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La Bulgarie tombe dans l'orbite russe

Publié le 22/02/2012

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9 septembre 1944 - Les forces du Reich hitlérien reculent sur les fronts balkaniques. La Roumanie, fidèle satellite de l'Allemagne, se déclare, à la suite du coup d'Etat du 23 août, " cobelligérante " aux côtés des Alliés. A Sofia, les milieux dirigeants se préparent à changer de camp. Cependant, la situation de la Bulgarie est sensiblement différente. Les forces armées de son voisin roumain étaient engagées dans la " croisade antibolchevique " depuis trois ans. Les Bulgares, eux, ne sont pas en état de guerre avec les Soviétiques. Personne n'a oublié qu'en 1878 les Russes avaient mis fin à cinq siècles d'occupation ottomane; d'où les sentiments sincèrement russophiles de la nation. Aujourd'hui encore, l'imposante statue équestre du " tsar libérateur " Alexandre II se dresse au centre de la capitale. Les dirigeants conservateurs de la Bulgarie entretiennent les meilleures relations possibles avec l'URSS. D'ailleurs, le pays a bénéficié des retombées diplomatiques du pacte germano-soviétique d'août 1939. C'est ainsi que, en septembre 1940, sur les " recommandations " de Moscou (et avec l'accord de Berlin), la Roumanie avait rétrocédé à la Bulgarie la région de Dobroudja du Sud, territoire de 7 500 kilomètres carrés arraché, en 1912, à l'issue de la seconde guerre balkanique. En mars 1941, les Soviétiques préconisent même la conclusion d'un pacte militaire : trois cent mille citoyens bulgares signent une pétition en faveur du projet présenté par Sobolev, secrétaire général du ministère soviétique des affaires étrangères accueilli à Sofia. Mais après avoir hésité, le gouvernement royal refuse la proposition, vraisemblablement impressionné par les succès croissants que remportent les Allemands, partenaires principaux de la Bulgarie dans le domaine économique. Des revendications nationalistes satisfaites Après ses victoires en Europe occidentale, Hitler s'attaque à la Yougoslavie et à la Grèce, deux pays également voisins de la Bulgarie, qui adhère-du moins formellement-au pacte anti-Komintern. Pourtant, contrairement aux Roumains et aux Hongrois, entraînés en juin 1941 par Hitler dans la guerre contre l'URSS, aucun soldat bulgare n'est envoyé sur le front russe. Les relations diplomatiques sont maintenues entre Moscou et Sofia, alors que la participation active de la Bulgarie au démembrement de la Yougoslavie provoque la rupture avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. En effet, grâce aux facilités logistiques offertes aux troupes allemandes, les Bulgares sont " autorisés " par Hitler à annexer une grande partie de la Macédoine yougoslave, à laquelle s'ajoute une partie du territoire grec, vieilles revendications nationalistes enfin satisfaites. En ce mois d'août 1944, comprenant que la défaite allemande est désormais inévitable, les dirigeants de Sofia proposent l'armistice à Londres et à Washington. Depuis la mort en août 1943 du roi Boris III dans des circonstances jamais éclaircies, après une visite au quartier général du Führer, la Bulgarie est gouvernée par un conseil de régence hétérogène. La résistance s'organise autour d'un Front patriotique composé de représentants de quatre partis clandestins parmi lesquels le PC et dont le chef n'est autre que Georgoui Dimitrov, le héros du fameux procès de l'incendie du Reichstag. Installé à Moscou (avec d'autres personnalités du Komintern), Dimitrov s'adresse quotidiennement à ses compatriotes par radio, pour les exhorter à combattre " le fascisme et ses laquais ". Au lendemain même de la libération de Paris, les émissaires du gouvernement royal se rendent au Caire auprès des Alliés anglo-américains. A Sofia, le comité central du Parti communiste clandestin diffuse une lettre adressée à ses militants. L'objectif assigné est le renversement de la monarchie et son remplacement par un pouvoir fondé sur le Front patriotique. Du côté du gouvernement bulgare, on multiplie les décisions pour améliorer l'image de marque défavorable d'un régime qui a sombré dans la collaboration avec les Allemands. Les mesures