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La critique Andrea del Lungo définit l'incipit comme « le lieu stratégique du texte ». En quoi l'ouverture d'un roman est-elle révélatrice du regard de l'écrivain sur l'Homme et le monde ?

Publié le 26/04/2011

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Introduction :

L'incipit, (du latin incipio qui signifie : commencer) désigne comme son nom l'indique le début d'une oeuvre, plus généralement d'un roman. Comme l'exprime la critique Andrea Del Lungo, l'incipit peut être ainsi qualifié de « Lieu stratégique du texte «. Au travers de divers mouvement littéraires, il saura s'adapter dans différents styles, mais conserve cependant son rôle principal, celui d'informer, d'intéresser et d'établir un pacte avec le lecteur. Selon les périodes, cette ouverture se structurera de manière évolutive et accentuera les multiples genres parcourus depuis la naissance du roman, courant XIIème siècle avec par exemple Le Chevalier de la charrette.

(Problématique :) Nous pouvons nous demander alors comment l'écrivain révèle-t-il sa perception personnelle de l'Homme et du monde grâce aux divers composants de son incipit ? Pour cela, l'observation du style traditionnel utilisé par Mme de Lafayette ou encore par Zola deux siècles plus tard, révèle la complémentarité de ce style avec la notion de révélation de la part de l'écrivain. Puis, en opposition à la tradition, l'originalité semble venir inclure à l'incipit les différents points de vue de l'auteur sur l'Homme et le monde. Enfin, au-delà des particularités et des choix stylistiques de l'écriture, l'écrivain donne par le genre littéraire de son oeuvre, un appui considérable à ses partis-pris. I. Le regard de l'écrivain sur l'Homme et le monde grâce à un incipit traditionnel Nombreux sont les incipit, depuis la naissance du roman, qui ont laissé percevoir les diverses visions de l'écrivain sur l'Homme et le monde qui l'entoure par l'utilisation d'un style traditionnel et coutumier. Les romanciers tels Flaubert, Zola et Maupassant au XIXe, ont développé en début de roman, des incipit que nous pourrions assimiler à des scènes d'expositions. Répondant à la fois au pourquoi et au comment, ces divers auteurs plongent le lecteur dans une description détaillée du contexte où ils prennent le plus grand soin à insérer et brosser les portraits de leurs personnages. C'est ainsi par exemple que Boule de suif correspond parfaitement à la notion de mise en contexte. En effet, écrivain pendant le mouvement naturaliste, Maupassant entame son incipit par un rappel historique qui permet instantanément au lecteur de s'immerger dans le contexte du récit dès la toute première phrase: « Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d'armée en déroute avaient traversé la ville. « De même, Zola, en 1877, fera transparaitre sa vision de l'Homme dans L'Assommoir avec un style tout aussi traditionnel mais qui, à la différence de Maupassant proposera au lecteur un incipit « in media res «, c'est-à-dire une ouverture qui plonge le lecteur dans le roman sans peindre les différents caractères de ses personnages ou de la situation : «Gervaise avait attendu Lantier jusqu'à deux heures du matin.« Le lecteur ne sait pas qui est Gervaise, qui est Lantier ni même dans quel cadre se place le récit. Ainsi, Zola instaure un incipit progressif qui divulgue petit à petit les questions que se pose le lecteur pour ne les lui révéler qu'au cours du récit. Muni d'un registre pathétique – venu du latin pathos qui signifie souffrance, l'écrivain introduira, à sa manière, sa vision du monde dans cet incipit. Rappelons que dix ans après la publication de L'Assommoir, théoricien du naturalisme s'engagera dans le journal L'Aurore avec sa critique intitulée J'Accuse, publiée à la suite de l'Affaire Dreyfus pour laquelle il sera condamné à l'exil. Peut-être aura-t-il ici aussi souhaité profiler sa conception de l'Homme et/ou du monde. Bien qu'une grande majorité des incipit de romans aient été construits sur une structure traditionnelle avec le même soin que Maupassant et Zola, de nouvelles formes originales se sont alors diffusées depuis le début du XXe siècle avec l'arrivée du surréalisme. II. Le regard de l'écrivain sur l'Homme et le monde grâce à l'originalité de son incipit. Avec l'arrivée du XXe siècle, l'incipit va se modifier, peu à peu, en un passage de roman à part entière. Ayant subi quelques changement suite à la première Guerre Mondiale, la littérature se choisira comme nouvelles fondations le refus de toute construction logique de l'esprit. C'est ainsi que Louis Aragon entreprend, dans son roman Aurélien, de casser la première approche de l'incipit. En lien direct avec la vision du monde, l'écrivain ouvre son récit par « La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. « Tant sur le point du font que de la forme, l'incipit se trouve revalorisé et offre à l'écrivain un espace plus vaste pour lui permettre d'aboutir à son dessein, libérer l'homme des morales qui le contraignent. À la