dans le petit mais néanmoins prestigieux théâtre du Vieux Colombier que le public peut applaudir pour la première fois Huis Clos, chef-d’œuvre de Jean Paul Sartre. Peut-on dire que Huis Clos est une tragédie ? Dans un premier temps, nous présenterons des aspects de la pièce qui l’éloignent du genre tragique, puis nous rendrons compte qu’il s’agit d’une tragédie.    La tragédie est caractérisée par la présence de la souffrance et les situations extrêmes ; des puissances supérieures (dieux) qui accablent l’homme en niant sa liberté. Les enjeux du registre tragique sont le pouvoir, la violence, la raison d’état. Le rôle du destin est déterminant, les héros tragiques sont condamnés par une fatalité. Nous ne trouvons pas ces caractéristiques dans Huis Clos, en effet, il est marqué par l’absence du champ lexical de la souffrance. On observe un manque de référence aux dieux. Les protagonistes de Huis Clos avaient leur liberté d’agir ; ils sont responsables de leurs faits et gestes, ils ne sont pas frappés par la justice ou la vengeance des dieux. Ils ne sont pas sujets de pouvoir, ni de raison d’état.  Le registre tragique suscite chez le spectateur des sentiments intenses : admirations, craintes et compassion. Dans Huis Clos, nous ne ressentons aucunes de ses trois sensations. En effet, les personnages étant anodins, ne suscite en aucun cas chez les spectateurs l’admiration. De plus, les personnages punis de leurs fautes ne méritent en aucun cas de la compassion. Étant tous les trois déjà morts, ils ne suscitent pas la crainte.  Contrairement à la tragédie, où les héros sont de grands personnages légendaires ou historiques, qui se distinguent par leur valeur exceptionnelle ; ou dans les tragédies antiques où les personnages principaux étaient issus de la mythologie. Dans Huis Clos, les protagonistes sont réels, ce ne sont ni des personnages légendaires, ni des personnages historiques. Ils ne sont pas non plus issus de la mythologie, ce ne sont pas des personnages hors du commun.    La tragédie étant un genre caractéristique du classicisme, on peut attendre d’une tragédie moderne les mêmes règles des 3 unités : l’unité de temps, unité de lieux, unité d’action. Nous retrouvons dans la pièce de théâtre de Jean Paul Sartre ces 3 unités. En effet, l’action se déroule en un temps limité. De plus, la scène se passe dans un seul lieu qui est un salon, style second Empire. L’action principale est l’enfermement des 3 personnages en Enfer.  Les acteurs sont frappés par le sort : la fatalité les poursuit. Ils n’ont pas choisi d’être là, obligés d’être enfermé pour l’éternité avec des personnes qu’ils ne supportent pas. Ils sont coupables mais pas plus que beaucoup d’autres, leurs punitions sont supérieurs à la faute. Ils sont frappés par un destin tragique : Quelqu’un a décidé de les placer ensemble pour l’éternité.  Par sa pensée philosophique, Huis Clos est avant tout une œuvre tragique. Elle se déroule ailleurs et après la mort pour mieux illustrer le caractère tragique de la condition humaine. L’attente dans laquelle s’installent les personnages est angoissante. Naturellement, l’attente implique une fin heureuse ou malheureuse. On attend quelqu’un ou quelque chose. Dans cette pièce, l’attente est sans but, sans fin, puisqu’il n’y a rien : c’est une attente dénudée de sens. Les trois protagonistes se débattent sans cesse pour échapper à leurs situations mais l'Enfer finit par reprendre le dessus. L’impuissance des personnages figés dans la mort ne peut qu’engendrer une certaine angoisse chez les spectateurs.    Ces indices nous aident à y voir mieux. Nous pouvons ainsi rendre compte des aspects de la pièce qui l’approchent de la tragédie. Nous pouvons évidemment nous interroger sur le sens de « L’Enfer, c’est les autres « On peut comprendre par là que nos relations avec autrui sont toujours empoisonnées. Mais est-ce vraiment le sens de cette phrase ? On peut aussi penser que les autres sont au fond ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons ses connaissances que les autres ont déjà sur nous. Ce qui veut dire que si mes rapports avec les autres sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui. Et en effet alors, je suis en Enfer.

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