discriminatoires prises contre les juifs sont abolies le 25 août. Il est vrai que de tous les pays envahis par Hitler, seule la Bulgarie a pu empêcher la déportation de ses citoyens juifs. Le 3 septembre 1944, le nouveau gouvernement, profondément remanié et présidé par Constantin Mouraviev, appartenant à l'aile droite des agrariens, annonce l'amnistie pour les prisonniers politiques, la neutralité inconditionnelle du pays et le retrait des unités bulgares des territoires yougoslaves et grecs annexés. Contraint et forcé, le processus de démocratisation pacifique est néanmoins en marche. Dans la capitale égyptienne, les deux alliés occidentaux engagés dans les négociations avec les représentants bulgares ne mettent aucune hâte à conclure un armistice. Il se révélera beaucoup plus tard qu'il existe déjà une entente tacite avec les Soviétiques sur le partage des zones d'influence des Balkans, réalisé avant même la tristement célèbre " formule des pourcentages " proposée par Churchill et acceptée par Staline. Cela explique l'intransigeance du Front patriotique, dont les dirigeants communistes appliquent les instructions reçues de Moscou et refusent de coopérer avec le nouveau gouvernement, qu'ils savent condamné. Le 5 septembre 1944, les premières unités de l'armée rouge atteignent la frontière. Contre toute attente, le gouvernement soviétique déclare la guerre à la Bulgarie, " qui n'a pas observé une attitude neutre envers l'URSS ". Le même jour, à Sofia et en province, les résistants déclenchent une série d'opérations parfaitement synchronisées... Les événements se succèdent pendant qu'au Caire les négociations avec les Anglo-Américains sont dans l'impasse. Le gouvernement royal bulgare, surpris par la décision du Kremlin, demande aussitôt l'armistice à l'Union soviétique sans obtenir la moindre réponse. Bien entendu, du côté bulgare, aucun coup de feu n'est tiré. L'armée rouge pénètre en Bulgarie, partout cordialement accueillie par la population. Trois jours plus tard, le gouvernement, qui n'est manifestement plus maître de la situation, déclare la guerre à l'Allemagne: le 8 septembre, la Bulgarie se trouve techniquement en état de guerre à la fois avec les Allemands, les Soviétiques, les Britanniques et les Américains sans qu'un seul de ses soldats soit engagé dans les combats... Un pays en état d'insurrection Le sort du gouvernement royal est scellé. L'interdiction des réunions du Front patriotique, sorti de la clandestinité dans la soirée, déclenche la grève générale : les résistants armés se joignent aux unités motorisées de l'armée rouge commandées par le futur maréchal Tolboukhine, qui franchissent sur plusieurs points le Danube et progressent rapidement à travers un pays en état d'insurrection. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, les résistants, soutenus par les Soviétiques, pénètrent dans Sofia. Ils occupent les centres administratifs et arrêtent les membres du conseil de gérance et du gouvernement royal. Au cours de la journée du 9 septembre, Radio-Sofia annonce l'entrée en fonctions du gouvernement présidé par le colonel Kimon Gueorguiev. Sur seize ministres, quatre seulement appartiennent au Parti communiste. Mais ils occupent les postes clés, dont celui de l'intérieur et de la justice. La politique de " non-belligérance " pratiquée par les anciens dirigeants avait évité à la Bulgarie de se transformer en champ de bataille. Mais quatre cent cinquante mille de ses soldats, mobilisés en quelques semaines par le nouveau régime, participeront à la phase finale de la seconde guerre mondiale; les pertes s'élevèrent à trente mille tués et blessés. Et pendant que les soldats bulgares combattent en Yougoslavie, en Hongrie et enfin en Allemagne les armées en déroute du IIIe Reich, les tribunaux populaires improvisés prononcent à travers le pays 10897 condamnations, dont 2138 condamnations à mort. Depuis, le 9 septembre est devenu la fête nationale de la Bulgarie, cette démocratie populaire modèle, l'une des plus fidèles alliés de l'Union soviétique en Europe orientale. THOMAS SCHREIBER Le Monde du 9-10 septembre 1984
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« mettent aucune hâte à conclure un armistice.