fois absurde de par son langage et sa structure originale, l'incipit ne séduit plus le lecteur par le charme de son contexte ou par la minutie de ses descriptions. De plus, l'ouverture d'Aurélien s'oppose à la finesse des récits tels que ceux de Mme de Lafayette, puisqu'elle joue des figures de styles dites négligentes pour l'époque comme, par exemple, la répétition du mot étoffe en début d'incipit « Une étoffe qu'il n'aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes. « De la même manière, Camus traite dans l'incipit de L'Étranger, une certaine rupture de langage qui traduit une certaine lassitude du monde. Une action à la connotation dramatique vient ici endosser un intérêt minime pour le personnage « Aujourd'hui, maman est morte «. Là encore, Camus transcrit ainsi l'image tragique de l'Homme et l'absurdité du monde fragmenté qui lui donne cependant la faculté d'écrire et de se dire écrivain. L'absence de cadre strict permet à l'écrivain d'exprimer ses impressions quand bon lui semble et d'exprimer avec naturel une souffrance et une froideur réelle alors que le récit se situe dans le mouvement littéraire de l'Absurde. Ainsi Camus et Aragon ont pu exprimer leur vision particulière du monde et de l'Homme en s'opposant aux formalités jusqu'ici assurées. Mais alors qu'il serait usuel de terminer notre réflexion sur ce point, n'oublions pas qu'au-delà de la stylistique traditionnelle et originale se cachent certains écrivains qui incluent leurs façons de penser le monde et l'Homme à leurs incipit, par le simple fait qu'ils souhaitent écrire dans un genre particulier. III. L'écrivain est révélé par son simple choix de registre et/ou de genre littéraire En effet, certains écrivains promeuvent leur conception de l'Homme et du monde au travers du genre littéraire dans lequel leur oeuvre est inscrite. En raison du désir de s'imposer face au lecteur, dès le début du roman, quelques écrivains soumettent leurs intentions dans leur incipit. C'est ainsi que Montaigne, au XVIe, nous présentera l'incipit de Essais qui, entre le genre autobiographique et celui de l'analyse humaine, viendra énoncer explicitement ses intentions « C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. « La première adresse se fait directement au lecteur par l'écrivain qui dévoile une certaine interpellation et un désir d'entrée et de toucher le lecteur pour ainsi lui faire paraitre ses conceptions. De plus, Montaigne illustre, grâce à son ouverture nommée Au Lecteur, la notion du point de vue personnel que va renfermer son oeuvre. Il laissera enfin, dans son incipit, son point de vue sur le monde « Il (le livre) t'avertit, dès l'entrée, que je ne m'y suis pas assigné d'autres buts que familiaux et personnels. « Cependant, séparés par quatre siècles, Sarraute, écrivain du mouvement littéraire Le Nouveau roman, s'apparentera au même fonctionnement. Effectivement, ancré dans le genre autobiographique, l'incipit d'Enfance, relate un dialogue entre l'écrivain et la mémoire. Interprété comme bon semble au lecteur, cet incipit présente un laboratoire d'écriture contenant un labyrinthe de conception de l'Homme et du monde. L'omniprésence du questionnement permet à Sarraute d'établir un pacte avec le lecteur qui, tout comme Montaigne, révèle l'envie d'évoquer une opinion personnelle. Il s'agit donc de laisser l'auteur relater ses perceptions grâce au genre utilisé. De soumettre, grâce à la catégorie de l'oeuvre, le refus d'énoncer une intrigue et une psychologie pour y insérer un point de vue personnel sur la situation. Conclusion : En somme, depuis la naissance du roman, les écrivains ont cherché un moyen de transposer leurs perceptions de l'Homme et du monde dans leurs écrits. Tous inscrits dans des mouvements littéraires différents et dans divers genres, ils se sont cependant réunis en un caractère commun, l'exposition de l'incipit. Après avoir exploré les différentes solutions utilisées par quelques écrivains, nous remarquons effectivement que l'incipit constitue un lieu stratégique donnant accès aux conceptions de l'écrivain. Tantôt grâce à une stylistique traditionnelle, tantôt par l'originalité de l'ouverture, l'écrivain expose ses modes de pensées et ses points de vue ainsi que, comme nous l'avons remarqué, par le choix méticuleux du genre de l'oeuvre d'où provient l'incipit. Comme toute oeuvre littéraire, l'écriture théâtrale utilise aussi le principe de l'incipit comme lieu stratégique. Anouilh nous le confirme avec le prologue de sa pièce Antigone, joué en 1944 à Paris sous l'occupation Allemande. Dans l'ouverture de la pièce, les personnes présentes sur scène oscillent entre le statut de comédiens concentrés et de personnages. Ils sont décrits par leur apparence, leur caractère à la manière d'un romancier. Dans ce prologue – qui correspond à l'incipit dans le roman, nous remarquerons, comme dans L'Étranger la présence de l'absurde qui illustre l'image tragique de l'Homme. Pourrait-on alors supposer que le théâtre puisse aussi coïncider avec la citation d'Andrea Del Lungo ?

« les étoffes.

Une étoffe qu'il avait vue sur plusieurs femmes.

»De la même manière, Camus traite dans l'incipit de L'Étranger, une certaine rupture de langage qui traduit unecertaine lassitude du monde.

Une action à la connotation dramatique vient ici endosser un intérêt minime pour lepersonnage « Aujourd'hui, maman est morte ».

Là encore, Camus transcrit ainsi l'image tragique de l'Homme etl'absurdité du monde fragmenté qui lui donne cependant la faculté d'écrire et de se dire écrivain.

L'absence de cadrestrict permet à l'écrivain d'exprimer ses impressions quand bon lui semble et d'exprimer avec naturel une souffranceet une froideur réelle alors que le récit se situe dans le mouvement littéraire de l'Absurde. Ainsi Camus et Aragon ont pu exprimer leur vision particulière du monde et de l'Homme en s'opposant aux formalitésjusqu'ici assurées.

Mais alors qu'il serait usuel de terminer notre réflexion sur ce point, n'oublions pas qu'au-delà dela stylistique traditionnelle et originale se cachent certains écrivains qui incluent leurs façons de penser le monde etl'Homme à leurs incipit, par le simple fait qu'ils souhaitent écrire dans un genre particulier. III.

L'écrivain est révélé par son simple choix de registre et/ou de genre littéraire En effet, certains écrivains promeuvent leur conception de l'Homme et du monde au travers du genre littéraire danslequel leur oeuvre est inscrite.

En raison du désir de s'imposer face au lecteur, dès le début du roman, quelquesécrivains soumettent leurs intentions dans leur incipit.

C'est ainsi que Montaigne, au XVIe, nous présentera l'incipitde Essais qui, entre le genre autobiographique et celui de l'analyse humaine, viendra énoncer explicitement sesintentions « C'est ici un livre de bonne foi, lecteur.

» La première adresse se fait directement au lecteur parl'écrivain qui dévoile une certaine interpellation et un désir d'entrée et de toucher le lecteur pour ainsi lui faireparaitre ses conceptions.

De plus, Montaigne illustre, grâce à son ouverture nommée Au Lecteur, la notion du pointde vue personnel que va renfermer son oeuvre.

Il laissera enfin, dans son incipit, son point de vue sur le monde « Il(le livre) t'avertit, dès l'entrée, que je ne m'y suis pas assigné d'autres buts que familiaux et personnels.

»Cependant, séparés par quatre siècles, Sarraute, écrivain du mouvement littéraire Le Nouveau roman, s'apparenteraau même fonctionnement.

Effectivement, ancré dans le genre autobiographique, l'incipit d'Enfance, relate undialogue entre l'écrivain et la mémoire.

Interprété comme bon semble au lecteur, cet incipit présente un laboratoired'écriture contenant un labyrinthe de conception de l'Homme et du monde.

L'omniprésence du questionnementpermet à Sarraute d'établir un pacte avec le lecteur qui, tout comme Montaigne, révèle l'envie d'évoquer uneopinion personnelle.Il s'agit donc de laisser l'auteur relater ses perceptions grâce au genre utilisé.

De soumettre, grâce à la catégorie del'oeuvre, le refus d'énoncer une intrigue et une psychologie pour y insérer un point de vue personnel sur la situation. Conclusion :En somme, depuis la naissance du roman, les écrivains ont cherché un moyen de transposer leurs perceptions del'Homme et du monde dans leurs écrits.

Tous inscrits dans des mouvements littéraires différents et dans diversgenres, ils se sont cependant réunis en un caractère commun, l'exposition de l'incipit.

Après avoir exploré lesdifférentes solutions utilisées par quelques écrivains, nous remarquons effectivement que l'incipit constitue un lieustratégique donnant accès aux conceptions de l'écrivain.

Tantôt grâce à une stylistique traditionnelle, tantôt parl'originalité de l'ouverture, l'écrivain expose ses modes de pensées et ses points de vue ainsi que, comme nousl'avons remarqué, par le choix méticuleux du genre de l'oeuvre d'où provient l'incipit.Comme toute oeuvre littéraire, l'écriture théâtrale utilise aussi le principe de l'incipit comme lieu stratégique.

Anouilhnous le confirme avec le prologue de sa pièce Antigone, joué en 1944 à Paris sous l'occupation Allemande.

Dansl'ouverture de la pièce, les personnes présentes sur scène oscillent entre le statut de comédiens concentrés et depersonnages.

Ils sont décrits par leur apparence, leur caractère à la manière d'un romancier.

Dans ce prologue– qui correspond à l'incipit dans le roman, nous remarquerons, comme dans L'Étranger la présence del'absurde qui illustre l'image tragique de l'Homme.

Pourrait-on alors supposer que le théâtre puisse aussi coïncideravec la citation d'Andrea Del Lungo ? Sujet désiré en échange : je veux un autre corrigé de cette dissertation svp. »

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