Il se révélera beaucoup plus tard qu'il existe déjà une entente tacite avec lesSoviétiques sur le partage des zones d'influence des Balkans, réalisé avant même la tristement célèbre " formule despourcentages " proposée par Churchill et acceptée par Staline. Cela explique l'intransigeance du Front patriotique, dont les dirigeants communistes appliquent les instructions reçues deMoscou et refusent de coopérer avec le nouveau gouvernement, qu'ils savent condamné. Le 5 septembre 1944, les premières unités de l'armée rouge atteignent la frontière.

Contre toute attente, le gouvernementsoviétique déclare la guerre à la Bulgarie, " qui n'a pas observé une attitude neutre envers l'URSS ".

Le même jour, à Sofia et enprovince, les résistants déclenchent une série d'opérations parfaitement synchronisées... Les événements se succèdent pendant qu'au Caire les négociations avec les Anglo-Américains sont dans l'impasse.

Legouvernement royal bulgare, surpris par la décision du Kremlin, demande aussitôt l'armistice à l'Union soviétique sans obtenir lamoindre réponse.

Bien entendu, du côté bulgare, aucun coup de feu n'est tiré. L'armée rouge pénètre en Bulgarie, partout cordialement accueillie par la population.

Trois jours plus tard, le gouvernement, quin'est manifestement plus maître de la situation, déclare la guerre à l'Allemagne: le 8 septembre, la Bulgarie se trouvetechniquement en état de guerre à la fois avec les Allemands, les Soviétiques, les Britanniques et les Américains sans qu'un seulde ses soldats soit engagé dans les combats... Un pays en état d'insurrection Le sort du gouvernement royal est scellé.

L'interdiction des réunions du Front patriotique, sorti de la clandestinité dans lasoirée, déclenche la grève générale : les résistants armés se joignent aux unités motorisées de l'armée rouge commandées par lefutur maréchal Tolboukhine, qui franchissent sur plusieurs points le Danube et progressent rapidement à travers un pays en étatd'insurrection. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, les résistants, soutenus par les Soviétiques, pénètrent dans Sofia.

Ils occupent les centresadministratifs et arrêtent les membres du conseil de gérance et du gouvernement royal. Au cours de la journée du 9 septembre, Radio-Sofia annonce l'entrée en fonctions du gouvernement présidé par le colonelKimon Gueorguiev.

Sur seize ministres, quatre seulement appartiennent au Parti communiste. Mais ils occupent les postes clés, dont celui de l'intérieur et de la justice. La politique de " non-belligérance " pratiquée par les anciens dirigeants avait évité à la Bulgarie de se transformer en champ debataille.

Mais quatre cent cinquante mille de ses soldats, mobilisés en quelques semaines par le nouveau régime, participeront à laphase finale de la seconde guerre mondiale; les pertes s'élevèrent à trente mille tués et blessés. Et pendant que les soldats bulgares combattent en Yougoslavie, en Hongrie et enfin en Allemagne les armées en déroute du III e Reich, les tribunaux populaires improvisés prononcent à travers le pays 10897 condamnations, dont 2138 condamnations à mort. Depuis, le 9 septembre est devenu la fête nationale de la Bulgarie, cette démocratie populaire modèle, l'une des plus fidèlesalliés de l'Union soviétique en Europe orientale. THOMAS SCHREIBER Le Monde du 9-10 septembre 1984 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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